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FANTASIA 2023

Sam H. Freeman, Ng Choon Ping • Co-réalisateurs de Femme

“Nous avons essayé de faire un film très humain”

par 

- Entretien avec les auteurs de ce film, lauréat au récent festival canadien, qui suit un artiste drag qui essaie de recoller les morceaux de sa vie après une agression brutale

Sam H. Freeman, Ng Choon Ping  • Co-réalisateurs de Femme
Les réalisateurs Ng Choon Ping (à droite) et Sam H. Freeman (© agilefemme)

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de Sam H. Freeman et Ng Choon Ping, prix de la mise en scène et prix de la meilleure interprétation (pour Nathan Stewart-Jarrett) au festival Fantasia de Montréal, après avoir fait sa première mondiale dans la section Panorama de Berlin, continue de séduire le public avec cette histoire, dont le héros, l’artiste drag Aphrodite Banks alias Jules, essaie de remettre sa vie sur les rails après une agression brutale.

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Cineuropa : Votre film a intégré les débats autour du phénomène drag qui sont en cours aujourd’hui, particulièrement aux États-Unis. Quel genre de discussions provoque le film ?
Sam H. Freeman :
Beaucoup de personnes queers ont l’impression qu'il sort des rangs dans lesquels on nous pousse souvent. C’est intéressant parce que oui, c’est un film sombre, mais les gens disent "c’est très violent", et on répond : "Ah bon ?".

Il y a de la violence émotionnelle et au début, quelque chose de dur arrive à Jules, mais en termes de violence à proprement parler, c’est assez minimal. Surtout si on compare le film au travail de Nicolas Winding Refn ou à Good Time, qui m’a beaucoup inspiré, ou même aux classiques de Scorsese et Tarantino. Femme est loin de ça, mais les gens ont l'air de trouver que c'est violent et quand on les interroge sur la question, ils ajoutent : "...enfin, pour un film queer'. Donc nous ne sommes pas mesurés à la même aune parce qu'on a des personnages gays ? Si c’était sur des hommes hétéros, personne ne dirait rien sur la violence ou pas du film.

Ng Choon Ping : L’ambition est de rompre avec les figures habituelles du cinéma queer, de vraiment percer sur le terrain du cinéma grand public avec un thriller de vengeance, avec un thriller d'action, avec une chose dont nous sommes souvent exclus. On dirait qu'il y a deux poids, deux mesures quant à ce qu'est un récit hétéro et ce qu'est un récit gay. Je suppose que nous nous battons contre ces attentes.

Ce que j’ai adoré, c’est qu’une fois qu’on entend "thriller de vengeance", on pense qu’on sait où ça va aller. On pense à I Spit on Your Grave, mais c'est en fait beaucoup plus complexe.
N.C.P. :
Nous ne pouvons que nous réjouir que vous l'ayez vécu comme ça. Nous voulions sentir la vulnérabilité de ces gens.

S.H.F. : Nous n'avons jamais trouvé d'intérêt aux histoires de héros et de méchants, où il y a le bien et le mal. Ce n’est pas ainsi que le monde fonctionne. C’était intéressant d’évoluer sur un terrain où le sens de ce qui est moral ou pas est brouillé. Nous avons essayé de faire un film très humain, de lui intégrer de l’humour et de nous assurer qu'aucun des personnages ne soit simple. Chacun a une part d'humanité qui contrebalance le reste. 

J'ai l'impression que les gens ont peur du sexe à l’écran, du désir sexuel. Ils ont peur de rendre les choses compliquées, mais vous jouez presque avec cette idée d’amour interdit.
S.H.F. :
En écrivant le scénario, nous avons parlé à des psychologues, parce que nous voulions mettre cet élément en avant. Il peut y avoir de la haine, mais le désir sexuel qui va avec peut être très réel aussi. Toute cette tension est une part très importante du drame intérieur.

N.C.P. : Nous avions aussi envie de creuser la connexion entre la force qu'on a et le fait de se sentir sexy. Jules se fait voler sa force, au début du film, mais à mesure qu’il avance, il la retrouve. Ça peut être assez reconnaissable, pour les gens, parce que ces deux choses s'alimentent l'une l'autre.

C'est bien de se détendre un peu, car ces gens font tellement semblant, tellement le spectacle. Comment en avez-vous parlé à vos acteurs ?
S.H.F. :
On parlait tout le temps de drag. Pas juste du fait que Jules est drag queen : tout le monde joue une version de lui-même. Quand quelqu’un finit par arrêter le spectacle, montre de la vulnérabilité, ce n’est pas rien.

N.C.P. : Maintenant qu'on en parle, il y a clairement ce drôle d'équilibre. Dans la relation centrale du film, plus l'un est drag, plus l'autre se détend. Il se permet de plus ressentir les choses.

Pour revenir sur la remarque que vous avez mentionnée, le fait que ce travail soit "violent pour un film queer', n'êtiez-vous pas inquiets de montrer de nouveau une agression sur une personne queer à l’écran ?
S.H.F. :
Femme parle de force individuelle et de capacité d'action. Le film commence par une agression, mais au lieu de faire un film sur le traumatisme causé par elle, nous avons fait un film sur quelqu’un qui veut se réapproprier sa force. Nous répondons ici à une crainte réelle. Ce n’est pas gratuit, ce n’est pas fait pour divertir. L’idée est d’explorer la raison pour laquelle ces choses se produisent, je l’espère d’une manière qui est nuancée.

(Traduit de l'anglais)

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