Ibon Cormenzana • Réalisateur de La cima
“C’est dans les moments difficiles qu’on voit qui tu es vraiment”
par Alfonso Rivera
- Le metteur en scène basque présente un film qui réunit aventure, drame et valeurs, avec Javier Rey et Patricia López Arnáiz

La coproduction franco-espagnole La cima [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ibon Cormenzana
fiche film] a été présentée en compétition officielle au 25e Festival de Malaga, quelques jours avant sa sortie dans les salles espagnoles, vendredi 25 mars. Le réalisateur du film, Ibon Cormenzana, a rencontré Cineuropa dans la ville andalouse pour discuter de ce film d’action, tourné en pleine nature, qui ne néglige pas les conflits intimes de ses personnages centraux, interprété par Javier Rey et Patricia López Arnáiz.
Cineuropa : On ne produit pas beaucoup de cinéma d’aventures pour adultes en Espagne, qu'en pensez-vous ?
Ibon Cormenzana : C'est vrai, il n'y a quasiment pas de films d'aventures montagnards en fiction. Il y a de magnifiques documentaires sur la montagne, mais des films de fiction je ne crois pas. Ne serait-ce que pour ça, ça vaudrait la peine que les gens aillent voir La cima, parce que c’est quelque chose de spécial. Quand j’ai commencé à travailler sur le scénario, mon obsession était que ça plaise à ma mère : il fallait que je fasse un film qui, bien qu'il s'agisse d'une aventure sur l’Annapurna, puisse lui plaire, à elle qui ne sait rien de la montagne et ne s'y intéresse pas, mais fait partie d’un public qui va généralement voir des films d'auteurs. Il fallait que le public qui n’est pas passionné de montagne puisse rentrer dans cette histoire, pas tant pour sa part d’aventure, mais pour la part plus émotionnelle et mystique de ses personnages.
Vous êtes basque. Pour un natif de votre région, la montagne est généralement un élément important…
Absolument. En plus, ça fait de nombreuses années que je vis à Barcelone et les Catalans aussi adorent la montagne. La conjonction de ces deux facteurs a donné lieu à La cima. Je suis un aficionado amateur. Je suis rentré dans ce monde après une crise personnelle que j’ai vécue il y a des années. Quelqu’un m’a parlé de courir dans les montagnes, ce qui m’a amené à m’attacher à elle et à apprendre une série de valeurs qui m’ont servi au niveau personnel dans la vie, de sorte que j’ai voulu les intégrer à un film et ainsi faire le jour sur ces valeurs, pour que le public les connaisse. Ce sont les valeurs des alpinistes, des choses très basiques qu'on tient pour acquises, mais que nous n'appliquons pas au jour le jour alors que si on les appliquait, les gens iraient mieux dans la vie.
Notamment l’empathie, la solidarité et l’aide aux autres. Tout cela ressort particulièrement dans des situations difficiles, comme celles que vivent les personnages de La cima.
Oui, c'est dans ces moments de tourmente qu’on montre qui on est vraiment. Je me souviens du film F [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ruben Östlund
fiche film]orce majeure, où une famille est détruite après avoir vu la réaction du père face à un danger, c’est comme s'il vous arrivait un malheur et que votre ami le plus proche ne vous soutenait pas. Les alpinistes pensent davantage à leur camarade qu'à eux-mêmes, et en plus, cet effort génère de l’estime de soi et vous fait vous sentir plus fort, il vous fait évoluer. Ils vivent aussi simplement et savent apprécier quelque chose d'aussi élémentaire qu'un coucher de soleil.
Mais il y a des moments dans La cima où les personnages se comportent de manière tellement inconsciente qu’on dirait des enfants.
Le personnage de Mateo (Javier Rey) a cette inconscience : il sait qu’il est face à un gros risque, qu'il pourrait mourir, mais en réalité c'est ça qui le ramène à la vie, car ainsi il surmonte son traumatisme et son deuil. Il a conçu la manière de le solutionner : un grand défi pour une grande perte.
Dans votre film, l'humain paraît souvent tout petit, à côté de la magnificence de la nature.
Oui, l'Himalaya et l'immensité de ces paysages fait que nous sommes ça : une fourm dans l'univers. Nous ne sommes rien, mais en même temps, j’ai vécu des expériences extraordinaires en arrivant seul sur un sommet, et je voulais introduire ça dans mon histoire : cette connexion avec tout. La quête de Mateo, c'est, inconsciemment, celle-là.
Enfin, comment avez-vous préparé toute l’équipe, physiquement et mentalement, pour un tournage aussi rude ?
Moi j’étais préparé, mais les acteurs moins : un alpiniste professionnel leur a appris à grimper sur la pierre et la glace, comment faire une injection à 7000m ou encore comment respirer à partir d’une certaine altitude. Ils ont aussi lu des livres, pour comprendre l'apparente folie de ces types ; beaucoup cherchent dans l'alpinisme une connexion avec la vie, comme si là-haut, ils allaient trouver le sens de l’existence.
(Traduit de l'espagnol)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.