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BERLINALE 2023 Panorama

Tonya Noyabrova • Réalisatrice de Do You Love Me?

“Je voulais que les spectateurs sentent les odeurs et entendent le son de leur propre enfance”

par 

- BERLINALE 2023 : La réalisatrice nous parle des éléments autobiographiques de ce film historique évocateur, et de la manière dont il se rapporte à l’Ukraine d’aujourd'hui

Tonya Noyabrova • Réalisatrice de Do You Love Me?
(© Tonya Noyabrova)

Nous avons interviewé la réalisatrice ukrainienne Tonya Noyabrova qui, après deux courts-métrages et un premier long-métrage comique, Hero of My Time [+lire aussi :
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(2018), vient de présenter son deuxième long dans la section Panorama de la Berlinale. Do You Love Me? [+lire aussi :
critique
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interview : Tonya Noyabrova
fiche film
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se concentre sur les aléas de la vie d’une jeune fille de 17 ans qui entre à peine dans l'âge adulte dans ce moment turbulent de l'Histoire que fut l'écroulement de l’Union soviétique.

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Cineuropa : Ce qui frappe en premier lieu, c'est que Do You Love Me? n’est pas juste un film historique : il a vraiment l'allure d’un film réalisé pendant la perestroïka ou au début des années 1990. Était-ce l’effet escompté ?
Tonya Noyabrova : Il était extrêmement important de recréer cette atmosphère d'une manière aussi authentique que possible et d'éviter que ça fasse toc. Je trouve vraiment rebutants les films où l'environnement historique est clairement imité. J’ai donc abordé chaque plan et chaque détail du décor très soigneusement : les vêtements, les accessoires et les chewing-gums, par exemple. Je voulais que le spectateur retrouve les odeurs et les sons de sa propre enfance.

Le synopsis fourni par la Berlinale qualifie ce film de semi-autobiographique. Qu’est-ce qui vous a donné envie de revenir sur votre adolescence ?
J’avais besoin de dire au revoir à mon enfance et à certaines illusions. Le besoin de le faire est venu quand j'ai commencé à me rendre compte que le souvenir de cette époque était en train de se dissiper dans ma mémoire, que les images s'effaçaient. Je voulais arrêter ce processus, au moins un temps, et préserver ce qui restait. L’idée du film s’est présentée il y a cinq ans et depuis, j’ai réécrit le scénario de nombreuses fois. Ce n’est pas une histoire entièrement autobiographique : à l'époque de la perestroïka, j’avais sept ans. J’ai fictionnalisé quelques moments du divorce de mes parents, qui a été assez traumatisant, en ajoutant des éléments typiques des années 1980 et 1990, de manière à créer un récit d’apprentissage universel auquel plus de gens pourraient se rapporter. Ce qui m'intéressait, c'était l'idée de grandir intérieurement alors qu'au-dehors, tout s'effondre, comme ça s’est passé en Ukraine avec la chute du mur de Berlin, et comme c'est en train de se passer en ce moment. C’est une raison pour laquelle le film semblait particulièrement pertinent dans le contexte actuel.

On peut en effet voir un parallèle entre le divorce qui survient dans cette famille et les perturbations sur le plan politique entre les pays et les territoires, à l’époque et maintenant. C’est une suggestion politique subtile qui donne matière à réfléchir. Est-ce que construire un récit avec deux niveaux de lecture était un objectif conscient ?
C'est venu assez intuitivement : quelque chose qui était dans l'air a dû être absorbé dans le film. Il a été conçu avant l’invasion mais, dans la situation présente, il acquiert un double sens. Il reflète aussi l'atmosphère d’un futur inconnu et effrayant, celui qui nous attendait dans les années 1990, et celui, encore plus terrifiant, qui se profile maintenant.

Comment avez-vous trouvé Karyna Khymchuk, votre actrice principale ? Elle est très naturelle dans sa vulnérabilité. Même sa coiffure rappelle le plumage d’un oisillon qui viendrait de tomber du nid.
Elle n’est pas comédienne de profession. Avant Karyna, j’avais choisi une autre fille aux cheveux frisés avec plus d’expérience, mais quand on cherchait les acteurs secondaires, elle nous est tombée sous les yeux via une vidéo sur Facebook où elle avait des cheveux très longs et se présentait comme une joueuse de handball professionnelle tentée par l'interprétation. Juste avant le casting, elle s'est coupé les cheveux et quand j’ai vu sa photo, avec ce drôle de look un peu maladroit, je me suis dit que c'était elle qu'il fallait choisir pour le rôle principal.

La dernière réplique du film, où un ami des parents, donc plus âgé, dit à Kira que les belles filles ne devraient pas travailler et l’invite à s'asseoir dans sa voiture, ouvre très largement le champ quant au tour que pourrait potentiellement prendre sa vie.
Dans la première version du scénario, elle accepte et monte en voiture, peut-être pour s'assurer une vie facile, mais pendant le montage, je me suis dit que je ne pouvais pas faire ça à ma Kira et j’ai décidé de laisser la fin ouverte – comme pour indiquer que devenir adulte vous met face à des choix complexes.

Pourquoi avez-vous monté ce film comme une coproduction avec la Suède ?
Nous avons fini de tourner quatre jours avant la guerre, il y a presque un an. Alors que le monde s'écroulait autour de nous, nous nous sommes retrouvés sans aucune ressource. Nous avions désespérément besoin de coproducteurs et par chance, j’ai rencontré les gens de Common Ground Pictures et Film i Väst à Cannes. Ils ont beaucoup aimé le premier montage et nous ont aidés pour la post-production.

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(Traduit de l'anglais)

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