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BERLINALE 2022 Compétition

Isaki Lacuesta • Réalisateur de Un an, une nuit

“Ce film ne cherche pas à analyser les motifs”

par 

- BERLINALE 2022 : Le réalisateur espagnol raconte l’histoire d’un couple qui essaie de se relever après l’attentat du Bataclan, ensemble, mais chacun à sa manière

Isaki Lacuesta • Réalisateur de Un an, une nuit

Céline (Noémie Merlant) et Ramón (Nahuel Pérez Biscayart) ne peuvent oublier la nuit du 13 novembre 2015. Un an, une nuit [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Isaki Lacuesta
fiche film
]
d'Isaki Lacuesta, inspiré du témoignage de Ramón Gonzalez, survivant à l'attentat du Bataclan, et présenté en première mondiale dans le cadre de la compétition de Berlin, suit ces deux personnages tandis qu’ils essayent de reconstruire leur vie, ou d'en changer complètement.

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Cineuropa : Mon impression est que les gens continuent de juger la manière dont chacun fait son deuil (on n'a pas le droit de rire aux enterrements, par exemple), mais vous montrez des gens qui ont des manières très différentes de vivre leur douleur.
Isaki Lacuesta :
C’était la réalité de la chose, et je voulais travailler avec ce type d’intensité. C’est comme des montagnes russes : ils passent de l'euphorie à la dépression, de la peur au désir. Ils essaient d’aller de l’avant, de vivre, mais ils ne savent pas comment s'y prendre. Il était important d’avoir un film chargé d’émotions, de musique et de couleurs.

Vous ouvrez sur une image où ils sont ensemble, et se cachent un peu. Je me suis demandé s'il vous alliez montrer l’attentat.
Au début, je n’étais pas sûr de la manière dont on allait faire ce film. Tout ce que je savais, c'est que je voulais transmettre les idées et les sentiments de ce couple. Vivre un peu avec eux. Quand j’ai lu le livre, je me suis rendu compte que je comprenais parfaitement Ramòn, surtout cette idée qu'il a de tout changer dans sa vie, parce qu'il a l’impression qu'il la gâche en faisant ce qu'on fait tous quand on accepte des métiers qu’on n'aime pas ou qu'on regarde l'écran de son téléphone pendant des heures. Elle aussi, je la comprends, notamment son désir d’oublier et d’effacer ce souvenir, même si ce film est fait pour qu'on se souvienne. Comment réagiriez-vous dans cette situation ? Quelle part de Ramòn et quelle part de Céline avez-vous en vous ? On ne peut pas le savoir à l'avance, mais on peut essayer d’imaginer comment on voudrait que ça se passe.

Les tragédies n'unissent pas toujours les gens. Vous les montrez en Espagne, vous la montrez entourée de gens qu’elle ne comprend pas. Voyez-vous le film comme l'histoire d'une incapacité à communiquer ?
Dans le livre, elle n’est pas française, elle est argentine, mais nous avons décidé que ce serait mieux d’avoir quelqu’un représente la France. Ça les rend encore plus différents entre eux. Elle appartient au pays qui a été attaqué. Pour lui, il est plus facile d'imaginer pouvoir échapper à tout cela, mais personne en Espagne ne le comprend : il est aussi étranger là-bas qu’en France.

Ils peuvent discuter de qui était la "vraie" cible de cet attentat : la France, les gens qui vont aux concerts de rock, les gens qui recherchent le plaisir ? En même temps, ce film ne cherche pas les motifs de l'attentat. L'intention n'a jamais été de faire un film sur les terroristes, mais de parler de la vraie vie des gens, après les attentats.

Est-ce que vous vous intéressez à la notion d’identité nationale ?
Je n’y crois pas du tout – c’est une très mauvaise idée, mais elle est très présente dans notre société. C’est tellement facile, pour les politiciens, de nous créer un "nous" et un "eux" afin de diviser la société comme si c’était un match de rugby. Nous voulions parler de cela aussi parce que c’est connecté aux attaques et à la manière dont elles ont été reçues ensuite. La majorité des victimes de ce type d'attentats ont peur de devenir racistes. Si on est sincère sur la question, tout le monde a eu ce genre de conversation. On est à la gare et on voit un bagage abandonné : la manière dont on réagit à cela va dépendre de la personne qui est à côté. Nous voulions nous souvenir de ce genre de pensées qu'on a pu avoir, et aussi essayer de lutter contre.

Dans votre film, ces conversations sérieuses sont toujours abordées de manière brouillonne, sous l'effet de l'alcool ou de la tristesse.
Je pense que je cherchais à retrouver cette intensité. Ils essaient de se reconnecter tous les deux de tant de manières différentes. Ils essaient de quitter la France et rallient l'Espagne, ils boivent et fument des joints, mais rien ne marche vraiment. Ils n'arrivent pas à se connecter de nouveau l'un à l'autre en tant que couple, ou avec leurs personnalités d’avant. J’adore les films de John Cassavetes et quand je les filmais complètement ivres, je me disais : "Waouh, c’est comme un film de Cassavetes, je me sens très à l'aise là-dedans !". Aussi, quand on est dans ce genre d'état, on peut enfin dire la vérité. Le pire genre de vérité.

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(Traduit de l'anglais)

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