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CANNES 2023 Cannes Première

Valérie Donzelli • Réalisatrice de L’Amour et les forêts

"Comment cette femme qui est une idéaliste se laisse piéger"

par 

- CANNES 2023 : La cinéaste française évoque son nouveau film qui décrypte les mécanismes de l’emprise à travers l’histoire d’un couple

Valérie Donzelli  • Réalisatrice de L’Amour et les forêts
(© Christine Tamalet)

6ème long métrage de la cinéaste française Valérie Donzelli, L’Amour et les forêts [+lire aussi :
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, a été dévoilé dans la section Cannes Première du 76e Festival de Cannes et sort simultanément dans les salles françaises.

Cineuropa : Comment avez-vous découvert le roman d’Éric Reinhardt que vous avez adapté avec Audrey Diwan. Qu’est-ce qui vous a attiré au point de vouloir en faire un film ?
Valérie Donzelli : J’avais rencontré Éric il y a longtemps dans un festival où nous étions dans le même jury. Donc quand le livre est sorti, je l’ai acheté parce que je le connaissais. Je l’ai lu alors que j’étais en plein tournage de Marguerite et Julien [+lire aussi :
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et j’ai été complètement captivée par l’histoire. Je trouvais cela fascinant d’arriver à raconter quelque chose d’aussi difficile à écrire. J’avais tout de suite vu le potentiel cinématographique et je me suis dit que je l’adapterais un jour. Je sentais que c’était un projet sur le long cours qui avait besoin de trouver une forme de maturation. Quand je me suis décidée, j’ai lu d’autres livres sur le sujet de l’emprise, j’ai rencontré des psychologues et des psychiatres, j’ai recueilli des témoignages de femmes autour de moi.

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À la lecture, quel personnage du couple vous captivait le plus : la femme qui subit l’emprise ou le pervers manipulateur ?
Ce que je trouvais intéressant c’était la façon dont Éric décrivait ce personnage toxique masculin et les mécanismes de manipulation qu’il opère. Et je trouvais cela passionnant de m’identifier au personnage féminin et de comprendre comment cette femme qui est une idéaliste se laisse piéger parce qu’elle croit en cette histoire d’amour, parce qu’elle pense que les choses vont s’arranger, elle prend sur elle, elle espère. Mais scène qui m’a donné envie d’adapter le film, c’est celle où il fait son mea culpa et où il se fait passer pour la victime. Je trouvais cela fascinant de voir à quel point il était capable de retourner la situation pour la piéger d’autant plus, en lui demandant non seulement de l’aider, mais aussi en lui prenant son rôle de victime à elle.

Avez-vous changé des éléments du livre ?
J’ai changé beaucoup de choses. D’abord parce que le film est dans le point de vue de Blanche alors que dans le livre, on est dans le point de vue de l’écrivain puisque c’est une femme qui écrit à un écrivain en lui disant que son livre l’a sauvé et elle lui raconte son histoire. Dans le film, il n’y a pas de personnage d’écrivain. C’est une femme qui s’empare de son récit et qui délivre une parole dans un endroit très précis que je ne divulguerai pas où une autre femme peut l’écouter. Autre différence, dans le livre, les jumelles sont l’opposée l’une de l’autre alors que je trouvais cela fascinant qu’une emprise fonctionne sur l’une et pas sur l’autre ; elles sont même presque les deux facettes d’une même personne. Le film est assez mental donc je trouvais cela intéressant de traiter ces points.

Qu’entendez-vous par "mental" ?
On est dans le point de vue de Blanche et dans la fragmentation de son esprit. Elle commence par perdre tous ses repères parce que le propre de l’emprise, c’est d’investir l’autre. Quand on est investi par un étranger à l’intérieur de soi, on ne sait plus quoi penser, on ne sait même plus parler, on ne sait plus rien. La seule chose que Blanche sait, c’est qu’elle a ses livres, sa passion pour la littérature et son travail, elle s’accroche à ses choses là. Et ses enfants aussi évidemment, mais elle se met même à douter du lien qu’elle a avec eux car en fait leur père pourrit tout sur son passage.

La patine visuelle du film est assez singulière, générant une forme d’intemporalité contemporaine. Pourquoi ce choix et comment avez-vous procédé ?
J’aime bien que les films ne soient pas une temporalité trop radicale car je trouve qu’ils vieillissent mieux ainsi. Je n’aime pas les situer dans une époque précise. Mais c’est aussi parce qu’il y a plusieurs traitements de l’image. Il y a du Super 16, du Super 8, donc tout de suite cela donne un charme et un côté un peu désuet. Je voulais également également que le film parte de quelque chose de très romantique, qu’il soit très sensoriel, émotionnel et que cela se ressente à l’image qui est particulière. Je ne voulais pas quelque chose de naturaliste, mais qu’on soit dans un rapport expérimental.

La scène de la forêt est presque filmée comme un rêve.
Comme Blanche est fragmentée de l’intérieur par la violence qu’elle subit, à partir du moment où elle va se retrouver dans cette bulle de bonheur, son esprit est aussi complètement dérèglé. Dans cette bulle de bonheur, ce qu’elle vit est peut-être plus simple que ce qui est montré, mais on est dans sa tête et elle idéalise ce petit cadeau qu’elle se fait comme quelque chose de presque irréel, alors que c’est sans doute plus un moment plus simple, plus anodin. Mais la sensation qu’elle en garde est quelque chose de merveilleux.

Quelles étaient vos principales intentions de mise en scène ?
Je ressentais le film comme une sorte d’apnée progressive, donc il fallait qu’on soit tenu dans une forme de séquence qui soit longue, avec un rythme lent et un film moins découpé que d’habitude.

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