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PALIĆ 2023

Eleonora Veninova • Réalisatrice de Things Unsaid

“Le patriarcat est tellement ancré dans notre comportement et dans la manière dont nous sommes élevés qu'il finit toujours par ressortir"

par 

- La réalisatrice macédonienne nous parle du long parcours qu'elle a fait pour arriver à nous livrer ce film, et du commentaire sous-jacent sur le patriarcat qu'elle y formule

Eleonora Veninova  • Réalisatrice de Things Unsaid
(© Damir Vujković)

Nous avons interviewé la réalisatrice macédonienne Eleonora Veninova sur son premier long-métrage, Things Unsaid [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Eleonora Veninova
fiche film
]
, qui a fait sa première mondiale au Festival international du film du Caire et joue à présent au 30e Festival du cinéma européen de Palić. Le film suit une adolescente perturbée qui s’installe pendant quelques jours avec un couple marié, dans leur maison de vacances et fait flancher l’équilibre fragile de leur mariage, tout en ramenant des secrets douloureux à la surface.

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Cineuropa : Il vous a fallu longtemps pour faire ce film. Comment l’idée de départ s'est-elle présentée et comment a-t-elle évolué au fur et à mesure ?
Eleonora Veninova : Initialement, j’avais écrit une nouvelle sur ces trois personnages, et puis j’ai décidé d’en faire un long-métrage. C’était en 2012, et l’accent était mis sur le personnage de Maja. C’était un récit d'apprentissage assez "typique" sur une jeune fille qui se débat avec sa sexualité et ses émotions tout en grandissant. Nous avons fait plusieurs demandes de financement, mais elles ont été rejetées. Au fil du temps, j’ai modifié le scénario, parce que j’ai commencé à me sentir plus proche du couple. C’est là que j’ai décidé de déplacer le regard vers la relation entre Anna et Filip. Ensuite, alors qu’on était prêts à tourner, la pandémie a commencé donc nous avons dû repousser. En tout, dix années sont passées de l’idée à la sortie du film.

La photographie et la psychologie sont deux sujets importants dans le film. Pourquoi était-il important pour vous de les y intégrer ?
Il y a dix ans, je me suis mise à m'intéresser à la photographie en argentique, en particulier au travail de Man Ray. D’une certaine manière, le personnage d’Anna semblait parfait pour ça. Quant à la psychologie sociale et la communication non verbale, c’est quelque chose que j’ai aussi étudié à l’université, donc je connaissais bien le sujet. Je me disais que ces deux disciplines faisaient un duo parfait, parce qu'elles tentent toutes les deux d’interpréter le réel et découvrir les sentiments qui nous habitent de manière très différente.

Ça devient vraiment difficile de sympathiser avec les personnages. Comment avez-vous travaillé avec les acteurs ?
C’est toujours un débat intéressant que la question de savoir s'il faut qu'on ait de l’empathie pour les personnages ou pas. Pour être honnête, quand j’écrivais le scénario, ils m’étaient plus sympathiques, mais quand nous avons commencé à travailler avec les acteurs, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas très aimables. J’ai trouvé fascinant qu'il y ait un fossé entre la manière dont je vois les personnages et la manière dont tous les autres les interprètent. J’ai tout simplement décidé d'en prendre acte et de les représenter comme ils avaient été écrits, pas comme je voulais qu’ils soient.

Dans la scène où Filip et Maja vont à la plage, il explique que plus on attend une chose qu’on désire, plus le plaisir est grand au bout du chemin. Je suppose que cela ne s’applique pas aux non-dits, qui continuent de s’accumuler et finissent par causer encore plus de peine.
J’ai beaucoup lu sur la gratification différée, et je me suis toujours demandé si c’était vrai. Dans mon cas, il arrive que j’attende quelque chose longtemps et quand je l’obtiens, je ne me sens pas si bien que ça. Si je considère certaines de mes relations passées, amoureuses ou d'amitié, je constate qu'il y avait une faille de communication et beaucoup de choses non dites qui se sont empilées et qui ont fini par exploser. Il y a encore des choses que nous ne disons pas, parce que nous avons peur de ne pas être acceptés ; c'est grosso modo ce qui se produit dans le film. Quand vous savez que l’autre personne n’aime pas quelque chose, vous essayez de le cacher, pour être aimé.

Au fil du film, on sent poindre un commentaire sur l'influence sous-jacente du système patriarcal au sein de ce couple apparemment émancipé. Est-ce que c’était intentionnel ?
En écrivant le scénario, je ne pensais pas consciemment à ça, mais j’ai élaboré les personnages féminins à partir soit de mon vécu, soit de celui de personnes que je connais. Souvent, nous tendons à penser que dans ces couples de la classe moyenne éduqués et progressistes, il n’y a pas de rôles patriarcaux en jeu, mais ce n’est pas vrai. Le patriarcat est tellement ancré dans notre comportement et dans la manière dont nous sommes élevés qu'il finit toujours par ressortir. Particulièrement dans les conflits comme celui que dépeint le film, où les femmes veulent avoir le droit de décider comment la relation se développe.

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(Traduit de l'anglais)

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