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SARAJEVO 2022 Compétition

Juraj Lerotić • Réalisateur de Safe Place

“Mon film parle d’un événement traumatisant, d’une fissuration soudaine du quotidien, d’une perte de contrôle”

par 

- Nous avons discuté avec le réalisateur du film couronné par le Prix Cineuropa à Sarajevo, dont le héros est pris en sandwich entre le soutien de sa famille et un système de la santé défaillant

Juraj Lerotić  • Réalisateur de Safe Place

Nous avons discuté avec Juraj Lerotić, le réalisateur de Safe Place [+lire aussi :
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bande-annonce
interview : Juraj Lerotić
fiche film
]
, qui a récemment remporté le Prix Cineuropa au Festival du film de Sarajevo, ainsi que le Cœur de Sarajevo et le prix du meilleur acteur (lire la news). Bruno, le héros du film, est tiraillé entre le soutien indéfectible de sa famille et un système de santé défaillant.

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Cineuropa : Pourquoi avoir choisi le titre Safe Place ?
Juraj Lerotić : Les personnages ne sont jamais au même endroit. Ils sont constamment en mouvement. D’une certaine manière, je voulais que le titre voyage avec eux. Il plane sur le film, parfois comme un espoir, parfois comme s’il n’était qu’une plaisanterie. J’aime sa simplicité, mais j’aime aussi que, parallèlement au film, il devienne ambigu et abscons.

L’histoire est très personnelle. Parlez-nous du processus de développement du scénario et de la façon dont vous avez abordé la mise en scène ?
Une fois que j’ai eu mon sujet, j’ai commencé à réfléchir à la structure dramatique. Je voulais qu’elle reflète et qu’elle nourrisse le contenu. Un événement traumatisant, une faille soudaine dans le quotidien, une perte de contrôle. C’est la raison pour laquelle le film sort ponctuellement du cadre strict de la fiction et glisse vers un Meta film. Si un événement traumatisant vient bouleverser la vie des personnages, le film lui aussi connaît un bouleversement, en raison de cette stratégie dramatique renversée. L’illusion s’étiole pour le spectateur, et simultanément, une nouvelle dimension de ce qui est observé s’ouvre. La faille structurelle ne survient qu’une fois, car, en la répétant et en la modifiant, elle ne serait plus une blessure, mais la substance même du scénario.

La première référence visuelle pour le film a été une série de petites figurines et la sensation éprouvée en les touchant. Elles ont chacune une attitude ou portent un sac ou autre chose qui nous donne une indication sur leurs allées et venues. Elles semblent quelque peu futiles, solitaires et à la merci de ce qui les entoure.

Le casting est le fruit de tout un processus. Lors de l’écriture du scénario, je ne savais pas que je jouerais le grand frère, mais au cours de cette phase, je me suis rendu compte que je me voilais la face. D’une certaine manière, je n’arrivais pas à accepter l’idée qu’un autre puisse endosser le rôle. Certainement parce que cela me touchait de trop près. Le fait que je joue dans le film lui confère une autre dimension, mais cette décision n’a pas été une décision facile.

Comment vous êtes-vous préparé au rôle de Damir, votre frère, avec Goran Markovic ?
Nous avons travaillé sur les pensées de Damir et sur les questions qu’il se pose. Par exemple, quelque chose comme : "j’ai le sentiment d’avoir fait une chose d’horrible, mais je ne sais ni quoi ni où". On pouvait également aller plus loin : "à cause de ça, ma famille va subir des représailles". Ces réflexions-là exigent une action. Damir ne peut pas répondre à ces questions, raison pour laquelle le spectateur a l’impression qu’il les esquive en permanence. C’était, par exemple, l’une des stratégies utilisées pour aborder le rôle.

Le personnage principal semble tiraillé entre le soutien indéfectible de sa famille et un système de santé défaillant.
Je paraphraserai un proverbe allemand : "Une aide excessive crée un sentiment de faiblesse." La mère et le frère de Damir essaient de le soutenir, sans condescendance ni inquiétude excessive. Quant à mon expérience du système, elle pourrait se résumer comme suit : selon moi, le système est défaillant. En tant qu’utilisateur, vous êtes à la merci des individus qui en font partie. Vous frapperez à une porte, les gens se montreront très gentils, ils vous aideront et vous adresseront à quelqu’un d’autre qui vous traitera comme un objet, vous humiliera et sèmera le trouble en vous.

Pourquoi avoir fait le choix de ne pas avoir de musique ? Qu’aviez-vous en tête avec les autres sons ?
Les scènes avec des dialogues ont été tournées avec un minimum de bruit ambiant. La plupart de ce que l’on entend dans le film n’ont pas été enregistrés sur le plateau, mais plutôt ajoutés en postproduction pour créer l’atmosphère nécessaire à certaines scènes. Quelquefois, c’est une profusion de sons considérable qui semble oppressante, d’autres fois, c’est un silence qui donne l’impression que tout peut arriver. Le film a un certain lyrisme, mais nous voulions aussi obtenir quelque chose d’authentique et de brut, comme un témoignage. C’est pour la raison pour laquelle nous n’avons pas utilisé de musique conventionnelle.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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