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VENISE 2023 Orizzonti

Nehir Tuna • Réalisateur de Yurt

“Le récit d'apprentissage est mon genre préféré”

par 

- VENISE 2023 : Le réalisateur turc parcourt pour nous les nombreuses nuances de son premier long-métrage, un film pendant lequel dormir serait une grave erreur

Nehir Tuna  • Réalisateur de Yurt

Ahmet (Doğa Karakaş) a deux vies et il est bloqué entre les deux. Nous sommes en Turquie, au milieu des années 1990, et le pays connaît un schisme entre ses identités laïque et religieuse, symbolisé par le fait qu’Ahmet fréquente une école moderne où il apprend l’anglais, tout en vivant et en dormant dans une yourte, un dortoir, où il peut aussi apprendre à être un bon musulman et à enrichir sa vie spirituelle. Yurt [+lire aussi :
critique
interview : Nehir Tuna
fiche film
]
de Nehir Tuna, en compétition la section Orizzonti de la Mostra de Venise, est un récit d’apprentissage romanesque filmé dans l’austérité du noir et blanc, qui ne se passe jamais comme on l’imagine.

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Cineuropa : Dormitory a un scénario riche, dense. Combien de temps avez-vous passé à l’écrire et à l’élaborer ?
Nehir Tuna : J’ai mis pas mal de temps, et pas parce que je travaillais constamment dessus. Nous voulions le tourner avant la pandémie. Avant ça, on nous avait refusé une aide gouvernementale. Mais, en fait, cela m’a aussi donné le temps de repenser et de faire des ajustements ici et là.

J’ai utilisé un grand nombre de rimes visuelles tout au long du film afin de structurer un récit poétique. Je suppose que la répétition de ces images récurrentes donne plus de sens aux histoires et contribue à créer une économie narrative. Il y a des éléments récurrents dans le film, comme la cassette audio au début, la pièce de monnaie porte-bonheur d’Ahmet, ou la lune sur le lac lorsqu’il s’enfuit avec Hakan (Can Bartu Arslan).

Il y a une harmonie dans l’histoire, une certaine mesure, mais il n’est pas pour autant question de se dérober ou d’être sur la défensive. Pouvez-vous nous expliquer comment vous vous y êtes pris ? Cela m'a ouvert les yeux, car je ne connaissais pas cette image de la Turquie.
L’histoire se déroule en 1996 et en 1997, qui est une période charnière dans la bataille historique entre la laïcité et l’islamisme en Turquie. Ces dortoirs ont vu le jour dans les années 1980. Au départ, de fervents Turcs musulmans ont cherché à offrir un toit aux enfants pauvres, pour leur donner aussi une éducation religieuse. En même temps, à la télévision et dans les médias, ces jeunes islamistes étaient présentés comme une menace pour le gouvernement et le système laïque. La tension était à son comble. Les gens évitaient ces dortoirs pour ne pas être perçus comme des extrémistes. Mais pour d'autres, comme le père d'Ahmet, ils représentaient un nouveau mode de vie vertueux.

Ce n’est qu’après avoir regardé le film que j’ai réalisé que le père d’Ahmet s’était lui-même récemment converti.
Quand Ahmet rentre chez lui, il se rend compte qu’on a enlevé ses posters, parce qu’autrement, les anges ne pourraient pas venir.

Le style visuel est particulier, et assez différent de ceux d’autres cinéastes de votre génération qui pourraient réaliser un premier film. Il est classique, mais il laisse pourtant la place à l’expressionnisme et à l’onirisme. Il est en grande partie filmé en noir et blanc, avec un cadre carré.
Même dès le début, je savais à quoi le film allait ressembler et pourquoi, et pendant tout le tournage, nombreux sont ceux qui m’ont dit de ne pas faire ça. Pour le choix du noir et blanc, j’ai beaucoup insisté, car, pour moi, il symbolise une vie dans laquelle le système de croyances ne permet aucune couleur, aucune différence ou aucune nuance. Vous êtes soit bon, soit mauvais, musulman ou non musulman, croyant ou profane. Et donc plus tard, lorsque les garçons goûtent à la liberté pour la première fois, on passe à la couleur.

Le format de l’image me rappelle les films classiques comme Oliver Twist de David Lean. Ce format permet aux corps de s’exprimer. Sans déplacer la caméra, vous pouvez saisir le langage corporel. Nous voulions que notre public puisse voir facilement le monde à travers les yeux d’Ahmet et qu’il puisse s’identifier à ses combats.

En quoi ce premier film prépare-t-il le terrain à ce que vous aimeriez faire ensuite ?
Le récit d'apprentissage est mon genre préféré. Je m’intéresse énormément aux gens qui connaissent très tôt des traumatismes, et aux répercussions que cela a dans leur vie plus tard. C’est ce que j’essaierai donc de faire dans le deuxième film. J’espère que je pourrai en faire un deuxième ! C’est très compliqué aujourd’hui pour un cinéaste indépendant. J’espère que Yurtpermettra au prochain projet d’aller plus vite, et qu’il prendra moins de temps que celui-ci.

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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