Dragan Bjelogrlić • Réalisateur de L'Affaire Vinča Curie
“La Guerre froide n’a jamais cessé”
- Le nouveau film de l’acteur et réalisateur serbe est un récit dramatique situé pendant la Guerre froide qui tourne autour de la toute première greffe de moelle osseuse humaine

Nous avons interviewé Dragan Bjelogrlić, le réalisateur de L'Affaire Vinča Curie [+lire aussi :
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fiche film]. Ce long-métrage, projeté dans la section Piazza Grande du Festival de Locarno cette année, est un drame intense situé pendant la Guerre froide qui tourne autour de la toute première greffe de moelle osseuse humaine jamais réalisée.
Cineuropa : Quand avez-vous commencé à travailler sur ce film et pourquoi avez-vous décidé de raconter cette histoire aujourd’hui ?
Dragan Bjelogrlić : J’ai commencé à travailler sur le scénario il y a cinq ans, et notre histoire est devenu très actuelle compte-tenu de la guerre en Ukraine. Pour moi, qui vis dans les Balkans et ressens peut-être cela davantage que les autres, la Guerre froide n’a jamais cessé. Cette espèce de tension dans le monde a perduré. La Guerre froide a juste changé de forme. À certains moments critiques, tous les vingt ans, on vit une phase de culmination pendant laquelle on voit bien que quelques petites choses suffisent à nous faire frôler la catastrophe. Donc les circonstances ont rendu notre film très actuel, même si j’ai découvert le livre [qui a inspiré le film] il y a six ans et que le monde ne savait alors rien de cette histoire.
Comment avez-vous trouvé les acteurs qui jouent Mathé et Popović?
Trouver le bon comédien pour Mathé était pour moi très important. Quand j’ai vu Alexis Manenti dans Les Misérables [+lire aussi :
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fiche film], je savais qu’il y avait des origines serbes (sa mère est yougoslave), et puis nous nous sommes rencontrés, et j’ai découvert qu’il parlait ma langue, or pour moi, il était important que nous nous comprenions. C'est donc le premier acteur que j’ai choisi.
Ensuite, j’ai fait passer beaucoup d'auditions pour le rôle de Popović. Pendant la phase de casting, je filmais toujours les acteurs auditionnant pour les rôles de Popović et Mathé ensemble, parce que je voulais voir s'ils fonctionnaient ensemble dans le cadre, pas juste séparément. Je voulais voir s'ils avaient une bonne alchimie.
La photographie est riche en teintes sombres et en clairs-obscurs, particulièrement dans les scènes d’intérieur, ce qui donne à l’ensemble une atmosphère très maussade. Pouvez-vous nous en dire plus sur les instructions et références visuelles que vous avez fournies à votre chef opérateur Ivan Kostic.
D’abord, on a fait le choix très important travailler avec des objectifs anamorphiques. Notre idée était de rendre l’atmosphère des films noirs des années 1950 et 1960. On a cherché à monter les éclairages, les plans et tout le reste de manière à rappeler ces films aux gens. [...] Par ailleurs, nous avons décidé qu'à mesure que l’histoire avance, la caméra devrait se rapprocher de plus en plus des acteurs. Les trente premières minutes, on a principalement des plans larges. À mesure que le récit s'intensifie, on change d'objectifs et faisons beaucoup de gros plans. […] Nous nous sommes vraiment démenés pour obtenir la bonne atmosphère.
Quid de votre travail sur le son et la musique ?
Nous avons beaucoup travaillé sur la musique, car l'idée n’était pas d'illustrer l'histoire ou ce qui se passait dans chaque plan. Il fallait que ce soit plus une toile de fond, un genre d'écho. Pendant le travail de design sonore au Portugal, nous avons mixé la musique avec des bruits de réacteur, des sons enregistrés dans un hôpital vide et le bruit de différents véhicules. Le dernier morceau de la bande originale est totalement différent ! Là, il y a eu un gros basculement.
Pour venir à votre travail avec les acteurs, comment êtes-vous parvenu à établir ce côté "sous-joué" dans leurs interprétations ? L'avez-vous travaillé sur le plateau ou était-ce prévu avant ?
C'est toujours un ensemble de choses. J’avais l’idée générale de développer les personnages et de trouver la bonne méthode de jeu pour qu'ils n'en révèlent pas trop dès le départ. Bien sûr, mon métier principal est celui d’acteur (ça fait cinquante ans que je joue). J’aime travailler avec les acteurs devant la caméra, répéter avec eux et voir quelles possibilités présente chaque situation. Parfois, on change même certaines répliques. C’est une partie fondamentale de ma méthode de travail. Par exemple, si vous faites bien attention, Mathé ne sourit que deux fois dans tout le film, eh bien nous avons fait un travail très spécifique là-dessus.
Il y a indéniablement un angle très français dans cette histoire. Puis-je vous demander pourquoi aucun coproducteur français n'a participé ?
Le problème est que pendant la préparation, je travaillais sur un autre film, qui a été un très gros succès au niveau local [Toma [+lire aussi :
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fiche film]], donc je n’avais tout simplement pas le temps, or un coproducteur français, quel qu'il soit, ne donne pas son argent, il fait des demandes de financement, et nous n'avions pas le temps d’attendre ça, même si deux gros studios français ont montré un peu d’intérêt. Bien sûr, ç’aurait été beaucoup mieux si nous avions eu une société française à nos côtés, mais j’espère que nous allons intéresser les distributeurs français.
(Traduit de l'anglais)
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