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BERLINALE 2023 Panorama

Apolline Traoré • Réalisatrice de Sira

“Je voulais offrir au public la possibilité de ressentir ce que la communauté qui vit là ressent en ce moment même”

par 

- BERLINALE 2023 : Nous avons rencontré la réalisatrice burkinabé, qui présente un thriller sur le terrorisme où une femme trouve une force surhumaine pour se battre pour l'avenir

Apolline Traoré • Réalisatrice de Sira

Le nouveau film d’Apolline Traoré, Sira [+lire aussi :
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, a fait sa première mondiale dans la section Panorama de la Berlinale. Cette coproduction entre le Burkina Faso et la France est un drame profondément touchant avec une héroïne fascinante. Nous avons interrogé la réalisatrice sur la toile de fond politique réelle de son film, son travail avec l’actrice principale et le message important qu’elle veut transmettre.

Cineuropa : Pourquoi avez-vous décidé de raconter cette histoire en adoptant le style d’un film d’action ?
Apolline Traoré : Ce n’est pas un film d’action, c’est plus un thriller. J’ai choisi de le faire de cette manière parce que c’est un peu de là que je viens. J’ai étudié le cinéma aux États-Unis, et je suis une réalisatrice qui fait dans le registre dramatique : j'ai toujours dit que je ne sais pas faire rire les gens, mais que je peux les faire pleurer. Je voulais vraiment mettre le public très mal à l’aise dès le début et le maintenir en alerte tout du long, pour qu’il ressente ce que la communauté qui vit dans cette zone ressent en ce moment.

La grosse scène d’action de la fin a-t-elle été difficile à tourner ?
Ça n’a pas été si difficile que ça. Je pense à vrai dire que cette scène a été la plus facile à faire. Nous l'avons tournée en deux jours, la comédienne était complètement prête. Ce n’est qu'en salle de montage que j’ai mesuré à quel point la scène était puissante. C'est plus les autres scènes qui nous ont posé des difficultés, car on a eu beaucoup de problèmes sur le plateau à cause des conditions météorologiques. Avant le tournage, ma comédienne et moi avons passé plus d’un mois ensemble afin de répéter. Nous savions exactement ce que nous voulons pour tout le film avant de commencer à tourner.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’actrice et votre travail préparatoire avec elle ?
J’ai fait un casting où on a vu plus de 1000 filles afin de la trouver. Je cherchais quelqu’un qui ait une allure particulière : elle devait être peule et elle devait avoir la peau sombre. Trouver un Peul à peau sombre, ce n’est pas simple, car la plupart des Peuls qu’on voit en public et qui ont de l’expérience ont la peau plus claire. Donc trouver ma comédienne principale a été extrêmement difficile. Et puis cette fille est venue au casting, et j’ai vu en elle la rage dont elle aurait besoin pour jouer ce rôle. Elle n’avait jamais joué avant, mais on voyait dans ses yeux qu’elle le voulait très fort. La plus grosse difficulté, pour elle, c'est qu’elle ne pouvait pas contrôler ses émotions : quand elle se mettait à pleurer, elle ne s’arrêtait plus de la journée.

A-t-il été difficile pour elle de jouer les nombreuses scènes violentes du film ?
En tant que comédien, soit on est disposé à faire certaines choses, soit non. Elle avait tellement envie de ce rôle ; elle comprenait que c’était important. Mais il y a une chose importante qu'il faut bien comprendre : quand on vit dans les pays où nous vivons, on voit et on entend ça tous les jours. Ce sentiment de désespoir est dans nos cœurs en ce moment même. Tout ce qui se passe dans ce film est récent, à vif. Je pense que ça aussi, ça l'a aidée à donner le meilleur d’elle-même. Elle représentait sa communauté et son pays.

Et pourtant, vous avez décidé de donner au film un dénouement heureux. Votre conclusion est-elle que l’amour inconditionnel est possible en dépit de tout ?
Bien sûr, mais il n'est pas seulement question d’amour inconditionnel, mais aussi du fait de ne jamais abandonner. Si elle avait abandonné, elle ne se serait pas retrouvée dans cette situation. Ce film parle de résilience. En ce moment même, dans les pays ouest-africains, [...] nous sommes prêts à nous battre, et nous ne nous rendrons pas. Notre lien social est très important en ce moment. C’est ça qui évite qu’on tombe dans la guerre civile. La fin ne parle pas que d’amour inconditionnel entre un homme et une femme, ça parle d’amour entre les membres d’une communauté. C’est ça qui va nous aider à résoudre ce problème.

Où avez-vous tourné ? Avez-vous employé des gens de la région comme acteurs ?
Au début, on était censés tourner au Burkina Faso, mais à cause de la situation là-bas, le gouvernement ne nous y a pas autorisés, parce que c’était trop dangereux. Nous avons donc dû aller tourner en Mauritanie et là, nous avons embauché des locaux pour une grande partie des rôles de figurants. C’était incroyable pour eux de participer à ce projet, sachant que la Mauritanie a vécu cette situation il y a environ dix ans, et pendant très longtemps aussi. Maintenant, ils ont été capables de surmonter ça, heureusement, mais ça signifie qu’ils comprenaient d'où nous venions

Qu’est-ce que vous voudriez que le public retienne de votre film ?
Je veux dire à mon peuple qu’il y a de l’espoir. Quant au public international, je veux lui faire part de la situation, lui parler de cette guerre. C’est ma responsabilité, de raconter ce qui se passe.

(Traduit de l'anglais)

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