Bernhard Braunstein • Réalisateur de Stams
“Je voulais aussi souligner la dimension religieuse qu’a le ski en Autriche”
par Susanne Gottlieb
- BERLINALE 2023 : Le réalisateur autrichien nous parle des écueils de la volonté de fer qu’il faut pour faire de la compétition et de la beauté du sport

Ce sont les meilleurs des meilleurs, et ils veulent aller loin. À l'internat Stams, dans les montagnes tyroliennes, la prochaine génération des skieurs de vitesse et des champions de saut à skis s'entraînent et se préparent pour la compétition sur les pistes. Le réalisateur autrichien Bernhard Braunstein suit ces jeunes promesses et leurs entraîneurs pendant un an. Son film, Stams [+lire aussi :
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interview : Bernhard Braunstein
fiche film], projeté dans la section Panorama de la 73e Berlinale, présente les hauts (absolus) et les bas (dévastateurs) que vivent ces jeunes et les sacrifices qu'ils doivent faire pour leur sport.
Cineuropa : Vous êtes originaire de Salzbourg, un des bastions du ski en Autriche. Quelle est votre relation au ski ?
Bernhard Braunstein : Skier a toujours été très important pour moi. J’ai commencé à l'âge de quatre ans, et c'est vraiment devenu une grande passion. J’ai aussi couru pour le club de ski local, mais cette tentative n'a pas été couronnée de succès.
Ces jeunes coureurs de ski sont constamment soumis à l'objectification et la catégorisation de leur corps. Est-il tout de même possible de se voir comme un être humain dans cette situation, ou devient-on un outil à optimiser ?
La notion d'optimisation physique fait sans nul doute partie de leur vie. La question du lien entre corps et esprit (également discutée en cours de philosophie à travers Kierkegaard : suis-je mon corps ? Ai-je un corps ?) est très fascinante. Est-ce que l’esprit est là pour pousser le corps à obtenir ces performances ? Les élèves entendent ça tout le temps : il faut avoir ce niveau de détermination, cette volonté de fer.
Les étudiants se demandent aussi : "est-ce que j’aime encore ce sport ? Est-ce que je m'amuse encore ?". Après tout, dès qu’on fait une chose au niveau professionnel, on perd la joie infantile qu'on sentait avant.
C’est une des questions principales. Les enfants s'inscrivent à l’école pleins de cette passion incroyable pour le ski de vitesse ou le saut à skis, mais quand on doit fonctionner dans ce système, la pression augmente. Selon la personnalité de chacun, c’est plus ou moins stressant. Certains m'ont dit qu'ils avaient l'impression d'être dans un tunnel qui consiste juste à suivre le programme. Avant, ils prenaient plaisir à skier, mais à présent, ils ont le sentiment d’être des machines.
Il y a des moments où on les voit craquer devant la caméra parce qu’ils n’ont pas fait leur meilleur temps.
Cette frustration constante, de ne jamais faire assez, fait partie de leur quotidien. Nous ne connaissons que les gagnants, qu'on voit à la télévision debout sur le podium à lever leur en l’air, mais c’est une image déformée. Ce que cela représente, d'arriver ou d'échouer, n'est pas quelque chose que le public voit souvent. Ça m'intéressait de montrer ça aussi : les pleurs après la course.
Il est d’autant plus impressionnant, de fait, que des amitiés puissent se nouer entre les élèves de l'école. Ils sont des rivaux les uns pour les autres, après tout.
Ça m’a surpris aussi. Je pensais qu’il y aurait beaucoup de compétition entre eux, parce qu'il n’y a qu’un nombre limité de places dans les équipes, mais en fait, il y a beaucoup de solidarité entre les élèves, et d’amitiés proches qui se forment pour la vie.
Une scène du début du film se passe pendant la messe. On est en effet dans le Tyrol, où non seulement Dieu est important, mais où skier est pratiquement une religion en soi.
C’est exact. Je voulais montrer aussi la dimension religieuse qu'a le ski a en Autriche. Après la Seconde Guerre mondiale, le ski a été un aspect central de la reconstruction d'une confiance en soi. C'était censé favoriser la constitution d'une identité nationale. Les skieurs célèbres ont le statut de héros en Autriche. Par le passé, on dispensait les élèves de venir en cours quand il y avait des courses importantes à regarder.
(Traduit de l'anglais)
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