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France

Sophie Mirouze • Déléguée générale, Festival La Rochelle Cinéma

"Le rôle des festivals est de récréer un désir"

par 

- Faire revenir le public en salles, défendre la diversité à travers la découverte ou la redécouverte des films sur grand écran : la pilote du festival français partage son optimisme

Sophie Mirouze • Déléguée générale, Festival La Rochelle Cinéma

Le 50e Festival La Rochelle Cinéma (Fema) démarre aujourd’hui et proposera jusqu’au 10 juillet un programme très diversifié et de grande qualité de plus de 200 films (lire la news). Rencontre avec Sophie Mirouze, déléguée générale et directrice artistique d’un événement qui allie cinéphilie et succès populaire (86 492 entrées en 2019).

Cineuropa : Avec une reprise compliquée pour la fréquentation des salles et des distributeurs fragilisés, donc plus prudents sur les films d’auteur internationaux qui constituent l’essentiel de votre programmation, comment percevez-vous le rôle d’un festival non-compétitif comme La Rochelle Cinéma ? Est-ce que ce sera à l’avenir le moyen de découvrir en France des films qui ne sortiraient plus jamais en salles ?
Sophie Mirouze
 : Je ne suis pas aussi pessimiste. Sur le timing, notre 50e édition tombe très bien. Avec l’effet anniversaire, une programmation extrêmement riche et un record de 364 projections et d’événements, elle est très attendue. J’espère qu’elle sera exceptionnelle et surtout qu’elle nous permettra non seulement de retrouver tout notre public (que nous avions évidemment un peu perdu en partie l’an dernier à cause de la pandémie), mais aussi d’attirer un public plus large. Nous avons toujours été un festival non-compétitif, nous tenons à le rester et je trouve d’ailleurs que c’est de plus en plus important d’être non-compétitif car aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’exclusivité, mais au contraire à la diffusion et à la circulation des œuvres des films. On peut effectivement penser que les festivals vont devenir les seuls lieux où certaines œuvres du cinéma d’auteur indépendant seront visibles, mais les distributeurs sont certes fragilisés, mais toujours aussi passionnés : ils y croient et ils feront en sorte que ces films existent en salles, même si ce sera peut-être à un niveau moindre qu’auparavant car il y avait peut-être une offre de films en salles trop importante. Espérons que le tri ne s’opère pas par le haut et qu’il ne restera pas que des blockbusters en salles ces prochaines années. Mais je suis plutôt optimiste, en tous cas sur le rôle des festivals qui est de récréer un désir. Il faut défendre la découverte ou la redécouverte des films sur grand écran, réaffirmer que c’est une expérience collective importante.

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Pourquoi avoir choisi de consacrer cette année des rétrospectives à l’Anglaise Joanna Hogg et à l’Espagnol Jonás Trueba ?
Parce que ce sont deux cinéastes importants que les cinéphiles français ont découvert finalement assez tardivement. Nous avions été les premiers en France à montrer The Souvenir – Part 1 [+lire aussi :
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en juillet 2019 et nous sommes très heureux qu’elle puisse venir à La Rochelle car c’est aussi une réalisatrice qui parle extrêmement bien de son cinéma. Quant à Jonás Trueba, c’est Eva en août [+lire aussi :
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interview : Jonás Trueba
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qui l’a révélé en France en 2020 et il est dans l’actualité avec deux films : Qui à part nous [+lire aussi :
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qui est sorti en France fin avril et dont la durée un peu hors norme (3h40mn) est idéale pour un festival car on y a plus de temps pour se plonger dans les oeuvres et Venez voir [+lire aussi :
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interview : Jonás Trueba
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qui est sélectionné en compétition à Karlovy Vary et que nous allons montrer dans la foulée de sa première mondiale là-bas.

Votre section "Ici et ailleurs" propose 47 longs métrages très récents. Quelle est la ligne éditoriale de ce programme ?
Elle est très simple : ce sont les films que nous avons aimés tout au long de l’année en allant dans les différents festivals européens : Cannes, Berlin, San Sebastián, New Horizons en Pologne (avec une carte blanche croisée cette année), etc. Ce sont essentiellement des longs métrages de fiction, mais il y a aussi des documentaires comme Marx peut attendre [+lire aussi :
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de Marco Bellocchio qui n’aura finalement pas de sortie organisée en salles en France à cause des conséquences de la pandémie, mais qui à la disposition des exploitants qui souhaitent le programmer et qui n’auraient pas pu le découvrir à Cannes en juillet 2021.

Comment votre public réagit-il à des programmations aussi pointues que le focus sur la cinéaste bulgare Binka Zhelyazkova (ndr. qui a démarré sa carrière en 1957 et dont quatre des neuf films ont été censurés dans son propre pays) ou aux 26 films composant "Une histoire du cinéma portugais" ?
Notre public est assez large mais il y a un socle très cinéphile. La rétrospective que nous avions consacrée en 2019 à la cinéaste ukrainienne Kira Mouratova avait très bien fonctionné et je pense que ce sera la même chose pour découvrir les œuvres de Binka Zhelyazkova qui est pour la première fois ainsi mise en lumière en France. C’est notre rôle de faire découvrir ou redécouvrir des cinéastes parfois complètement oubliés, y compris dans leurs propres pays. Quant au cinéma portugais, non seulement il a toujours été présent à La Rochelle puisque Manoel de Oliveira par exemple était venu en 1975 pour la 3e édition de notre festival, c’est aussi surtout notre ADN : montrer à la fois des films de patrimoine (jusqu’au muet) et des œuvres très contemporaines puisque le programme inclut les avant-premières de Alma Viva [+lire aussi :
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interview : Cristèle Alves Meira
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de Cristèle Alves Meira et Feu follet [+lire aussi :
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interview : João Pedro Rodrigues
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de João Pedro Rodrigues. Plus globalement, si l’on élargit cela à l’ensemble de la programmation du festival cette année, c’est très important pour nous de montrer que la diversité du cinéma en salles va de Pedro Costa à Brad Pitt en passant par Pasolini et Audrey Hepburn. Car l’identité de La Rochelle Cinéma, à l’image de ce qu’incarne notre nouvelle présidente Sylvie Pialat, c’est le cinéma d’aujourd’hui et celui de patrimoine, le cinéma d’auteur et celui plus grand public, mais aussi une résistance afin que la salle et l’exigence artistique ne soient pas sacrifiées sur l’autel de la pandémie.

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