Zara Dwinger • Réalisatrice de Le jour où j'ai rencontré ma mère
“Les films devraient être autorisés à être plaisants à voir”
par Marta Bałaga
- BERLINALE 2023 : Avant de voir ce road movie hollandais sur une mère et sa fille, préparez-vous pour un nouveau duo de hors-la-loi

Il est temps de prendre la route dans Le jour où j'ai rencontré ma mère [+lire aussi :
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interview : Zara Dwinger
fiche film] (Kiddo), projeté dans la section Generation Kplus génération de la Berlinale. C’est du moins ce que prétend Karina (Frieda Barnhard), qui est enfin venue voir sa fille Lu (Rosa van Leeuwen) dans son foyer d’accueil avec l'intention de kidnapper son enfant – du moins pour un temps. Au fil de leur parcours vers la Pologne, pays natal de Karina, des illusions vont inévitablement s'écrouler, mais le duo devient aussi plus proche que jamais, comme l'a confirmé pour nous la réalisatrice Zara Dwinger.
Cineuropa : Nous savons tous qu'il y a des enfants "à moitié abandonnés". Leurs parents ne sont pas toujours là, ce qui signifie qu’ils attendent continuellement.
Zara Dwinger : J’ai écrit le scénario avec with Nena [van Driel]. Notre intention était de parler de santé mentale et de parentalité. Comment naviguer entre les deux ? À un moment, on avait déjà nos personnages telles qu'elles sont maintenant, mais elles n’allaient encore nulle part, alors nous avons décidé de tout rendre "plus grand que la vie", y compris leur relation. Il y a un tournant qui se produit dans le film, dans un deuxième temps : au début, Lu idolâtre sa mère. Elle se ment à elle-même pour protéger cette image et puis, petit à petit, elle comprend ce qui se passe vraiment.
Vous collez très fidèlement au point de vue de cette fillette : le public en sait autant qu’elle.
On s'est posé des questions à cet égard aussi. Nous nous demandions s'il fallait expliquer davantage, mais je voulais conserver la perspective de Lu. C’est comme ça qu’on fait l’expérience de la vie en tant qu’enfant : on n'a pas toutes les réponses, juste une vision d’ensemble. Et puis à la fin, ça n'a pas vraiment d’importance. Karina n’a pas toujours été là pour son enfant, elle est imprévisible, mais elle l'aime, alors elles vont essayer de faire en sorte que ça fonctionne entre elles. J’aime le fait qu’on laisse les choses comme ça, en plein milieu.
Pourquoi avez-vous opté pour une touche rétro dans l’ensemble de cette histoire ? Le film contient des mentions de Bonnie and Clyde et l'affirmation que les seuls films qui vaillent sont en noir et blanc.
Karina essaie toujours de s’évader dans l’imagination, elle est comme ça. Elle fuit les choses en général, mais elle s’accroche à la culture pop. Ce sentiment "nostalgique" n’est même pas exact, car elle n’a pas grandi à cette époque, mais elle a ce rêve du monde d'avant, où tout était tellement mieux. Aussi, ça lui donne l'impression que sa vie est plus cinématographique.
Elle désespère de retrouver quelque chose qui n’a jamais existé. Pendant un temps, on arrive à croire qu’elle a vraiment travaillé à Hollywood, comme le croit Lu. Sa voiture est cool, mais elle tombe tout le temps en panne et il y a de la rouille partout. C’est cool, mais il y a quelque chose qui cloche, tout bêtement. Par ailleurs, je voulais que ce film soit atemporel. Je voulais qu'il soit un conte de fées moderne, mais pas trop fortement ancré dans la réalité.
Vous êtes assez réaliste par rapport à cette relation, ce qui ne signifie pas non plus que vous ne laissez pas passer une lueur d’espoir.
Je ne voulais pas juste que ce film parle d'une fillette de 11 ans, mais qu'il s'adresse aux enfants de 11 ans. Qu’est-ce qu’ils peuvent en retenir, surtout s'ils sont dans une situation similaire ? On ne peut pas trop se faire d’illusions, mais on ne peut pas non plus être trop glauque. Je voulais normaliser les mères qui ne sont pas parfaites, et peut-être ne peuvent pas s’occuper tout le temps de leurs enfants. On ne peut pas vraiment faire changer ses parents aussi vite, donc Lu doit montrer le chemin. Elle arrive à s'affirmer, à la fin.
Vous faites allusion à un traumatisme intergénérationnel. C'est une pensée terrifiante : qu’est-ce que je peux apporter, en tant que parent, si moi-même je n'a pas eu grand chose enfant ?
On peut toujours blâmer ses parents, mais ils ont été des enfants aussi. C’est pour cela que j’ai tellement d’empathie pour Karina. Elle est encore un enfant, c’est peut-être une des raisons pour lesquelles elle ne peut pas s’occuper de Lu, mais il faut dire qu'elle n'a pas eu une vie facile non plus. Par ailleurs, avec les problèmes de santé mentale, on ne peut pas toujours réparer les choses aussi facilement que ça.
On pourrait faire un film très lourd sur ce sujet, mais ce n’est pas ce qu’on voulait. On ne pouvait pas non plus trop simplifier, donc nous avons intégré au film ce que les enfants aiment le plus : l'humour et l’amusement. J’aime ça aussi, du reste. C’était facile, parce que Karina crée tout le temps des situations ludiques. Une fois qu’on a pris cette décision, on a eu l’idée de cette allusion aux "amants en fuite". Qu’est-ce qu’elle attend de ce voyage ? Elle voudrait que ce soit comme dans Bonnie and Clyde, plus dans comme un film. Ce ton est très important, je pense. Pour le jeune public, bien sûr, mais aussi parce qu'on devrait permettre aux films d'être divertissants.
(Traduit de l'anglais)
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