KARLOVY VARY 2023 Séances spéciales
Robert Hloz • Réalisateur de Restore Point
“Nous amenons la SF dans notre région ; c'est ça, le plus gros risque qu'on ait pris”
par Marta Bałaga
- Dans son premier long-métrage, le Tchèque se projette dans l'année 2041 où, quand on meurt prématurément, on peut revenir à la vie, à condition d'avoir fait une sauvegarde

Est-ce que vous avez fait votre sauvegarde aujourd’hui ? C'est à souhaiter, parce que dans Restore Point [+lire aussi :
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fiche film] de Robert Hloz, présenté en séance spéciale à Karlovy Vary, de Roberto, c’est littéralement une question de vie ou de mort. En 2041, si on meurt prématurément, on peut être ramené à la vie. Il faut juste se souvenir de sauvegarder sa personnalité tous les deux jours.
Cineuropa : Il a tout un sous-genre cinématographique dédié à des enquêtes qui se passent dans le futur. Est-ce que, vous aussi, vous adorez ce genre d'histoires ?
Robert Hloz : Quand nous avons imaginé cette idée de société, avec ses nouvelles règles, nous nous demandions comment nous pourrions l'explorer. Comment montrer ses bons et ses mauvais côtés ? La raison pour laquelle les polars de SF existent, à mon avis, c'est que ce genre de récit vous permet de visité tous les recoins de ce monde, de rencontrer des personnages positifs et des méchants.
Faire Restore Point n'a pas dû être facile. La République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et la Serbie ne sont pas franchement associées à ce genre de film.
Nous amenons la SF dans notre région, ce qui n’est pas très commun. C'est ça, le plus gros risque qu'on ait pris. Au début, très peu de gens croyaient que ce serait possible. À vrai dire, j’étais probablement le seul [rires], mais ensuite, si on assure à tout le monde qu'on ne cherche pas à faire un Star Wars, que le film aura davantage les pieds sur terre, ils commencent à comprendre. Le problème était qu’il y avait eu plusieurs tentatives similaires dans le cinéma tchèque, et qu'elles ont toutes échoué misérablement. À présent, les gens sont suspicieux face à ce genre d’entreprise. La clef était de convaincre tout le monde qu'il s'agissait d'un projet réaliste, mais situé dans vingt ans, de sorte que peu de choses changent : il n’y a pas de lasers ni de voitures qui volent.
C’est vrai que vous combinez des éléments futuristes avec des choses qui sont plus communes. Tout le monde dans le film continue de lire des journaux !
Nous voulions que le film fasse un effet différent de celui que produisent les films de science-fiction occidentaux, qui sont tous reluisants et élégants, et où il y a du verre partout. Nous voulions que ce soit plus brutaliste,, plus vieille école. Nous nous disions que si nous continuons sur la même voie, on arrivera à un moment où la technologie deviendra invisible, où il n’y aura pas de gadgets sophistiqués ( votre iPhone sera dans votre œil), mais si c’est le cas, si il n’y a plus d’écrans, peut-être que les gens vont vouloir de nouveau tenir quelque chose dans leurs mains ?
Vous racontez ici une enquête, mais au-delà de ça, tout le monde continue de vivre une situation de deuil. Ces gens ont quelque chose de triste et mélancolique.
Ils essaient tous de surmonter ça. C’est un monde où il est très difficile de dire ce qui est mal et ce qui est bien. On est perdu. Pour ce qui est de notre Agent Em [Andrea Mohylová], on ne voit jamais son passé. C’est un mystère, qui sera peut-être révélé plus tard. Avant cela, on essaie de comprendre pourquoi elle est comme elle est. Elle est forte, elle n’aime pas avoir l’impression d’avoir besoin de l’aide des autres, et pourtant il y a des moments où elle est presque sur le point de sourire, et où on se dit : "OK, finalement il y a quelqu’un de tendre en elle".
Quand vous créez ce genre d’univers, est-il difficile de s’assurer que tout soit compréhensible ? Est-ce que vous établissez l’idée de base au départ et enchaînez à partir de ça ?
Nous en avons beaucoup parlé, en écrivant le scénario et aussi après, au montage. Nous savons comment ce système fonctionne, comment fonctionne le "restore point", mais il ne faut jamais trop expliquer les choses. Si c’était une série, on pourrait probablement rentrer un peu plus là-dedans, ne ajoutant quelque chose dans chaque épisode, mais ici, je suppose qu'il s’agit juste d’utiliser un peu son imagination de temps en temps. C'est un film relativement grand public, donc il doit satisfaire le public, avant toute chose. On ne peut pas perdre trop de temps à dessiner toute la cartographie de la chose.
Comment avez-vous décidé du niveau d’étrangeté que vous souhaitiez pour ce film ? Ce monde est plausible, mais il est scandé tout du long de scènes et de personnages étranges, comme celui qui communique avec ses dents.
Dans cet univers, si certaines personnes sont en faveur de cette technologie, d'autres sont contre. Je voulais montrer les deux côtés, parce que comment réagirais-je dans la même situation ? Est-ce que je serais contre, sachant qu’il y a des questions morales en jeu, ou est-ce que j’accepterais joyeusement la chose ? Ce personnage de "dentiste" [joué par Lech Dyblik de The Painted Bird [+lire aussi :
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fiche film]] est venu relativement tard, mais nous voulions vraiment qu'il y ait aussi des gens comme lui qui habitent ce monde.
(Traduit de l'anglais)
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