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ZINEBI 2022

Ainara Vera • Réalisatrice de Polaris

“Je pense qu’en faisant ce film, je suis devenue moins romantique sur la vie”

par 

- La réalisatrice espagnole nous explique comment elle a réalisé ce fascinant documentaire, sur deux soeurs à forts tempéraments qui sont aux antipodes l’une de l’autre, à plus d’un égard

Ainara Vera • Réalisatrice de Polaris
(© Zinebi)

Ainara Vera, née à Pampelune, a présenté son deuxième long-métrage, Polaris [+lire aussi :
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, en première mondiale à l'ACID du Festival de Cannes de cette année. Dans le cadre d’une fructueuse tournée des festivals, le film, qui parle de deux sœurs, deux fortes femmes à des antipodes l’une de l’autre, est à présent au programme de Zinebi à Bilbao, où nous avons rencontré la réalisatrice pour un entretien.

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Cineuropa : Pourriez-vous nous parler des conditions extrêmes de ce tournage et de la taille de votre équipe ?
Ainara Vera : Nous avons tourné en Islande, au Groenland et près de Marseille. C'est au Groenland que nous avions l’équipe la plus importante : nous étions trois - c’est la taille maximum qu'ait jamais fait l’équipe. Il y avait un preneur de son, moi, et soit un chef opérateur groenlandais, Inuk Silis Høegh, soit un assistant groenlandais, dans le cas du deuxième pan de tournage là-bas.

Ce qui a été vraiment dur, c’est quand nous avons tourné pendant l’hiver en Islande – ce sont les toutes premières images que vous voyez dans le film, celles de la tempête de neige. C’était dingue parce que, par exemple, je ne savais pas qu’un des accidents de voiture les plus fréquents dans ce genre de météo arrive quand on ouvre la portière : le vent souffle tellement fort qu’il peut re-claquer la portière sur vous. Inuk s'est presque cassé le nez comme ça, mais il a continué de tourner !

Vous avez rencontré Hayat en travaillant comme monteuse sur Aquarela [+lire aussi :
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de Viktor Kossakovski. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire le sujet de votre prochain film ?
Hayat n’apparaît que dans quelques plans dans Aquarela, mais pendant le tournage de ce film, je me suis rendu compte qu’à l’image, elle était pure puissance. En plus, elle faisait ce métier exceptionnel, dans un monde d’hommes. Elle vient d’un milieu affreux, et ce qu’elle a accompli est incroyable. Donc toutes ces composantes ont convergé, alors je me suis dit qu’elle méritait un film et qu’elle avait tout ce qu'il faut pour porter à elle seule tout un film.

Vous avez dit que vous êtes ensuite devenues amies. À partir de là, comment pensiez-vous conserver votre objectivité ?
Je dirais qu'"amies" n’est pas le terme exact. Ce qu'il y a entre nous est plus puissant mais aussi plus fragile que l’amitié. C’est étrange parce que d’un côté, on fait un projet ensemble, donc quoiqu'il se passe entre nous deux, il faut continuer, parce qu'on s'est engagées, mais de l'autre côté, on va beaucoup plus en profondeur. J’ai partagé avec elle des choses intimes que je n’ai jamais partagées avec ma propre sœur. Pour rester objective, la clef était le temps. Il était très important d’être avec elle et de vivre ces moments intenses, mais aussi de donner au film du temps pour le montage, et de réfléchir.

Est-ce que ça a été une décision consciente de ne vous concentrer que sur les visages des sœurs et du bébé, et personne d’autre ?
Oui. Je me suis vite rendu compte que dans leurs vies, il y a beaucoup de gens qui vont et viennent. Peut-être qu’à présent elles sont plus stables, mais quand je les ai rencontrées, par exemple, Leïla avait une amie qui était sa meilleure amie adorée et une semaine plus tard, elles ne se parlaient plus. J'ai donc compris que ce serait compliqué et chaotique d'avoir autant de gens qui entrent et sortent du récit et je me suis dit : "OK, quels sont les sujets importants ici ? Je vais tout simplement me concentrer sur Hayat, Leïla et le bébé".

Dans quelle mesure le fait d'avoir travaillé avec Viktor Kossakovski a-t-il influé sur votre style de mise en scène, depuis votre premier long-métrage ?
Il faut savoir que j’ai entrepris d’étudier la réalisation de documentaires parce que j’adore ses films, donc quand nous nous sommes rencontrés, il était évident que nous nous comprenions très bien. Bien sûr, il m’a appris la plupart des choses que je sais sur l'art de faire des films, donc je lui dois beaucoup

Le Covid a-t-il affecté la production du film ?
D’une certaine manière, ce n’est pas une mauvaise chose que le Covid soit survenu : j’ai pu passer beaucoup de temps à regarder ce que j’avais déjà filmé et à gagner en distance. Le dernier pan de tournage, juste avant le Covid, a été très dur pour moi émotionnellement : à ce moment-là, je n'étais plus objective. Donc tout ce temps en confinement m’a vraiment aidée à prendre de la distance, à me reconstruire et renouveler mon énergie.

Pensez-vous que les sœurs vont briser ce cycle d’abandon dont leur famille souffre depuis des générations ?
Je pense qu’en faisant ce film, je suis devenue moins romantique par rapport à la vie. Avant, j’étais très romantique, idéaliste, je voulais toujours le meilleur, mais ce film a abaissé mes attentes. Ceci étant dit, je pense qu’elles brisent déjà le cycle, dans le sens où Leïla aime vraiment son enfant et se soucie des perspectives qui s'ouvrent à elle avec sa fille. Depuis le moment où je l’ai rencontrée, elle a fait un bond en avant énorme en terme de responsabilisation. Hayat voyage partout dans le monde et elle est bien, en ce moment, sur le plan économique. Donc je pense que d’une certaine manière, elles cassent déjà le cycle ; la prochaine génération n’aura probablement pas les plaies émotionnelles qu'elles ont. Quant à elles, les plaies qu’elles ont sont une chose avec laquelle elles vont devoir vivre pour le restant de leur vie.

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(Traduit de l'anglais)

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