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VENISE 2023 Compétition

Fien Troch • Réalisatrice de Holly

“Ma force, c'est de faire que les gens se demandent ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas”

par 

- VENISE 2023 : La réalisatrice belge laisse planer le suspense dans un film sur une fille timide qui a peut-être, mais peut-être pas, de mystérieux pouvoirs

Fien Troch • Réalisatrice de Holly

Un jour, Holly (Cathalina Geeraerts) appelle son école : elle ne se sent pas bien et veut rester à la maison. Quand un incendie se déclare dans l'établissement, causant la mort de plusieurs élèves, quelqu’un se souvient de sa prémonition. Les gens se mettent à croire que Holly peut les faire se sentir tranquillisés, plus heureux, juste en étant près d'eux. Nous avons interrogé la réalisatrice belge Fien Troch sur ce film, Holly [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Fien Troch
fiche film
]
, qu’elle a présenté à Venise en compétition.

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Cineuropa : Voir un film comme le vôtre, qui joue avec l'horreur, me rend toujours heureuse. Vous aimez ce genre d'histoires ?
Fien Troch : Ce qui éveille le plus mon intérêt, c'est quand un film flirte avec quelque chose. J’aime explorer le cinéma de genre et voir ce que je peux faire avec, parce qu'à moi, ça me fait me dire : "Tiens, quelque chose d’intéressant est en train de se passer", mais je savais aussi que ce serait le gros challenge pour moi, parce que le surnaturel est un domaine que je connais assez mal. Je ne voulais pas me perdre dans les clichés, trop me rapprocher d’une zone familière. Ce n’est pas mon truc. Ma force, c'est de faire que les gens se demandent ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, et de montrer que tout est question de perception.

C’est vrai, parce que dès l'instant où on voit apparaître une fille timide avec des pouvoirs mystérieux, vrai ou pas, votre esprit hurle : CARRIE !
Je l’ai re-regardé, en plus [rires] ! C’est un film formidable, mais c’est exactement ça que je disais : il y a toutes ces règles qui ont été établies il y a longtemps. À chaque fois que les choses allaient dans une direction reconnaissable, je m'assurais que rien du tout ne se passe à ce moment-là. Peut-être que c’est juste dans votre tête ? Je voulais aussi que le film fasse ancré dans le réel, réaliste, et c'est seulement là qu'il peut partir ailleurs.

Holly fait aussi l'effet d'un parcours spirituel, parce que vous jouez avec l'idée du sauveur, et quelle est la réaction des gens devant un sauveur ? Ils le détruisent, ils l'utilisent.
À partir du moment où on offre aux gens quelque chose de pur, quelque chose qui les aide, ils le veulent. Si aider les gens rendait Holly très malade, par exemple, certains diraient : "Je sais, mais…". C’est une chose tellement universelle. Les gens deviennent très égocentrés très vite, quand il est question de leur salut personnel.

Vous ne révélez jamais complètement ses motivations, mais il y a quelque chose de dérangeant dans ses interactions avec une enseignante en particulier. Est-ce qu’elles se détestent ? Qu’est-ce qu'il se passe ?
Anna aimait bien que Holly soit une paria, une fille bizarre, et puis elle se met à parler aux gens et sort de sa coquille, et ce n’est pas ce qu'Anna avait en tête. Elle ne veut pas que Holly devienne une adolescente normale. Elle se hait d’être aussi affectée par le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfant et quand elle sort de ses gonds et maudissant toutes ces "mères stupides", c’est important. Elle dit enfin ce qu’elle ressent.

C’est une des questions principales dans le film : que signifie "faire le bien" ? Est-ce qu’on le fait uniquement pour les autres, ou pour soi-même ? Et il n'y a rien de mal à ça, soit dit en passant : je pense vraiment qu’on peut essayer de sauver le monde et puis manger dans un bon restaurant le soir. Sauf que pour certaines personnes, ces choses ne vont tout simplement pas ensemble. En tout cas, pas pour Anna.

Il n’y a rien de bizarre dans leur monde, donc je suppose que vous ne disposiez que de ces personnages pour introduire le sentiment de l’inconnu ?
Quand nous avons trouvé Cathalina Geeraerts, elle avait l’air… tellement normale. Je me suis rendu compte que ça rendait les choses encore plus intéressantes. Je trouve très intéressants ces mécanismes par lesquels opère la croyance. Je regarde des tas de vidéos sur YouTube et la vérité, c’est que si on veut croire en quelque chose, si on se demande si un homme peut être enceinte, il y a des milliards de manières pour vous de vous conforter dans votre idée.

Certaines personnes la qualifient de guérisseuse, mais on reste quand même à petite échelle. Dans un film américain, elle deviendrait célèbre dans le monde entier. Ici, au mieux, elle a droit à une boisson gratuite dans un restaurant chinois.
Pour sa mère, c’est déjà le signe d'une vie différente, meilleure. Ça suffit pour oublier qu’elle n'est qu'une jeune fille et qu'il faut qu'elle fasse attention. Une fois qu’on a atteint un certain statut, et on voit ça tout le temps avec les célébrités, les gens oublient qu’on est comme eux. Holly n'a que 16 ans, et tout ce qu’elle veut, c’est une nouvelle veste et des baskets pour avoir l’impression de faire partie du groupe. Pour moi, quand elle reçoit un peu d’argent, ce n’est pas comme si elle trahissait tout. Ça ne fait pas d'elle une mauvaise personne. Elle n’a jamais rien eu avant. Ces gens lui ont ôté toute possibilité de dire : "Je ne sais pas qui je suis". On lui dit qui elle est, on lui dit qu’elle est spéciale, et elle ne le remet pas en question. Pourquoi ? Parce que c'est amusant, de vivre comme ça.

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(Traduit de l'anglais)

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