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LOCARNO 2022 Piazza Grande

Kilian Riedhof • Réalisateur de Vous n’aurez pas ma haine

“Trois pays ont fait de ce film une réponse européenne au terrorisme. Il faut que nous restions solidaires”

par 

- Dans son film, c’est l’amour que célèbre le réalisateur allemand

Kilian Riedhof • Réalisateur de Vous n’aurez pas ma haine
(© Mathias Bothor)

Antoine Leiris était chez lui avec son fils quand sa femme Hélène a été tuée au Bataclan. Désespéré, il est allé sur les réseaux sociaux et il a écrit un post qui exprimait ce que beaucoup de gens ressentaient à ce moment-là, affirmant que les tueurs de sa compagne "n'auraient pas sa haine". Kilian Riedhof raconte de nouveau l'histoire de cet homme dans Vous n'aurez pas ma haine [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kilian Riedhof
fiche film
]
, qui a fait sa première dans la section Piazza Grande du Festival de Locarno.

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Cineuropa : Récemment, j’ai vu deux films sur la tragédie du Bataclan. Il semble que les gens soient prêts en parler, maintenant, mais combien de temps vous a-t-il fallu pour en arriver là ?
Kilian Riedhof : Quand j’ai lu l’histoire d'Antoine, j’ai été submergé d'émotion. J’ai une fille qui a à peu près le même âge que son fils. Ça nous touche tous de près, car on peut facilement s'imaginer la situation : votre femme part pour la soirée et vous mettez votre enfant au lit, sans vous attendre à ce que quelque chose d'affreux se produise. Mais vous avez raison, c’est un sujet très spécifique, particulièrement en France, où presque tous les gens qui vivent à Paris ont un souvenir lié à ce soir-là. Certains étaient censés y aller, d’autres connaissaient des gens qui y étaient. Je ne voulais pas "dédramatiser" l’histoire, je ne voulais pas être trop littéral. J’ai vu mon rôle comme celui d’un ami compatissant, disons.

La décision de ne pas montrer l’attentat lui-même semble judicieuse – j'aurais eu du mal à me concentrer sur sa douleur à lui après.
Antoine nous a demandé de ne pas le montrer. C’est une perspective radicale, mais c’était important. Autrement, ce serait trop conventionnel. Pour se concentrer sur son deuil, sur son combat contre ses propres démons, il fallait montrer son combat intérieur, il fallait montrer sa lutte intérieure. Il fallait montrer comment il surmonte la haine.

Vous semblez suggérer que la frénésie des médias autour de ce post a aussi été une manière de retarder certaines choses, comme préparer l’enterrement de sa femme, accepter la réalité de cette mort...
Ça n’est pas dans le livre, mais nous avons découvert qu’il s’est mis à apparaître dans les médias trois jours après l’attentat. Ça paraissait prématuré, mais au bout d'un moment, on comprend mieux pourquoi il a voulu faire ça. Je travaille toujours avec un psychiatre en préparant une mise en scène, et nous avons aussi parlé de ça aussi. Nous nous sommes rendu compte que ça l’a aidé à survivre à ces premières journées. Mais ça ne pouvait pas durer indéfiniment.

C’est drôle, tout de même, ce qu’on fait pour survivre. Peut-être est-ce pour cela que votre film fait l'effet d'être universel : une fois qu’on enlève l’élément attentat, c’est une histoire sur un père qui essaie d’être là pour son enfant.
C’était une part essentielle de l’histoire, sa relation avec son fils. Il a été distrait de cela par sa douleur, mais afin de retrouver espoir, il devait revenir à cet amour. Antoine a décrit cela comme "se plonger dans sa paternité". Si on parle de surmonter la haine, alors comment peut-on y arriver ? Il faut aimer encore plus intensément.

Ces temps-ci, on a l’impression que les gens sont encouragés à haïr, au lieu de ça. Est-ce que vous avez parlé à Antoine de ses mots ? Est-ce qu’ils ont changé quelque chose ?
Le post est sorti spontanément. C’est ce qu’il nous a dit et je le crois. Beaucoup de gens ont dit que ça les avait beaucoup fait réfléchir. Quand le film sortira, les réactions vont forcément être partagées, surtout celles des gens de droite.

C’est facile de céder à la haine, surtout sur les réseaux sociaux, et de ne pas se sentir responsable de ce qu’on dit. C’est pour cela que son message est si important maintenant. On ne peut pas juste dire qu’il faut se battre contre la haine avec l’amour. Je veux dire, c’est vrai, mais comment procède-t-on, pour faire ça ? Il faut être conscient de la relation qu’on a avec nos enfants et nos partenaires, conscient de notre culture, de ce qu’on aime là-dedans et de ce qu'on veut défendre. Pendant de nombreuses années, nous avons pris nos vies pour acquises, et soudain elles sont attaquées. Nous devons être conscients de qui nous sommes pour nous défendre.

Les gens se sentent "protecteurs" par rapport à leurs tragédies. Ils sont soupçonneux quand quelqu’un de l’extérieur veut en parler, je pense.
Nous avons eu de formidables coproducteurs français et nous avons beaucoup parlé de tout cela. J’ai compris ces craintes, parce que cette tragédie est encore très présente en France. Il ne s'agit pas d’expliquer les choses aux gens, juste d'être respectueux. En tant que père, en tant que citoyen occidental vivant en Europe, je me sens le droit de raconter cette histoire. Nous partageons tous l’expérience d’être attaqués. Trois pays, la France, l’Allemagne et la Belgique, ont fait ce film ensemble, comme une réponse européenne au terrorisme. Quoi de mieux ? Nous devons rester solidaires.

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(Traduit de l'anglais)

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