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VENISE 2023 Orizzonti

Goran Stolevski, Alina Serban • Réalisateur et actrice de Housekeeping for Beginners

“Afin de fournir une représentation des choses qui ait du sens, il fallait que nous laissions nos personnages se comporter comme des fumiers”

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- VENISE 2023 : Le réalisateur, accompagné d'une de ses comédiennes, détaille pour nous son film, où une foule de choses dramatiques surviennent, mais qui pourtant vous laisse assez joyeux

Goran Stolevski, Alina Serban • Réalisateur et actrice de Housekeeping for Beginners

La maison de Dita est toujours pleine de gens : pleine d’amis, de deux filles qu’elle élève avec sa compagne Suada (Alina Serban), des amoureux de passage de son ami Toni. Mais quand Suada tombe malade, dans Housekeeping for Beginners [+lire aussi :
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fiche film
]
, un des meilleurs films de la section Orizzonti de Venise cette année, Dita doit promettre qu’elle va continuer de s’occuper de ses enfants, quitte à se marier... avec un homme. Entretien avec Serban et le réalisateur du film, Goran Stolevski.

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Cineuropa : Une foule de tragédies surviennent dans ce film (la maladie, le deuil...), et pourtant on quitte la salle avec un sentiment de joie.
Goran Stolevski : La vie vous distribue des cartes, mais quoi qu’on reçoive, il faut la vivre pleinement. Même quand on est pauvre ou qu’on fait partie d’une minorité, chaque jour n’est pas un drame social réaliste qui pue le malheur. Chaque jour est fait de tout un éventail de sentiments et de couleurs. Je ne cherche pas à nier la réalité de ce que c’est qu'être étouffé par la société, mais on trouve de la joie tout de même. On n'est pas qu'en survie. Je cherchais ces moments parce que je veux faire des films où le gens peuvent se retrouver, et que même mes amis hétéros puissent les apprécier. Il faut toujours livrer un tableau complet de la vie de quelqu’un.

Le film ne parle pas de politique ni même de la vie des gens queers. Il parle de la famille, et comme dans toute famille, les gens s'y conduisent mal. Est-ce ce que vous vouliez ?
G.S. :
Je l’ai même encouragé [rires] !

Alina Serban : J’adore ma mère, mais si on rester dans le même espace pendant une toute une journée, on se disputerait. Je trouvais plaisant de voir Suada se conduire comme une sale gosse. Tout cela fait partie de notre expérience normale, mais dès qu’on ajoute l'élément queer ou des Roms, ça devient spécial parce qu’on n'a pas souvent l’occasion de voir ça. On n'a pas l’occasion de voir que leur vie est tout comme la nôtre. Enfin un film où mon origine ethnique n'était pas dépeinte comme quelque chose d’"exotique" ; on n'a pas affaire ici à du porno de la pauvreté. Le personnage adolescent se rebelle parce qu’elle vit un deuil. Et accessoirement, elle est aussi rom.

Vous montrez des gens qu’on regarde souvent de haut, mais ils refusent d’être dans cette position.
G.S. : Je ne voulais pas que nous soyons des victimes,. Quand je me suis enfin assis pour écrire cette histoire, tout est venu très vite, d'instinct, du subconscient. Parfois, je suis un peu frustré de me dire que Tarkovski a pu être juste Tarkovski. Moi, j'ai droit à la formule "le réalisateur gay Goran Stolevski”. Je ne suis pas universel : je suis "de niche". Et du coup je me dis : "Mais mes sentiments ne sont pas de niche !". J’ai fait un film sur des garçons qui tombent amoureux et une femme d’âge moyen est venue me voir pour me dire : "Comment connaissiez-vous mon histoire ?!". Je veux établir une connexion avec ces gens-là aussi ; je veux qu'ils s'amusent en voyant mes films. Ce film n'est pas un "devoir d'école gay".

Alina, votre relation amoureuse dans le film fait très authentique. Cherchiez-vous à aller au-delà du motif habituel du couple queer maudit ?
A.S. : Grâce à Goran, il y avait quelque chose d'authentique là-dedans dès le départ. On peut comprendre que quand on a une grave maladie, on n'ait pas forcément envie que votre partenaire la cherche sans arrêt sur Google. Et c'est pourtant ce qu'on fait ! Le film parle de deux personnes normales, et c'est ça, qu'on a besoin de voir : pas des anges, mais pas non plus des démons.

G.S. : C’est vrai, et pas seulement pour les personnages queers, parce que par exemple j’en ai assez aussi de voir les migrants (je pense ici au contexte macédonien) toujours dépeints comme des gens "nobles". Pour donner une représentation des choses qui ait du sens, il faut laisser nos personnages se comporter comme des fumiers. Dita est albanaise et marginalisée aussi à ce titre, mais quand on me demande, comme l'a fait un des premiers spectateurs du film, "Mais pourquoi elle est aussi salope ?", eh bien je dis : pourquoi Walter White était-il un salaud dans Breaking Bad ? Parfois, même des artistes queers en viennent à produire des images tellement idéalisées que je n'arrive pas à regarder jusqu'au bout. Ça ne peut que nous faire du tort.

A.S. : Ou bien prenez Toni [joué par Vladimir Tintor], qui est confronté à cette chose énorme qu'est le fait de devenir père. On se fiche qu'il soit gay : on parle ici de peur, d'abandon, d’amour et de deuil, et de l'idée qu’il faut qu'ils se marient pour sauver ces enfants.

Toutes ces émotions se heurtent les unes aux autres dans les scènes de groupe, et il y en a pas mal. A-t-il été difficile de tout chorégraphier ?
G.S. : Et de tout monter ! Mon mari s’est habitué à me voir allongé sur le canapé le visage enfoui dans les coussins à crier : "Je suis nul ! Mon film est raté !". Sur le plateau, c’était merveilleux, mais essayer de faire que ces énergies se correspondent parfaitement ensuite a été très dur.

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(Traduit de l'anglais)

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