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France

Juliette Rajon et Gérald Duchaussoy • Directrice et chargé de programmation, Marché International du Film Classique

"Le public jeune, quand on sait l’attraper, il est là pour le film de patrimoine"

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- Les pilotes du MIFC dont la 10° édition se déroule du 18 au 21 octobre à Lyon dans le cadre du Festival Lumière, décryptent les tendances du marché du cinéma de patrimoine

Juliette Rajon et Gérald Duchaussoy • Directrice et chargé de programmation, Marché International du Film Classique

Rencontre avec la directrice Juliette Rajon et son bras droit Gérald Duchaussoy (chargé de programmation, mais qu’on connaît également en tant que responsable de Cannes Classics) pour parler du Marché International du Film Classique (MIFC), le seul et unique marché mondial dédié au cinéma de patrimoine, dont la 10e édition se déroule du 18 au 21 octobre à Lyon dans le cadre du Festival Lumière (lire l’article).

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Cineuropa : Le Marché International du Film Classique (MIFC) célèbre son 10e anniversaire. Comment analysez-vous son développement ?
Juliette Rajon : Les données quantitatives, les retours qualitatifs et la manière dont les professionnels s’en emparent, montrent que ce marché est utile, qu’il a toute sa légitimité. Il permet à la profession de se réunir et de trouver l’occasion à la fois de faire du business et de débattre des enjeux de l’avenir. Nous sommes passés d’un marché d’une petite centaine d’accrédités à près de 500 aujourd’hui, avec des origines géographiques de plus en plus variées et 34 pays représentés cette année. Nous avons élargi notre offre de contenus de deux conférences à nos débuts à désormais une vingtaine de conférences, ateliers et présentations. Les sujets sont de plus en plus nombreux et la profession nous réclame maintenant des créneaux pour présenter des initiatives, ce qui est bien la preuve que notre marché a une véritable utilité.

Gérald Duchaussoy : Ce que l’on constate, c’est une multiplication de l’offre. Beaucoup de pays qui étaient assez peu représentés avec des cinématographies qui n’avaient pas de visées mondiales, restaurent des films, les remettent sur le marché du patrimoine et cherchent des fenêtres. Pour cela, le MIFC est un endroit, de niche certes, mais qui permet de trouver des diffuseurs, des distributeurs, et c’est une volonté qui s’affirme de plus en plus. C’est pour cette raison qu’il y a une extension du nombre de pays représentés avec une force européenne, mais également, entre autres, une poussée asiatique symbolisée par la présence pour la première fois à Lyon du Taïwan Film Institute.

Parmi les autres tendances, on constate un tassement assez manifeste du marché du DVD (mais pas de celui du Blu-ray) et une transition vers les plateformes mais qui n’est pas encore tout à fait matérialisée. Donc nous avons toujours une présence forte des acteurs traditionnels comme les exploitants et les distributeurs salles. Une délégation patrimoine de la CICAE viendra d’ailleurs au MIFC pour la première fois afin d’évoquer de quelle manière le cinéma de patrimoine peut être vu en dehors des Cinémathèques, dans des salles commerciales art et essai. Car l’exposition des films classiques est aujourd’hui plus large. Il y a une véritable envie de patrimoine et des initiatives se lancent un peu partout à l’exemple de l’Inde qui va faire voyager sur tout son territoire 18 films de son patrimoine et qui cherche ailleurs dans le monde des salles susceptibles d’accueillir ce type d’initiative. Dans un cas comme celui-ci et comme dans beaucoup d’autres, notre marché a une valeur indiscutable de point de rendez-vous.

Même si les chaînes de télévision sont évidemment toujours présentes au MIFC, tout va de plus en plus vers les plateformes et d’ailleurs Manuel Alduy qui sera l’un de nos grands invités cette année (Gianluca Farinelli, de la Cinémathèque de Bologne étant le Grand Témoin de cette édition) insuffle lui-même beaucoup d’énergie dans la plateforme france.tv. Nous accompagnons donc toutes ces transitions qui se musclent sur tous les supports de diffusion, aussi variés qu’ils soient.

Arrivez-vous à identifier avec clarté les nouvelles tendances de la diffusion ?
J.R. : Les canaux traditionnels de diffusion ont encore toute leur place pour du patrimoine car on note quand même que l’écroulement du support vidéo physique concerne davantage le cinéma frais que le cinéma de patrimoine, surtout quand c’est de la belle édition "collector". Nous constatons aussi que dès que les salles font de l’animation ou de l’événementialisation autour du film de patrimoine, il y un regain d’intérêt, un public et même des jeunes spectateurs. Cependant, pour capter le jeune public, la diffusion en streaming a aussi tout son sens. De notre point de vue, c’est plutôt l’accumulation et la complémentarité des supports de diffusion qui a du sens aujourd’hui plutôt que de se dire que certains supports sont dépassés. Ensuite, contrairement à ce que l’on entend beaucoup, il y a une appétence du jeune public pour le patrimoine, qui n’est pas forcément totalement naturelle, mais qui le devient dès qu’il y a de la pédagogie, de l’événement et des actions "tendance" sur les réseaux sociaux. La European Film Factory de l’Institut Français, un outil à destination des enseignants et des élèves afin de donner le goût de la cinéphilie, en est un très bon exemple, tout comme ArteKino Classics. Le public jeune, quand on sait l’attraper, il est là pour le film de patrimoine. C’est bien sûr un questionnement constant des acteurs de la filière, mais il y a déjà des résultats. Et toute la filière est très mobilisée, très dynamique et solidaire, pour qu’il y ait le plus de restaurations possibles et la meilleure diffusion possible, y compris à travers les Cinémathèques et les festivals.

G.D. : On voit bien actuellement que les plateformes se multiplient et que des offres de niche très conséquences se développent, sur le cinéma de genre, sur les premiers et deuxièmes films, etc. Cela signifie qu’il y a des films à vendre et le lieu idéal pour réunir vendeurs et acheteurs, c’est un marché. C’est là aussi qu’on discute pour identifier jusqu’où va l’accompagnement, comment avoir un jeune public mais aussi un public cinéphile plus âgé qui ne consomme pas forcément du cinéma seulement en salles. Le CNC présentera d’ailleurs pendant le MICF une étude chiffrée qui démontre que le cinéma de patrimoine a un véritable impact sur tous les supports de diffusion. Il y a une dynamique comme le montre aussi la création récente en France du syndicat des cataloguistes. Le France offre un cadre pour le patrimoine qu’on pourrait qualifier de privilégié, mais qui est très construit. Il y a une véritable politique, une impulsion vis-à-vis du cinéma de patrimoine, que les professionnels étrangers nous envient (y compris l’Espagne qui est notre pays invité cette année) et qui fait que ce cinéma est vivant, riche, attractif et varié et un exemple dont les autres pays doivent s’emparer.

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