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ANNECY 2023

Jérémie Périn • Réalisateur de Mars Express

"Dans cet univers comme si on y était téléporté"

par 

- Le cinéaste français parle de son premier long, mélange de polar et de science-fiction sur fond de colonisation martienne, dévoilé à Cannes et en compétition à Annecy

Jérémie Périn  • Réalisateur de Mars Express
(© Hugues Lawson)

Dévoilé au Festival de Cannes au programme Cinéma de la Plage, Mars Express [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Jérémie Périn
fiche film
]
, le premier long métrage du cinéaste français Jérémie Périn est en compétition officielle cette semaine au 42e Festival du Film d’animation d’Annecy. Le réalisateur décrypte la genèse d’un film de science-fiction et d’enquête palpitant sur fond d’intelligence artificielle et de colonisation martienne.

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Cineuropa : D’où est venue l’idée de Mars Express, cette plongée au XXIIIe siècle que vous avez co-scénarisée avec Laurent Sarfati ?
Jérémie Périn :
Le producteur Didier Creste (Everybody On Deck) avec qui nous venions de faire la série Lastman nous a demandé ce que nous aimerions faire ensuite. Nous lui avons proposé un film de science-fiction. Nous n’avions pas encore une idée très précise, mais une science-fiction conséquente nous manquait en tant que spectateurs. Bien sûr, il y en avait au cinéma, mais elle était plutôt orientée "fantasy" avec les Star Wars ou vers l’apparat et les super-héros. Nous avions plutôt l’intention d’aller vers de la science-fiction plus proche d’un commentaire sur notre époque. J’avais l’impression qu’il n’y avait pas beaucoup de science-fiction "à l’ancienne", "sérieuse", mais aussi qu’il n’y avait plus trop de films de détective dans la lignée par exemple du Privé de Robert Altman ou de Chinatown de Roman Polanski. Donc nous nous sommes dits que nous allions croiser les deux. En commençant à creuser de manière pragmatique pour savoir de quoi serait peuplé ce monde du futur, le simple constat de ce qui existe aujourd’hui autour de nous et vers quoi on tend a immédiatement fait émerger les thématiques des robots, des voyages spatiaux et notamment de colonisation des planètes autour de nous. Quand nous avons commencé à écrire, Jeff Bezos et Elon Musk étaient déjà complètement dans leurs utopies martiennes et de station spatiale. Nous avons donc creusé ce sillon et de fil en aiguille est née l’histoire de Mars Express.

Quelles recherches avez-vous menées pour rendre crédible votre colonie martienne du futur ?
Nous sommes allés voir le planétologue Sylvain Bouley qui est un spécialiste de Mars et son collègue François Costar. Ils se sont prêtés au jeu de nos questions, notamment celle de savoir quel endroit sur Mars serait le plus plausible pour une installation. Nous voulions des réponses concrètes pour que le film soit crédible et qu’il tienne la route dans le temps. Mars est déjà complètement cartographiée et ils nous ont conseillé d’installer la colonie du film à Noctis Labyrinthus, un ensemble de cratères et d’anciennes rivières de lave effondrées qui forment tout un réseau de canyons : un bon endroit s’il fallait mettre un dôme pour se protéger des radiations. Il y avait aussi cette idée que les premiers colons devraient vivre sous terre en attendant que soient construites ces infrastructures de plafond. C’est pour cela que dans le film, quand la détective visite les sous-sols de Noctis, il y a d’anciennes traces d’urbanisme.

L’univers urbain de Noctis, l’architecture, les routes, etc., aussi futuriste soit-il, n’est finalement pas si éloigné que cela du nôtre.
Nous avons juste extrapolé. Quand on voit les sous-sols, cela ressemble plus à ce que l’on s’imagine du futur à savoir un vaisseau spatial géant, mais l’idée était que quand les humains ont pu en sortir pour vivre un peu plus normalement, ils ont cherché à recréer quelque chose de familier, pour avoir une impression de confort. C’est pour cette raison que nous avons développé une architecture relativement simple et aussi pour que le spectateur ait une impression de familiarité avec ce monde, qu’il oublie qu’il est sur Mars, que l’on se rende compte seulement quand les personnages sortent du dôme que c’est une planète totalement inhabitable, une planète de mort avec des sortes d’oasis totalement artificielles.

L’intelligence artificielle est au coeur du récit. A travers une histoire policière, vous vous attaquez à des questions existentielles.
La thématique est née au fil de l’écriture et nous avons appuyé sur les questions autour des intelligences artificielles, du rapport qu’elles pourraient avoir avec les humains et comment ces derniers réagiraient à une libération totale des intelligences artificielles. Souvent, dans les films ou les récits qui traitent ce sujet, on se retrouve avec des intelligences artificielles qui rêvent d’égaler l’humanité ou qui souhaitent se débarrasser des humains. Nous avons cherché une autre voie, tout en jouant avec les fausses pistes menaçantes que le spectateur connaît déjà.

Votre détective privé est une femme.
D’abord, Lastman était rempli de personnages masculins qui se battent, très dans la démonstration de la virilité, et j’en avais un peu assez, donc je me suis dit que j’allais choisir un personnage féminin pour changer de point de vue. Ensuite, j’ai constaté que dans mes films de détective privé de référence, l’archétype du privé était un homme, donc comme je trouvais qu’il n’y avait pas de raison à cela, j’ai décidé de changer. Du coup, cela a fait disparaître certains autres archétypes du film noir comme la figure de la femme fatale. C’était donc une manière de revitaliser un genre très codifié.

Quels étaient vos parti-pris sur le plan du graphisme qui est très riche mais jamais ostentatoire ?
C’était exactement l’intention. En termes émotionnels, je voulais qu’on soit dans cet univers comme si on y était téléporté. Et même la mise en scène n’est pas là pour faire du tourisme avec le spectateur : on suit ces personnages qui connaissent déjà ce monde et on doit se débrouiller avec et comprendre ce monde à travers eux qui n’expliquent pas au spectateur où ils vont, qu’est-ce que c’est que ce bâtiment, etc. Il n’y a pas de moment carte postale, cela participe à cet effet à la fois de richesse et de non-démonstratif et cela se répercute sur l’animation et le dessin. Plus que du réalisme, ce que j’essaye d’obtenir, c’est une impression de réel, quelque chose qui fasse un peu oublier que l’on regarde un film d’animation.

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