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BERGAME 2022

Patrice Toye • Réalisatrice de Tench

“Dans un film, on peut présenter des visions différentes des choses, les regarder autrement”

par 

- Nous avons rencontré à la 40e édition du Festival de Bergame la réalisatrice belge, qui nous a présenté sa filmographie personnelle complète

Patrice Toye • Réalisatrice de Tench

Nous avons rencontré la réalisatrice belge Patrice Toye au Festival de Bergame, où son premier long-métrage, Rosie, avait remporté un prix en 1998. Cette année, le festival lui a dédié une rétrospective complète, qui comprend son nouveau film, Tench [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Patrice Toye
fiche film
]
, adapté du roman du même nom d'Inge Schilperoord. Le film, qui a été sélectionné au Festival de Rotterdam et qui a gagné le Prix North Sea Port du public au Festival de Gand, traite de manière originale et sensible le sujet de la pédophilie.

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Cineuropa : En 1998, ici à Bergame, vous avez été la première réalisatrice femme en provenance de la partie flamande de la Belgique jamais invitée. Qu’est-ce qui a changé en vingt ans ?
Patrice Toye :
Je suis très heureuse que beaucoup de jeunes femmes soient en train de gagner du terrain. Il y a beaucoup de films machistes et c’est beau de voir les choses à travers les yeux d’une femme parce que parfois, nous avons une vision différente du même sujet. Ceci étant dit, je ne tiens pas vraiment compte du sexe des gens : l'important, c'est d’avoir quelque chose à dire, d'obtenir un haut niveau de qualité. Ça devrait toujours être le premier critère pour investir dans un projet. En tant qu'enseignante en cinéma, j’aime leur apporter ce petit plus. Les femmes tendent à être moins sûres d’elles-mêmes, ce qui dans un sens est une qualité : ça fait questionner et éviter les clichés. Hélas, les femmes ont souvent des craintes et j'essaie de travailler là-dessus, en essayant de leur donner un peu de force.

Vous avez été très libre de choisir d'aborder un sujet difficile dans votre dernier film, Tench. Peut-être que dans d’autres pays, on ne vous aurait pas permis de faire ce film.
Certains festivals importants ont dit que ce sujet était trop difficile à proposer au public. Quand nous avons conçu ce film, j’ai compris que brosser le portrait de quelqu’un que nous appelons tous "un monstre" n'était pas un projet très populaire. Moi-même, je suis mère de deux filles et j’ai mon opinion sur la question. J’avais lu le livre de cette psychologue, sur un jeune qui avait un bon cœur mais de mauvaises pensées à propos des filles, et qui était tombé amoureux d’une fille et devenu un prédateur. Il a lutté contre lui-même, il voulait être du bon côté. Évidemment, ce qu'il a fait est impardonnable, mais le livre m’a fait changer d’avis sur ces personnes qui doivent lutter contre leur propre nature. Ils doivent se détester. Beaucoup de ces gens se suicident. J’ai senti l’urgence de traiter ce sujet et je pense que nous devons oser parler de ce tabou. Si nous aidons ces personnes, il est démontré qu’il y aura moins d’agressions. J’ai cherché à comprendre ce jeune homme, et ça n'a pas été facile.

Le cinéma peut-il faire basculer l'angle à partir duquel nous regardons le monde ?
Je ne veux pas imposer une vision qui serait la mienne, mais je pense qu’il est important de prendre les gens au sérieux et de savoir qu’ils ont leurs avis sur les choses. Dans un film, on peut endormir les gens ou leur montrer des points de vue différents. Pour qu'ils voient les choses d’une autre manière. Cela dit, je n’ai pas de réponse : je montre quelque chose et c'est à chacun de se faire son avis. Je voudrais seulement les faire réfléchir sur ce sujet et approfondir les choses.

Ce type de film est de moins en moins présent dans les salles.
On ne peut voir de films indépendants que dans les festivals. Dans mon pays, il y a de moins en moins de cinémas qui projettent des films d’auteurs, il faut aller sur MUBI. Le cinéma indépendant survivra comme ça, mais ce serait beau d'en voir davantage sur les chaînes de télévision généralistes. Depuis la pandémie, les gens achètent des télévisions plus grandes, alors c’est plus simple de rester chez soi, sauf que sur le grand écran, on peut voir beaucoup de détails. La culture a été punie, l’industrie est en train de se déplacer sur les plateformes. Le cinéma survivra grâce à Netflix, qui continuera à gagner des Oscars. Nous trouverons un moyen d’y arriver. Mais j’ai crains que les gens ne soient en train de perdre l’habitude d’aller au cinéma le vendredi soir.

Est-ce que vous travaillez sur un nouveau projet ?
Oui, je viens de recevoir un financement pour en écrire le scénario. Celui-ci aussi est tiré d'un libre et il traite également d'un sujet vraiment difficile. Ça concerne la masculinité toxique. Le héros est un garçon de 14 ans. Après la Seconde Guerre mondiale, il va dans un camp pour les enfants traumatisés. Il veut devenir populaire et on découvre petit à petit pourquoi. Il veut avoir le pouvoir, comme les grands leaders. Comme Roosevelt ou Hitler. Mais il balbutie. Il oublie qu'il est humain parce qu’il veut le pouvoir. On l’aime et on le déteste en même temps.

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(Traduit de l'italien)

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