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SUNDANCE 2023 Compétition World Cinema Documentary

Mstyslav Chernov • Réalisateur de 20 Days in Mariupol

“Marioupol est devenu une ville fantôme”

par 

- Le journaliste, écrivain et réalisateur nous en dit plus sur son documentaire, qui revient sur ce qu’a traversé la ville du titre pendant les premières semaines de l’invasion russe

Mstyslav Chernov • Réalisateur de 20 Days in Mariupol

Le long-métrage documentaire 20 Days in Mariupol [+lire aussi :
critique
interview : Mstyslav Chernov
fiche film
]
du journaliste, écrivain et réalisateur ukrainien Mstyslav Chernov participe à la compétition World Cinema Documentary de Sundance. Le film raconte comment Marioupol a vécu pendant les premières semaines de l’invasion russe : les tirs d’obus, les morts et blessés civils et le bombardement d’un d’une maternité, entre autres atrocités.

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Cineuropa : Vous faites partie de Associated Press. Comment vous êtes-vous retrouvé à Marioupol au début de la guerre ? Aviez-vous l’intention de faire ce film dès le départ ?
Mstyslav Chernov: L'équipe Associated Press et moi avons commencé à travailler environ un mois avant l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie. Nous rapportions comment les Ukrainiens se préparaient pour une possible invasion. Le 23 février 2022, nous étions à Bakhmut et à en juger les actualités, les conversations téléphoniques qu'on a pu avoir et les nouvelles qu'on se donnait entre collègues, il était déjà assez clair que l’invasion allait commencer le lendemain. Nous ne mesurions pas l’échelle de l'invasion et ne savions pas encore où exactement cela se passerait (si elle viserait le Donbass ou toute l’Ukraine), mais nous comprenons bien une chose : que Marioupol était un objectif stratégique pour la Russie, qui voulait la prendre depuis 2014 pour percer un couloir vers la Crimée.

Nous avons décidé d’aller à Marioupol. Nous sommes partis le soir et à environ 3h du matin, une heure avant le début de l’invasion, nous sommes arrivés, et nous sommes restés sur place. Nous sommes restés même après que tous les journalistes étrangers sont partis. Il était déjà clair que la ville était encerclée. Nous avons réfléchi, nous demandant s’il fallait partir ou rester, et nous avons décidé de rester parce qu’il était important de continuer de rapporter les faits aussi longtemps que possible. Nous voulions tout simplement faire tout ce qui était en notre pouvoir pour continuer de raconter les histoires des gens de Marioupol.

Ce n’était pas l’idée du film, au début. Je tourne habituellement des reportages pour Associated Press : tous les jours, j’envoie des reportages de deux à trois minutes. Quand nous avons pu sortir après 20 jours en emportant tout le matériel que nous avions amassé, nous avions environ 30 heures de vidéo. Nous nous sentions coupables de devoir partir, mais il nous était devenu impossibe de travailler là-bas. Nous n’avions pas de voiture, aucune manière de recharger nos caméras et plus de place sur nos disques durs. Le lendemain, les Russes ont bombardé le Théâtre de Marioupol.

Mais je voulais faire quelque chose de plus. J’ai parlé aux monteurs et je leur ai dit que je voulais faire soit un film, soit un vaste reportage qui nous permettrait de montrer l’échelle de la tragédie. Quand on regarde les informations, sur 30 secondes ou peut-être une minute, l’échelle de cette guerre n’est pas visible. Les gens ne mesurent pas l’intensité du combat : ils ne comprennent pas la douleur et la tragédie qui se sont abattues sur Marioupol. Je pense que je suis parvenu à véhiculer cela dans le film.

Vous avez adopté une approche de reporter en filmant. Ne pensez-vous pas que cela rend le film trop violent ? Était-il nécessaire de montrer les corps, par exemple ?
Je peux comprendre ce que vous dites. Nous avons passé beaucoup de temps à chercher le juste équilibre. Il était extrêmement important de ne pas aliéner les gens qui verraient le film. En même temps, ce n’est pas juste un film : la fonction la plus importante de ce film n'est pas seulement de faire ressortir l’échelle de la tragédie, de montrer les histoires de ces gens, mais aussi de documenter des crimes de guerre potentiels. Je ne pense pas qu’on puisse, ni du reste qu’on devrait, se restreindre à cet égard : il est nécessaire de tout montrer. Nous avons essayé de trouver une sorte d’équilibre entre ces différentes missions que nous nous étions fixées.

Qu'est devenu Marioupol pôle maintenant ? Est-ce que vous avez des informations ?
Notre équipe reste en contact avec les gens qui ont quitté Marioupol à l’époque, avec nos héros. Nous avons aussi mené plusieurs enquêtes de grande échelle sur ce qui s’est passé après que nous ayons quitté le Théâtre de Marioupol. Nous avons reconstitué le jour où la Russie l'a bombardé. Un mois plus tard, nous avons publié un rapport sur l'état dans lequel Marioupol se trouve à présent. Les Russes disent qu’ils reconstruisent les logements, mais d'après les images satellites que nous avons pu trouver, il est clair que plus de 200 immeubles ont été complètement démolis, et peut-être cinq à dix reconstruits. Un tel niveau de destruction dépasse tout simplement l'entendement, pour une personne normale. Marioupol est devenu une ville fantôme. C’est très douloureux à voir, pour moi et pour les gens qui sont partis et comprennent qu’ils ne pourront jamais revenir.

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(Traduit de l'anglais)

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