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BIFFF 2022

Karim Ouelhaj • Réalisateur de Megalomaniac

"Il me semble nécessaire de montrer le mal"

par 

- Rencontre avec le cinéaste belge pour parler de son dernier film, fantasmagorie sanglante et baroque primée au récent Fantasia Film Festival à Montréal

Karim Ouelhaj • Réalisateur de Megalomaniac

Rencontre avec le cinéaste belge Karim Ouelhaj, qui présentait au Brussels International Fantastic Film Festival son dernier film Megalomaniac [+lire aussi :
critique
interview : Karim Ouelhaj
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, fantasmagorie sanglante et baroque, sur la descendance d’un tueur en série, Grand Prix et Prix d’interprétation au récent Fantasia Film Festival à Montréal.

Cineuropa: Quelles sont les origines de ce projet ? Comment se sont rencontrées l’envie esthétique très forte qui le sous-tend, et ce récit allégorique, autour d’une femme piégée par le patriarcat ?
Karim Ouelhaj :
J’étais arrivé au bout d’un cycle en tant que réalisateur, je sortais d’un triptyque sociétal avec Parabola [+lire aussi :
critique
fiche film
]
, Le Repas du Singe
et Une réalité par seconde, des films extrêmement durs, notamment sur la question des violences faites aux femmes. J’avais envie d’évoluer vers autre chose. J’ai fait des courts métrages fantastiques, où j’avais le sentiment de pouvoir apporter une plus-value. J’avais des tas d’histoires, et pas beaucoup de budget, alors j’ai choisi celle qui s’accommodait le mieux des limites financières. J’ai des projets pour lesquels il faudrait 10 ou 15 millions d’euros ! Mais là, il fallait garder en tête la faisabilité économique, ce que j’ai fait. En essayant d’être le plus juste possible sur l’écriture, et la production.

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C’est effectivement un récit extrêmement resserré sur un lieu, et deux protagonistes principaux.
Le film s’est fait en trois semaines, ce qui nous a suffi, et on a choisi de rassembler toutes nos forces dans un même lieu, et de travailler de manière judicieuse dans la durée. C’était des conditions extrêmement dures, mais on a quand même pu chercher, explorer, tester sur les plans visuels et narratifs. J’ai dû couper pas mal de scènes, pour me concentrer sur celles qu’on voulait creuser.

Pourquoi convoquer la figure du dépeceur de Mons pour raconter l’histoire de ses enfants ?
Ce qui m’a fasciné, c’est que le mystère du dépeceur de Mons n’est toujours pas résolu, alors j’ai commencé à fabuler dans ma tête… C’est très intrigant, si ça se trouve il est toujours vivant ! Et puis peut-être qu’on retrouvera bientôt le dépeceur de Mons, comme le meurtrier de Memories of Murder de Bong Joon-ho ! Partant de ce postulat, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire sur le sujet, sans passer par le récit classique d’une enquête où l’on tenterait de résoudre l’énigme.

Donc, je voulais imaginer la vie du dépeceur et ses enfants… Observer la boucle intemporelle du mal, les erreurs qu’on fait et refait, et qu’on oublie à travers l’histoire. Ca raconte ça aussi, la spirale infernale du mal. Et puis c’est nécessaire de montrer le mal.

On voit pourtant la lutte que mènent Martha et Felix contre cette hérédité du mal…
Oui, mais Felix est sous emprise. On sent qu’il est prisonnier de cet héritage. Il agit de la même manière avec sa soeur, lui "offrant" une sorte de protection patriarcale complètement perverse, qui finit par transformer la victime en bourreau. On ne peut pas sortir indemne du mal, on le reproduit malgré nous.

Pour remédier à ça, il faut l’exposer, le mal, surtout pas l’ignorer. C’est pour ça que le film est sans concession, et que je prends le sujet tellement au sérieux, qu’il n’y a pas de place pour le second degré.

Martha débute le film comme une victime, à plein d’endroits de sa vie, pour connaître une sorte de dédoublement au fil du récit.
En fait quand le mal est fait, et que la personne reçoit le mal sans avoir la possibilité de se défendre ou de se faire justice, elle est menée à la folie. Comme si le pus devait sortir, d’une façon ou d’une autre. Le personnage de Martha se dédouble pour des questions de survie. Sans ça, elle disparait.

Comment avez-vous choisi Eline Schumacher et Benjamin Ramon pour vos deux rôles principaux ?
Je voulais une comédienne qui ait un physique normal, quelqu’un comme vous et moi. Pour ramener le personnage vers la réalité. C'était très fort émotionnellement comme expérience, donc il me fallait aussi quelqu’un de solide psychologiquement. Eline a été incroyable, elle a quelque chose de Kathy Bates dans son intensité. Avec Eline, il fallait qu’il y ait une totale confiance entre nous. C’est un rôle terriblement exigeant, complexe, avec des scènes de nu, de violence, beaucoup d’effets spéciaux aussi. Elle s’est imposée comme une évidence.

Pour Benjamin Ramon, c’est un excellent acteur, et quelqu’un qui a beaucoup de charisme. Je trouvais intéressant d’abimer si je peux dire sa beauté, pas tant physiquement qu’à travers le jeu. Mélanger le beau et le mal, pour trouver la contradiction. Visuellement, il y avait quelque chose à la fois du rejet de la fascination.

Quelles étaient vos inspirations, visuellement ?
Je suis plus inspiré par la peinture que par le cinéma, bien que j’ai beaucoup d’admiration pour Clive Barker. Je ne fais pas du gore, je fais du cauchemardesque. Mes références, ce sont les peintres flamands, comme Van Heyck, de Velasquez, de Delacroix. J’ai une formation d’histoire de l’art, c’est ce que j’ai appris à l’école finalement ! L’esthétique vient de là, de Francis Bacon aussi, des peintures fortes, dérangeantes.

Ce clair-obscur, le monochrome, un côté un peu désincarné. Il y a tellement de matière, de richesses dans les matières sombres, et j’ai l’impression de l’avoir peu vu au cinéma.

Quelle était votre ligne directrice ?
Je voulais faire un film de cinéma, et le cinéma, ça passe par les émotions et par les tripes. Pas seulement par la tête. Tout le corps est engagé. Que ce soit sensoriel, émotionnel et intellectuel. Même si on est dérangé, même si ça bouscule.

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