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LOCARNO 2023 Piazza Grande

Victoria Musiedlak • Réalisatrice de Première affaire

"Je m’intéresse à la manière dont une profession peut changer quelqu’un, et aux changements que cette personne doit vivre pour s'adapter à son environnement"

par 

- Le premier film de la réalisatrice française met en scène Noée Abita dans le rôle d'une jeune avocate de la défense en tout début de carrière

Victoria Musiedlak  • Réalisatrice de Première affaire
(© Olivier Marty)

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, le premier long-métrage de la Française Victoria Musiedlak, Noée Abita incarne Nora, une jeune avocate en tout début de carrière. Bien que sa spécialité soit le droit fiscal, on lui confie une affaire de kidnapping qui a mal tourné : son client, un jeune homme de 19 ans, est accusé d’avoir battu une jeune femme à mort. À l'occasion de la première mondiale du film sur la Piazza Grande de Locarno, Cineuropa a interrogé la réalisatrice sur l'idée du film, le casting et le rapport entre la justice et le désir.

Cineuropa : Nora est une avocate débutante de 26 ans qui vit encore chez ses parents. Comment ce personnage vous est-il venu ?
Victoria Musiedlak :
Pour tout vous dire, je me suis inspirée d'une jeune femme de ma connaissance qui travaillait dans un cabinet d'avocats et s'est soudain vu confier, pour la première fois, une affaire difficile. J'ai trouvé intéressant d'observer les changements que cette mission allait entraîner chez elle. Tout cette histoire m'a fait réfléchir à la manière dont une profession peut transformer quelqu’un, dont la personne elle-même doit changer pour gérer son entourage et sa profession.

Je suppose que c’est ainsi qu’on est parfois forcé de grandir dans ce monde, par le fait de circonstances difficiles comme celles-ci.
Oui, mais il faut s'éloigner de l'environnement familial, si on veut grandir et trouver sa place dans la société. Winston Churchill a prononcé un jour cette phrase célèbre : "Le succès est la capacité d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme".

L'échec peut avoir plusieurs sens différents, selon le contexte. Pourquoi était-il important pour vous de présenter Nora et Servan comme des outsiders, chacun à sa manière ?
Il me paraissait très important de voir Nora se trouver dans un univers totalement inconnu. Le film se passe dans le nord de la France, dans un véritable commissariat et une véritable prison. C'est un lieu qui l'oblige à sortir de sa zone de confort, car elle n'y a pas de repères. Elle est vierge, en quelques sortes.

C’était mon autre question. Pourquoi était-il si crucial qu’elle soit aussi vierge au sens propre ?
Je voulais vraiment la dépeindre comme une enfant, or je pense cet aspect de son personnage tient à la relation qu'a Nora avec sa mère. Elle est encore un peu étouffée par la personnalité de sa mère. Elle n'est pas encore tout à fait une femme, à cause de ce lien très fort, très fusionnel.

Quelle est la relation entre le désir, la justice et la vérité ? Tout cela s'enchevêtre, dans votre film.
Je pense que c'est le fait qu'elle se mette à côtoyer, d'un coup, la mort et la violence qui fait que son désir refait surface, après avoir été longtemps contenu et retenu. Il est difficile à contrôler, ayant été intériorisé trop longtemps. Au-delà de ça, ce genre de situation génère de l'adrénaline, un élan qui vous pousse à faire des choses qui peuvent sembler extrêmes. C'est aussi ce qui se passe dans le milieu des politiciens, qui sont mus par le pouvoir qu'ils ont entre les mains.

Votre duo d'acteurs principaux est formidable. Comment avez-vous travaillé avec eux pour canaliser leur alchimie ?
Pour le rôle de Servan, je savais que je voulais qu'il soit très ambigu, et Anders Danielsen Lie peut être très sexy, mais c'est quelqu'un de très joyeux. Je suis son travail et celui de Noée Abita depuis quelques temps, j'ai vu leurs films. Dans le cas d'Anders, je me souviens notamment de La Nuit a dévoré le monde [+lire aussi :
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, où ressortait quelque chose d'un peu militaire dans sa personnalité : il y avait les cheveux très courts, et son visage avait un côté austère. Je me suis dit qu'il était capable de beaucoup de subtilité, qu'il pourrait par son interprétation rendre le personnage de Servan très sordide. 

On rattache toujours l'idéalisme à la jeunesse. Cette histoire est-elle une histoire de perte d'idéalisme ?
Le film montre en effet qu'on peut perdre son idéalisme, surtout quand on se retrouve dans une impasse. La dureté de la société et la violence peuvent avoir cet effet. C'est du moins ce qui arrive à Nora, c’est à ça qu'elle est soudain confrontée. Elle a des idéaux, mais elle se retrouve face à un monde très dur, particulièrement dans le cadre de son métier d'avocate. Si ce film parlait d’une enseignante, il en serait allé autrement.

Et quid de l’optimisme ?
À vrai dire, je suis quelqu’un de très optimiste, parfois même trop, mais je n'ai pas pour autant une vision simpliste de la société, pas du tout. Je suis consciente de la dureté du monde qui m'entoure, mais j’essaie de conserver mon optimisme.

(Traduit de l'anglais)

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