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LES ARCS 2022

Frédéric Boyer • Directeur artistique, Les Arcs Film Festival

"Il faut sortir du lot, prendre des risques"

par 

- Le sélectionneur du festival alpin décrypte le Work in Progress qui se déroulera le 11 décembre dans le cadre de l’Industry Village

Frédéric Boyer • Directeur artistique, Les Arcs Film Festival

À la veille du démarrage du 14e Les Arcs Film Festival (lire l’article) et de son Industry Village qui inclut notamment le toujours très attendu Work in Progress (WiP) avec cette année 14 films au menu (news), rencontre avec le directeur artistique du festival, Frédéric Boyer (également en poste à Tribeca et à Reykjavik).

Cineuropa : 9 des 14 films du Work in Progress sont réalisés ou co-réalisés par des femmes ? Est-ce une coïncidence ?
Frédéric Boyer : Oui, totalement, même s’il y a une montée en volume du nombre de films candidats réalisés par des femmes. Mais nous n’avons fait aucun choix par rapport au genre des cinéastes. En revanche, ce qui est impressionnant, c’est le nombre de productrices, notamment de jeunes productrices, qui représente environ 90% des films sélectionnés. J’en déduis qu’elles prennent le cinéma en main et c’est très bien comme cela. Mais ce qui également surprenant cette année, c’est que nous avons sélectionné beaucoup de films du Sud de l’Europe (un portugais, deux italiens, deux grecs, deux espagnols), et assez peu de l’Est (un estonien et un ukrainien) et du Nord (un suédois et un islandais).

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Le circuit international des Work in Progress est assez dense ? Comment réussissez-vous à garder votre leadership ?
D’abord, parmi les films qui nous ont proposés, plus de 160 cette année, nous faisons très attention à ne pas prendre de projets quasiment finis, qui ont bouclé leurs tournages en mai-juin. Nous ne sélectionnons que des films en fin de tournage qui n’ont jamais été vus. Or, comme les vendeurs internationaux sont très bien informés car ils suivent la plupart des projets dès leur genèse, au stade des ateliers, des labs, des plateformes de coproduction, etc., nous devons passer au-delà de leur filtre et trouver, à travers des contacts privilégiés durant toute l’année, quels films vont se tourner. Par ailleurs, beaucoup de films très scénarisés ont souvent déjà un vendeur ; nous en sélectionnons aussi bien sûr, mais nous avons également quelques films de cette vague de films hybrides qu’on connaît depuis Apichatpong Weerasethakul, avec des documentaristes qui passent à la fiction par exemple.

Surtout, les premières images sont délivrées pour les Arcs et nous insistons auprès des cinéastes sélectionnés : ils doivent garder le secret et ne rien montrer avant la présentation aux Arcs. C’est l’effet de surprise qui est intéressant pour tout le monde et c’est cela dont le film peut tirer le maximum de bénéfices. Ensuite, c’est vrai qu’il existe maintenant une trentaine de Work in Progress, mais aux Arcs sont présents tous les programmateurs importants et tous les vendeurs qui font un peu le marché des grands festivals. S’y ajoute évidemment le fait que notre WiP a dévoilé des films qui ont fait leurs premières mondiales dans de très belles vitrines. Enfin, chez nous, nous avons de nombreuses conversations avec les cinéastes sélectionnés, mais ce sont toujours eux qui ont le "final cut" sur les extraits qu’ils vont montrer.

Quel type de films cherchent actuellement les vendeurs ?
Le lieu commun serait de dire qu’ils cherchent des "feel good movies". Mais pas forcément, car une mini-série comme Chernobyl a prouvé qu’une oeuvre très "dark" pouvait très bien marcher. Par ailleurs, comme il y a beaucoup de "coming of age " qui sont produits et même si certains comme Close [+lire aussi :
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sont extraordinaires, il y a une certaine répétition sur la thématique de l’adolescence et des rapports enfants-parents, donc moins d’intérêt pour ce type de films. Tous les vendeurs cherchent aussi la pépite de genre qui peut accrocher un bon festival et en matière, nous avons cette année un film de kung-fu estonien : The Invisible Fight de Rainer Sarnet. Car ce que cherchent évidemment les vendeurs, ce sont des films qui peuvent tourner en festivals, si possible être sélectionné à Cannes, Venise, Berlin, Locarno ou Karlovy Vary, et être acheté par des distributeurs. Et tout est aussi affaire de buzz. Aux Arcs, les vendeurs assistent au WiP, puis ils se parlent, ils écoutent et le lendemain, lors des rendez-vous individuels de 20 minutes, les cinéastes et les producteurs ont un premier vrai feed-back pour sentir s’il y a un marché, un potentiel.

À travers le processus de sélection de votre WiP, quelle est votre perception de la conjoncture de l’industrie cinématographique ?
J’ai l’impression qu’il y a de plus en plus d’exigence pour les auteurs : il faut sortir du lot, prendre des risques, et il y a beaucoup moins de projets lambda. Les films qui nous sont présentés sont aussi tous beaucoup mieux fabriqués, en image, en cadrage, en son. Ensuite, je pensais il y a deux ans que le cinéma allait passer en mode survie, mais nous avons reçu autant de projets et la qualité est toujours là. Il y a donc toujours l’espoir de repérer des cinéastes européens qui se feront connaître du monde entier comme Alice Rohrwacher, Ruben Östlund, Yorgos Lanthimos, et qui incarnent un cinéma qui n’est pas trop cloisonné. Car se positionner comme Européen par rapport à un marché mondial, c’est essentiel : les films européens ont besoin de s’exporter partout. À notre niveau, nous souhaitons présenter la diversité du cinéma européen, en particulier des premiers films, mais nous voulons aussi que les films soient vendus, qu’ils intéressent un marché et qu’on repère aux Arcs des talents artistiques pour des projets ultérieurs, que les Arcs soit une plateforme pour leurs carrières.

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