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LANZAROTE 2022

Nikola Spasic • Réalisateur de Christina

"Ce film est une invitation à ne pas cesser de croire en soi”

par 

- Le réalisateur serbe a récemment concouru à la Muestra de Lanzarote avec son premier long-métrage, sur une femme trans, qui a reçu une mention spéciale du jury jeune

Nikola Spasic • Réalisateur de Christina

La 12e Muestra de Lanzarote constituait un cadre incomparable pour une rencontre avec le réalisateur serbe Nikola Spasic, venu y présenter en compétition officielle son premier long-métrage, Christina [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nikola Spasic
fiche film
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, dont le personnage central est une femme trans. Nous l’avons interrogé sur son film après qu’il ait décroché une mention spéciale du jeune jury.

Cineuropa : Connaissiez-vous déjà le personnage de votre film ? Comment s’est passée votre première rencontre et comment avez-vous décidé de faire un film avec elle ?
Nikola Spasic : Je ne connaissais pas Kristina avant ce projet. La première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était pour discuter d’une possible collaboration. Je voulais faire des recherches sur l'idée de transcender les frontières entre documentaire et fiction, faire un film où on ne verrait pas la différence entre les parties fictionnelles et documentaires, afin d’explorer la fluidité des genres filmiques. Tandis que je cherchais un personnage avec lequel je pourrais explorer la chose comme je l’avais imaginé, ma scénariste, Milanka Gvoić, a suggéré que nous rencontrions Kristina, qu’elle avait vue dans une émission de télévision. Dès que je l’ai vue, il a été clair pour moi, au-delà du fait qu’elle a eu une vie intéressante, qu’elle pouvait aussi jouer, et c’était vraiment important. J’ai vu qu’elle constituait un personnage suffisamment fort, haut en couleurs et capable d'inspirer, et il s’est avéré que nous avons fait le bon choix, quand nous avons décidé de faire cette recherche cinématographique et de jouer avec la notion de genre avec Kristina comme personnage principal.

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Comment ça se passe pour les personnes transgenres, dans la société serbe ? Ont-ils des métiers "normaux" ou doivent-ils se résoudre à se prostituer pour survivre ?
Je pense que les jeunes générations ont la vie plus facile que celle de Kristina. Pour l’intégration des personnes transgenres, le plus grand rôle est joué par les parents, et en deuxième, il y a la société. Je crois que dernièrement, les individus transgenres sont mieux soutenus par leurs familles, parce que quand leur nature est acceptée par leurs proches, ils arrivent à avoir davantage confiance en eux en public et ainsi à être acceptés plus facilement par leur environnement. Ainsi, ils peuvent aller à l’école, étudier à l'université et exercer le métier qu’ils veulent, au lieu d'un métier auxquels ils sont contraints. En revanche, si leurs proches ne les acceptent pas (comme par exemple le père de Kristina), alors ils peuvent facilement se retrouver dans les marges de la société, et là ils vont devoir se débrouiller par tous les moyens. Le plus souvent, la nécessité de "se débrouiller" mène tout droit à la prostitution.

Quels éléments du film sont fictionnels, et quels éléments réels ?
Ce qui est vrai, c'est que Kristina est née garçon et qu'il y a 14 ans, elle a fait une chirurgie de réattribution sexuelle, ce qui fait d’elle une personne transgenre. Le fait que Kristina se prostitue est vrai aussi, ainsi que le fait qu'elle est croyante : elle visite vraiment des monastères et assiste aux rites liturgiques. Sa maison, son jardin et la voiture qu'elle conduit dans le film sont authentiques (c’est-à-dire que ce sont bien les siens), de même que le protocole d’accueil de ses clients, mais tout le reste est fictionnel. Cela signifie que Kristina ne va pas en thérapie de régression des vies antérieures : elle n’a assisté qu’à une séance, pour le film. Marko n’est pas non plus son amoureux et Zvonko et Jelena ne sont pas ses amis : ils ont été choisis pendant le casting parce que Kristina avait avec eux des interactions naturelles et intéressantes et parce que leur participation pouvait apporter à la structure du film que nous voulions créer. Les endroits que visite Kristina servent à composer le récit, et représentent des métaphores de son combat intérieur et sa quête d'identité. Toute la série de rencontres de hasard avec Marko est née de l’imagination de ma scénariste ; c'est une manière d'évoquer le déchirement entre le fait de vendre de l’amour physique et de chercher l’amour inconditionnel, qui est précisément la croix que porte Kristina dans la vie.

Est-ce qu'elle préfère être seule plutôt que renoncer à son essence et sa personnalité ?
Une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire de Kristina notre personnage principal est précisément le fait qu’elle n’a pas renoncé à son essence ou sa personnalité. On pourrait dire que ce film est une invitation à ne pas renoncer à soi. Il y a aussi une autre question importante : qu’est-ce que la solitude ? Les autres, aussi proches qu'ils puissent être de nous, vont et viennent : nous passons le plus gros de nos vies avec nous-mêmes. Imaginez comme on se sent seul si dans ces moments où il n'y a personne d'autre, on se trouve avec une personne qui renonce à elle-même. Ce ne serait pas de la solitude, ce serait quelque chose de beaucoup plus terrifiant. Ce serait un vide douloureux.

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(Traduit de l'anglais)

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