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BERLINALE 2023 Compétition

Christian Petzold • Réalisateur de Le ciel rouge

“La plupart des scènes de sexe n’apportent rien de valeur à l'histoire”

par 

- BERLINALE 2023 : Nous avons interrogé le cinéaste sur son film, où il brosse le portrait d’un artiste qui manque de confiance en lui et de son parcours pour devenir un véritable auteur

Christian Petzold • Réalisateur de Le ciel rouge

Le réalisateur allemand Christian Petzold a présenté son nouveau film, Le ciel rouge [+lire aussi :
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, en compétition cette année à la Berlinale. Nous avons rencontré le cinéaste pour l'interroger sur ce qui lui a inspiré cette histoire, sur son rattachement personnel au personnage principal et sur son aversion pour les scènes de sexe.

Cineuropa : À la fin du film, le ton change. Ça devient de la fiction dans la fiction.
Christian Petzold : Au moment où les policiers arrivent, on est dans la littérature. La fiction commence. Sauf qu’on ne le sait pas à ce moment-là, parce que la fiction est encore trop proche de ce qui s’est passé avant. Elle le regarde quand il lui professe son amour et là, elle est distraite et les policiers arrivent, comme si Sigmund Freud les avait envoyés directement du subconscient pour dire "Arrêtez l’amour".

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Êtes-vous vous-même aussi sensible, quand on critique votre travail ?
J’ai été critique de cinéma moi-même. Le critique de cinéma est un type de critique qui n’a pas un statut très élevé en Allemagne. Je pense que les chefs de départements culturels pensent que n’importe qui peut écrire sur le cinéma. Et pourtant, c'est toute une culture en France et aux États-Unis, d'écrire sur le travail des réalisateurs et sa perception du monde cinématographique. Ce n’est pas le cas ici. J’adore la critique française ou américaine, parce qu’elle adore le cinéma et ne fait pas de différence entre un film de Michael Mann, de Joachim Trier ou de Jean-Marie Straub.

De quoi vous êtes-vous inspiré pour développer le personnage de l’auteur dans le film ?
Ce personnage a trois origines séparées. La première est un film d'Éric Rohmer, La Collectionneuse, qui parle de deux salauds et d’une jeune femme. Les hommes imaginent beaucoup de choses sur cette femme, et puis à un moment, elle décide de s'en aller et les laisse tout seuls. La deuxième est une nouvelle de Tchékhov intitulée Missius, où des amis artistes passent l’été ensemble. Dans la maison voisine, il y a deux sœurs. Une sœur est amoureuse d'un des hommes, mais ils vont manquer l’occasion de s’aimer, parce que l’artiste ne voit que lui-même. Ces deux premiers éléments m'ont amené à un troisième point, qui est moi-même. Quand j'ai fait mon deuxième film, Cuba Libre. en 1995, je voulais accomplir des choses formidables, mais je me suis rendu compte après coup que ne faisais que jouer au réalisateur, sans avoir la passion de ma matière elle-même, seulement de moi. Je me suis souvenu de ça et je l’ai raconté à Thomas Schubert. Et c'est ainsi qu'il est devenu quelqu’un qui ne fait que semblant d'être écrivain.

Pourquoi avez-vous choisi Thomas Schubert pour le rôle principal ?
Thomas sait regarder. Ce film parle de quelqu’un qui voit ce monde, qui le regarde toute la journée, mais qui ne voit rien, ne perçoit rien, ne comprend rien. Pour ce rôle, il vous faut quelqu’un qui sait regarder. Et Thomas est très fort avec son regard.

Vous évitez de laisser l’histoire de fond des personnages filtrer dans le récit.
Je leur ai donné des histoires de fond. Felix vient d’une famille riche, alors que Leon vient d’un milieu ouvrier. Ils se sont rencontrés en pension. Leon n’était là que grâce à une bourse. Leon essaie de rattraper cet écart entre eux en étant dur, par exemple en répétant constamment qu'il doit travailler, suggérant à travers ça que Felix, lui, n’a pas besoin de travailler. Nadja aussi a besoin d’une bourse pour ses études, elle vient aussi de la classe ouvrière. Dans les dialogues du film, je ne voulais pas que ça intervienne parce que là n'est pas la question, mais on a fourni cette histoire de fond aux acteurs, pour qu'ils composent leurs rôles.

Ils s'en tiennent à ne faire qu'allusion à des scènes de sexe où à les représenter très indirectement.
La représentation du sexe ne m’intéresse quasiment jamais. La représentation n’est pas vraie, c’est un mensonge. Je ressens de la honte devant ces scènes, comme si je regardais mes parents le faire. La plupart du temps, ça n’apporte rien de valeur à l’histoire. On n’en a pas besoin. Je me dis souvent qu’il y’a quelque chose qui ne va pas chez les gens qui adorent tourner des scènes de sexe. Ça me fait un peu l'effet d'un abus.

Comment le motif du feu est-il entré dans l’histoire ?
J’étais en Turquie avec ma femme, et j'y ai visité une vaste zone forestière qui a été complètement brûlée. Ça m’a fait très peur parce qu’il n’y avait plus aucun bruit : plus d’oiseaux, plus d’insectes, plus de vent. Tout était noir, mort. Ça m'a fait l'effet d'une image de fin du monde, d'une sorte d’image apocalyptique. Par la suite, il y a eu des feux de forêt en Allemagne et dans d’autres endroits du monde. Partout, les forêts sont en train de brûler. Quand les forêts brûlent en Allemagne, comme c'est dans les forêts que résident nos mythes, que se passent nos contes de fées (et Les Nibelungen – Fritz Lang adorait la forêt), si ces endroits brûlent entièrement, qu’est-ce qui va arriver à nos récits, nos histoires ?

Le film parle aussi de la mer.
Je suis fan de la mer Baltique, à cause de Nosferatu. C’est une côte formidable. Elle change beaucoup, c’est une mer à laquelle on ne peut pas se fier. C’est ce qui m'a plu.

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(Traduit de l'anglais)

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