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Belgique / Luxembourg / Suisse

François Pirot • Réalisateur de Ailleurs si j’y suis

"Je voulais un personnage principal qui ne fasse rien, mais qui mette les autres en action"

par 

- Le cinéaste belge parle de son deuxième long métrage, un film polyphonique sur l’appel de la nature et le retour à une vie normale

François Pirot • Réalisateur de Ailleurs si j’y suis

Dans Mobile Home [+lire aussi :
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, son premier long métrage, François Pirot se pencher sur l’amitié de deux adulescents mise à mal par le passage contrarié à l’âge adulte. Avec son deuxième film, Ailleurs si j’y suis [+lire aussi :
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, qui sort ce mercredi en Belgique avec Cinéart, il s’intéresse une fois encore à des personnages en transition, inspirés par le sas de décompression que s’invente l’un d’entre eux, réfugié dans la forêt. Il nous parle des origines de ce projet, et de ses lignes de force.

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Cineuropa : Quelles sont les origines du projet ?
François Pirot :
J’avais envie de continuer à travailler autour de personnages qui sont à un moment de leur vie où ils doivent se redéfinir. Jean-Claude Carrière écrit que le premier film est souvent de teneur autobiographique, et qu’avec le deuxième film, on commence à s’intéresser à d’autres que soi-même, je voulais me pencher sur des personnages d’âge, de sexe différents du mien. Et puis j’avais adoré travailler les personnages secondaires dans Mobile Home, et je savais que je voulais un film avec plusieurs personnages, c’était aussi une envie formelle de scénariste. Et puis je voulais que mon personnage central aille dans la forêt. J’ai été très marqué par la lecture de Walden ou la vie dans les bois de Thoreau. Cette nécessité d’aller dans la nature pour trouver un équilibre fait partie de ma vie. Mon personnage a besoin de la nature, et la nature l’appelle. Je ne voulais pas faire un film sur ce que c’est de vivre en forêt, mais plutôt sur l’impulsion, l’envie qu’on peut en avoir. C’était quelque chose de plus symbolique et métaphorique, sur l’idée de partir. Quand je me suis concentré sur le personnage de Mathieu, ce qui était intéressant, c’était que son acte impacte les autres, dans sa famille, son travail, ses amis. Tous ses proches pourraient avoir des raisons de se réfugier dans les bois finalement. C’est comme une constellation qui gravite autour de cette tentation de la vie dans les bois.

Quand le personnage de Mathieu s’enfonce dans la forêt, l’image change, comme si on passait une frontière dans la perception.
Très vite, je me suis rendu compte que je ne voulais pas une description très réaliste de la forêt, c’était la dimension du conte qui m’intéressait, utiliser la fiction pour faire croire à cette situation invraisemblable, ce bon élève de la vie qui abandonne tout. J’aimais l’idée de créer une frontière entre le monde qu’il quitte, où les autres s’agitent, et un univers un peu décalé. Qu’il passe sans transition d’une sorte de somnambulisme à une totale présence au monde. On est dans une sorte de fantastique, on change de ton. Le découpage est plus sobre, la lumière plus chaleureuse, les images plus saturées, et le format plus resserré, ce qui correspond mieux à la verticalité de la forêt. Et puis ça créait plus d’intimité avec le personnage, ce 4/3. Le film ne raconte pas que la solution du personnage, c’est d’aller dans la forêt, mais plutôt qu’il a besoin, à un moment, de passer par là. D’être absolument dans l’ici et le maintenant.

Les autres personnages font des incursions dans la forêt, le conte de Mathieu, jusqu’à ce qu’un moment, dans le film, ils parviennent, le temps d’une scène, à se l’approprier.
Je voulais qu’il y ait une sorte de processus de contamination. Que les autres se projettent en voyant Mathieu, et fassent le point sur leurs propres insatisfactions. Qu’ils trouvent grâce à Mathieu un apaisement et un lâcher-prise. Au niveau de la construction narrative, cela s’approche de la fugue en musique. On a cinq personnages qui jouent une mélodie sur le même thème en parallèle, un thème initié par Mathieu. Souvent dans la fugue, les écritures polyphoniques, il y a un accord majeur à la fin, je voulais moi aussi un accord final où ils soient tous rassemblés, comme contaminés par cette dimension merveilleuse.

Ce sont aussi des personnages qui se questionnent, et font face à des injonctions sociétales : qu’est-ce qu’être un homme, une mère ?
Il y a un paradoxe, ils se sentent oppressés et veulent vivre autre chose, mais leurs rêves correspondent aussi aux injonctions de la société. Ils sont soumis aussi à cette pression sociale qui voudrait que l’on ait tous des destins exceptionnels. Cela semble difficile aujourd’hui d’accepter qu’on puisse mener une vie qui n’a rien d’exceptionnel. Une vie normale en somme. C’est extrêmement effrayant, comme idée, qu’être normal, ce soit rater sa vie.

Quel était le plus grand défi pour vous avec ce film ?
J’ai eu du mal à imposer que Mathieu soit un personnage qui ne fasse rien. On voulait absolument que Mathieu fasse quelque chose dans la forêt, qu’il ait un objectif, qu’il construise quelque chose. Ça en dit beaucoup de notre époque je trouve. Avec les séries, on cherche des tendeurs narratifs partout. Et puis dans la vie, on doit toujours être occupé. Moi, je voulais un personnage principal qui ne fasse rien, mais qui mette les autres en action.

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