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BERLINALE 2023 Forum / Encounters

Mehran Tamadon • Réalisateur de Where God Is Not et Mon pire ennemi

Where God Is Not est comme un plan large, et Mon pire ennemi un gros plan”

par 

- BERLINALE 2023 : Le réalisateur détaille pour nous son approche et aborde les questions éthiques délicates posées par ses deux films, projetés dans deux sections différentes de l’événement berlinois

Mehran Tamadon  • Réalisateur de Where God Is Not et Mon pire ennemi

Le réalisateur iranien Mehran Tamadon est arrivé cette année à la Berlinale avec deux films : Where God Is Not [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Mehran Tamadon
fiche film
]
(section Forum) et Mon pire ennemi [+lire aussi :
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interview : Mehran Tamadon
fiche film
]
(Encounters). Ils se composent tous deux de témoignages d’anciens prisonniers politiques iraniens, mais adoptent des angles de vue diamétralement opposés. Nous avons rencontré le réalisateur pour qu'il détaille pour nous sa démarche et pour discuter des questions éthiques délicates que les deux films posent.

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Cineuropa : Comment ces deux films ont-ils été élaborés ?
Mehran Tamadon : Il a fallu huit ans pour faire Mon pire ennemi, alors que Where God Is Not n'a pris qu'une année en tout. Pendant Mon pire ennemi, j’ai commencé à travailler sur l’autre film, et ça m’a aidé à comprendre comment terminer celui-ci.

Mon pire ennemi comporte de multiples strates psychologiques et philosophiques. Le film parle de pouvoir et de ce qu’on s'inflige à nous-mêmes. Le personnage qu'incarne Zar Amir Ebrahimi est un double de moi, mon miroir, ma mauvaise conscience. Il a été très difficile de mettre tout cela ensemble. Where God Is Not est comme un plan large, un panorama ; Mon pire ennemi est un gros plan.

Dans Where God Is Not, vous dites que si les bourreaux du régime voyaient ce film, ils se rendraient compte de l'horreur des crimes qu'ils commettent. Le croyez-vous vraiment ?
Pas vous ?

Franchement, ça paraît un peu naïf.
Je ne suis pas sûr qu'ils se sentiraient secoués en voyant le film ; ce dont je suis certain, c'est que je ne peux pas penser autre chose que ce que je pense. Sinon, ça veut dire que je suis en train de devenir comme eux, parce qu'ils veulent qu’on pense qu’ils ne changeront jamais. Ils ont ce pouvoir, mais nous devons en nous-mêmes la conviction profonde que tout le monde peut changer. Bien sûr, je dois continuer d'avancer sur la voie que j'ai choisie, même s’ils continuent sur la leur, or ma voie, c'est celle-là, naïve ou pas. Je ne pense pas qu'on puisse faire changer l’autre, mais une expérience peut faire changer une personne, et pour moi, ces films sont des expériences.

Dans Mon pire ennemi, vous dites que vous aimeriez emmener ce film en Iran, comme ça quand on vous arrêterait, ces gens le verraient. Est-ce que c’est une chose que vous aviez vraiment l’intention de faire ?
Oui, tout à fait. J'ai envie d'y aller depuis le mois de juin de l’année dernière. Je pense que si je faisais cela, j'aurais sans doute des problèmes, mais ce ne serait pas la fin du monde. Les problèmes font partie de la vie, et peut-être que ça pourrait valoir le coup, même si je me retrouvais en prison. Sauf que j'ai d'autres choses à prendre en compte : j’ai des enfants encore petits et ma mère est très âgée, alors ce sont eux qui l'emportent.

Dans les deux films, vos sujets revivent le traumatisme qu'a été leur période d’incarcération. Pouvez-vous nous dire comment vous vous sentez par rapport à ça ?
Dans Where God Is Not, j’ai essayé d’être délicat avec mes personnages, parce que le traumatisme est énorme. Je devais être très attentif à eux. J’essayais de toujours m’assurer qu’ils étaient en mesure de continuer ; je leur demandais continuellement comment ils se sentaient. J’étais vraiment avec eux, et je comprenais aussi que reconstituer ces moments pouvait même les aider un peu. Les aider n’était toutefois pas mon seul objectif : mon but était de faire le film. Je ne pense pas qu’un cinéaste soit un ange ou qu’il n’ait que de bonnes intentions. Il a son ego et toutes ces questions, qui sont passées au crible dans Mon pire ennemi, font partie de ça.

Les sujets de Where God Is Not voulaient raconter au monde ce qui se passe en Iran en ce moment. Dans Mon pire ennemi, je l’ai fait avec Zar qui a, en tant que comédienne, les instruments pour le faire, et qui a rendu le projet possible. Parce qu’elle a été interrogée tous les jours pendant un an et que, contrairement à d’autres, elle pouvait voir ceux qui lui faisaient subir ces interrogatoires, elle avait ça en elle, et elle est arrivée à puiser dedans.

Elle vous met sur la sellette par rapport au fait que vous avez forcé les sujets du film à revivre de nouveau ces expériences traumatisantes, et quand vous dites qu’ils avaient le choix et qu’ils auraient pu dire non, elle demande si vous êtes vraiment sûr de ça. C’est une question très intéressante sur le libre arbitre et la responsabilité du cinéaste.
C’est pour cela que je l’ai mis dans le film, parce que c’est une critique de mon film et du travail du cinéaste – pas seulement le mien, mais celui de tous les cinéastes. J’ai essayé d'intégrer au film toutes les critiques possibles – du cinéma, des Iraniens, du pouvoir, tout ça –, mais le lendemain de chaque journée de tournage, j’appelais les gens pour leur demander comment ils se sentaient. Pour les personnages qu'on voit dans Mon pire ennemi, ça n’a pas été aussi dur : ils n’ont pas été emprisonnés très longtemps et les tortures qu'ils ont subies n'ont pas été aussi affreuses. Il en allait autrement pour les gens qu'on voit dans Where God Is Not, particulièrement Homa Kahlori, qui est restée enfermée cinq ans. La scène qu’on a tournée avec elle a été très difficile. Nous l'avons tournée quasiment en une seule séquence, car c’était la seule manière d'y arriver. Nous sommes immergés dedans et nous avons continué jusqu’au bout.

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(Traduit de l'anglais)

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