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LUXEMBOURG 2022

Dominique Santana • Réalisatrice de A colônia luxemburguesa

"À la recherche de mes propres racines brésiliennes, je suis tombée sur cette curieuse histoire centenaire de migrations forgée par l’acier"

par 

- Avec son nouveau projet, la luxembourgeoise rappelle que s'engager avec l'Histoire responsabilise les gens et est nécessaire pour créer un avenir meilleur

Dominique Santana • Réalisatrice de A colônia luxemburguesa

Révélée au grand public à l’occasion des festivités de Esch 2022 – Capitale européenne de la culture, et lors du Luxembourg City Film Festival, l’atypique initiative transmédia A colônia luxemburguesa permet à l’historienne Dominique Santana de raconter le passé méconnu de Monlevade, une ancienne petite colonie grand-ducale située dans l’état brésilien du Minas Gerais (lire la critique). La démarche, déclinée en plusieurs volets et sous des formats différents, offre aux spectateurs et autres curieux l’occasion inédite de comparer les récits forgés par le temps et les descendants des fondateurs de ce lieu surprenant. Au cœur du processus, surgit un documentaire disponible sur le web et dont l’internaute devient en quelque sorte le propre monteur au grès de ses intérêts personnels : les entrevues filmées sur place par Santana et son équipe sont accessibles par "morceaux", à travers des thèmes et pas nécessairement de façon chronologique. À ces images, l’historienne fait appel à des extraits de films d’actualité tournés au début du siècle dernier. Elle a aussi fouillé parmi des dizaines de fonds d’archives familiales, et offre un voyage fascinant à la rencontre des familles Ensch, Moyen, Demuth, Scharlé, Forster, Hayum, Hein, Bian, etc…

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Cineuropa : Vous décrivez A colônia luxemburguesa comme "un voyage de découverte interactif". Qu'est-ce que cela signifie ?
Dominique Santana : Le documentaire transmédia A Colônia Luxemburguesa met en avant la multivocalité et la multiperspectivité de l’Histoire. Le public engagé embarque dans l’univers transmédia, un voyage de découverte à travers différentes plateformes interconnectées digitales (colonia.lu) et physiques (kiosques [L]aço). En naviguant les 7 chapitres du documentaire interactif sur colonia.lu, nous dévoilons progressivement les différentes facettes de cette fascinante histoire de migrations. La structure interactive du film construite autour de questions, nous invite à questionner et investiguer les histoires souvent divergentes qui dressent un curieux portrait de cette colonie luxembourgeoise dans les terres rouges brésiliennes. Le film est directement lié à une carte interactive et un tableau multimédia des personnages. C’est un processus co-créatif de construction d’un patrimoine partagé en constante évolution. On peut aussi participer en partageant nos témoignages en ligne ou dans les kiosques [L]aço au Luxembourg et au Brésil.

Pourquoi et quand vous êtes-vous intéressée à la ville de João Monlevade ? 
À la recherche de mes propres racines brésiliennes, je suis tombée sur cette curieuse histoire centenaire de migrations forgée par l’acier. Mon premier voyage à João Monlevade en novembre 2016 m’a profondément marquée. Même si peu de Luxembourgeois sont restés à João Monlevade, c’est fou comme on ressent leur présence dans l’espace urbain de la ville, dans la mémoire vivante des habitants… Cette découverte inouïe d’un Luxembourg miniature version tropicale, une enclave construite dans la forêt tropicale des immenses terres rouges du Minas Gerais, m’a tellement intriguée que j’ai dédié quatre ans de recherche pour la réalisation de ce projet transmédia racontant cent ans d’histoires croisées entre le Luxembourg et le Brésil. (Aujourd’hui, João Monlevade est une ville industrielle d’environ 86 000 habitants – sans cinéma. Le format choisi permet ainsi aux habitants de découvrir leur histoire et d’y participer.)

Parmi les nombreux témoignages récoltés sur place, vous faites un parallèle régulier entre les personnages de Louis Ensch et Jean de Monlevade. Qu'est-ce qui vous fascine chez ces deux figures historiques et pourquoi ?
Ces deux industriels Européens, deux colons enterrés côte à côte dans le cimetière des esclaves, sont célébrés aujourd’hui comme les grands pionniers et pères de João Monlevade. Même si un siècle les sépare, leur trajectoire est fortement similaire. Jean de Monlevade s’est installé dans la région au début du 19e siècle, s’est marié à une brésilienne et a exploité les gisements de minerai de fer avec une centaine d’esclaves. Environ cent ans plus tard, Louis Ensch s’y installe avec d’autres industriels européens, se marie à une brésilienne et transforme l’ancienne Fazenda en ville industrielle entièrement sous son contrôle, avec les descendants d’esclaves désormais transformés en ouvriers… L’héritage colonial toujours omniprésent dans l’histoire de la ville est construit autour des figures mythiques de ces deux colons : Jean de Monlevade et Louis Ensch.

Parlez-nous de votre expérience de tournage au Brésil. Combien de temps celle-ci a-t-elle duré, et quels furent vos principaux défis sur place ?
Le tournage au Brésil a eu lieu en novembre-décembre 2020, en pleine pandémie. En deux semaines, nous avons visité huit villes dans six états différents avec un programme très chargé. Vu les énormes distances, nous nous sommes souvent déplacés en avion. Les restrictions liées à la pandémie ont fortement impacté la logistique du tournage et j’ai évidemment dû adapter le script en tournant uniquement des interviews séparés, vu que des événements prévus n’ont finalement pas eu lieu. Nous avons respecté toutes les mesures en vigueur et tourné majoritairement dans les endroits externes ou aérés, des conditions pas toujours idéales pour la prise de son, surtout à João Monlevade avec le bruit de l’usine... Malgré tous ces défis, le tournage s’est très bien passé et toute l’équipe en retient des souvenirs inoubliables !

À travers ce film, et l'expérience interactive qui en découle, quel(s) message(s) souhaitez-vous transmettre au public ?
L’histoire est composée de différentes histoires racontées d’après différents angles, des récits souvent divergents ou même opposés. C’est le dialogue entre les multiples témoignages, récits et films historiques qui dresse le portrait hétérogène de la "Colônia Luxemburguesa". L’histoire est un processus évolutif et collectif. Le but de l’univers transmédia de ce projet n’est pas de trouver "la vérité", mais plutôt de "poser les bonnes questions". En naviguant les différents angles du documentaire, des nouvelles questions se posent. Il s’agit donc avant tout de susciter l’esprit critique, en mettant constamment en question et en contexte ce que l’on consomme – une réelle nécessité dans le monde actuel. De plus, je crois que A Colônia Luxemburguesa nous invite à faire part de ce processus en constante évolution. En découvrant ensemble cet héritage commun, de nouveaux liens se créent pour la construction d’un futur commun.

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