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TORONTO 2023 Platform

Nora El Hourch • Réalisatrice de HLM Pussy

"J’ai voulu décrire cette jeunesse qui s’approprie des combats d’adultes avec des armes d’enfants"

par 

- La cinéaste franco-marocaine explique les sources très personnelles de son premier long, un thriller psychologique dans les zones grises de l’amitié et du consentement

Nora El Hourch  • Réalisatrice de HLM Pussy
(© Julien Antunes)

Dévoilé dans la compétition Platform du 48e Festival de Toronto, HLM Pussy [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nora El Hourch
fiche film
]
est le premier long métrage de la cinéaste franco-marocaine Nora El Hourch.

Cineuropa : Pourquoi avez-vous voulu traiter le sujet de l’amitié entre trois adolescentes en le croisant avec celui du consentement ?
Nora El Hourch : C’est d’abord un film sur l’amitié car quand on a 15 ans, on pense qu’on est amies pour la vie et que rien ne pourra ébranler l’amitié. Mais je voulais aussi parler de la double culture. Mon père est marocain, ma mère est française, je suis donc née dans deux cultures différentes et j’ai essayé tant bien que mal de garder un pied dans chacune. Par ailleurs, j’ai également été victime d’agression sexuelle, donc les sujets du consentement, du MeToo, j’en parle facilement, mais j’ai remarqué qu’en fonction de là où je me trouvais, je n’avais pas forcément le même répondant de mes interlocuteurs. J’ai voulu gratter cet aspect des subtilités de la vie : comment un même combat peut être affronté différemment en fonction du milieu social dans lequel on a évolué, de l’éducation, de nos pensées. Je me suis dit que j’allais allier ces sujets qui me tiennent à cœur.

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Comment définiriez-vous les trois personnages principaux : Amina, Djeneba et Zineb ?
Ce sont trois de mes facettes. La vie d’Amina est un peu ma vie : un milieu social assez aisé, la double culture, un père qui faisait tout pour que je sois franco-française et pas du tout d’origine marocaine. Et j’avais des amies au début de ma scolarité qui était des amies de cité comme dans le film. Mais j’ai aussi un peu de Zineb en moi, ce côté naïf, ce côté qui s’est fait agresser, mais également un peu de Djeneba, ce côté pitbull. Le personnage d’Amina a évolué dans la contradiction. Elle a un prénom et un nom de famille à consonance arabe, elle évolue dans un milieu social scolaire où les enfants sont majoritairement issus de l’immigration, mais on lui demande d’être franco-française. C’est ce qui va la faire se perdre car elle veut se "vendre" comme étant arabe auprès de ses amies : elle veut se fondre dans la masse parce qu’à cet âge là, on a envie de passer inaperçu. Mais il y a une ambivalence : elle a envie d’être cela mais sa condition la ramène à être quelqu’un d’autre, notamment à cause de ses convictions. Elle a envie de sauver ses copines, mais avec des armes nées de son éducation et qui ne sont pas les mêmes que celles de Djeneba et de Zineb. La façon de penser et d’agir d’Amina seront un point de rupture qui met en avant ce que toutes les trois avaient mis un peu dans le déni : cette différence qui existe entre elles et qui est bel est bien là.

Comment vouliez-vous aborder le sujet de la dénonciation de l’agression sexuelle ? 
Cette violence peut survenir dans tous les milieux. C’est pour cela que le personnage de Zach est très nuancé. Il évolue dans une zone grise : il n’a pas de parents, il vit dans une certaine violence et en réalité il reproduit les relations humaines avec ses propres codes. Les personnages des trois amies se posent des questions que je me pose moi aussi et c’est pour cela qu’elles ont 15 ans. J’ai voulu décrire cette jeunesse projetée dans un monde d’adultes, qui s’approprie des combats d’adultes avec des armes d’enfants. Ca personne n’est pur, nous sommes tous plein de contradictions, de complexité. Toutes ces nuances autour du consentement, ce sont des questions que je me pose. À quel point l’agresseur est conscient de ce qu’il fait ? Tout est beaucoup plus complexe qu’on peut imaginer et c’est ce que j’ai essayé de faire transparaître. Le côté violent du film, c’est parce que j’ai voulu l’aborder un peu comme un thriller psychologique qui monte en puissance. Les trois amies sont prises dans leur propre engrenage. Elles essayent de combattre à leur manière, avec leurs armes qui sont aujourd’hui principalement les réseaux sociaux. Mais ce sont des bébés, des enfants, elles n’ont pas la pleine consciente des actions qu’elles mènent car tout est beaucoup plus complexe qu’une vidéo qu’on poste pour accuser quelqu’un.

Le casting a-t-il été facile ?
Depuis quatre étés, je participe au dispositif Filme l’avenir. On va dans des milieux défavorisés et on apprend à des jeunes à faire des films. L’année dernière, j’y ai rencontré Salma Takaline qui joue Zineb : cela a été un coup de foudre et c’est comme cela que je travaille en général, à l’instinct et avec mon intuition. Leah Aubert et Médina Diarra sont arrivées à travers un casting plus classique via une annonce sur les réseaux sociaux pour lequel nous avions reçu plus de 900 candidatures vidéo.

Quelles étaient vos intentions principales en termes de mise en scène ?
Le budget du film était très petit. On m’a dit : "c’est caméra à l’épaule ou sur pied, et deux prises par plan maximum si tu veux tout rentrer." Donc, c’était des intentions de guérilla. J’ai fait beaucoup de répétitions avec les filles et tous les jours, j’arrivais avec un scénario "pirate" en décidant de changer les choses. Je n’ai pas fait d’école de cinéma, je n’ai pas les codes, donc j’ai une réalisation instinctive.

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