SAN SEBASTIAN 2023 Compétition
Isabel Herguera • Réalisatrice de El sueño de la sultana
“L'animation peut être un outil extraordinaire pour composer des récits pour adultes”
par Júlia Olmo
- La réalisatrice basque nous parle de ses références et de l'élaboration de son premier long-métrage
La réalisatrice basque Isabel Herguera nous parle de ses références et de l'élaboration de son premier long-métrage, El sueño de la sultana [+lire aussi :
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fiche film] et El sueño de la sultana attirent l'attention sur l’animation pour adultes en basque. Pensez-vous que quelque chose est en train de changer dans ce secteur au Pays basque ? Et au niveau national, avec des films comme ceux de Pablo Berger ou Fernando Trueba ?
Isabel Herguera : Au Pays basque, il y a une tradition de cinéma indépendant et d’animation fait par des artistes comme José Antonio Sistiaga, Ruiz Balerdi, Juan Carlos Egillor ou encore Bego Vicario. Presque en même temps, Juanba Berasategi a posé les bases de ce qui est devenu l’industrie de l’animation en basque. Une forme a grandi à côté de l’autre. Ceci a généré une manière plus ouverte et collaborative de faire et de comprendre le cinéma d’animation. Que des cinéastes avec le parcours de Fernando Trueba ou Pablo Berger réalisent des films d'animation aide le public à comprendre que l'animation peut être un outil extraordinaire pour raconter des histoires pour adultes.
C’est votre premier long-métrage, même si vous avez fait beaucoup de courts. A-t-il été difficile de passer à ce nouveau format ?
Je crois que c'est l’innocence et la méconnaissance qui m'ont laissé penser que je pouvais faire un long. C’est mon premier film, alors le financer n’a pas été facile. Le budget était élevé, car l’animation requiert beaucoup de main-d’œuvre, et l’argent n’arrive pas toujours au moment où on en a besoin. Mais El Gatoverde Producciones, Abano Producións, Uniko et Fabian&Fred GMBH ont fait un travail magnifique. La méthode de production d’un long-métrage est très différente de celle employée pour un court : j’ai dû apprendre à déléguer et à cesser de vouloir avoir le contrôle absolu de chaque aspect de la réalisation.
Le film est très beau et très complexe, sur le plan artistique. Quelles techniques avez-vous utilisées et pourquoi ?
J’ai utilisé trois techniques différentes pour séparer visuellement les trois histoires. Le voyage d’Inès est peint à l'aquarelle, la technique que j’utilise généralement dans mes cahiers personnels. Pour reconstituer la vie de Begum Rokeya Hossain, j’ai utilisé la technique du découpage, pour me rapprocher des atmosphères d'un théâtre d'ombres, une forme de divertissement très populaire en Inde au début du XXe siècle. Enfin, j'ai recouru au mendhi, ou tatouage temporaire au henné, pour illustrer le pays des femmes. C'est une tradition qui consiste à peindre et orner le corps de la femme la veille de son mariage. Compte tenu de sa valeur symbolique, il m'a semblé que c’était l’option parfaite.
Le film part d’un récit appartenant à la tradition orale indienne. Quel type de structure avez-vous créé à partir du scénario pour le film comment avez-vous procédé ?
J’ai écrit le scénario avec Gianmarco Serra, mon compagnon de vie et d’aventures. Gianmarco aime les mots, et moi les images. Tout part d’un tronc commun : le voyage personnel, le travail en collaboration avec les groupes de femmes en Inde, et le désir de revendiquer la figure de Rokeya Hossain. Le film a grandi comme un arbuste sauvage ou fleurissent des épisodes dans les lieux les plus inattendus qui soient. Certaines scènes ont été peintes avant d’être écrites, d’autres ont surgi à l’écriture, d'autres sont venues du matériel documentaire que nous avons enregistré au fil des années que Gianmarco et moi avons passées en Inde. Nous avons fait évoluer les textes, les fonds et le montage jusqu’au dernier jour. Efraim Medina Reyes nous a aidés à ordonnancer les idées et à ajouter les scènes clefs dans la dernière phase du processus.
Dans le film, il y a quatre petits rôles importants. D’un côté, Mary Beard et Paul B. Preciado apparaissent sous forme de personnages animés, avec leurs propres voix. Il y a aussi deux grandes animatrices basques, Begoña Vicario et Izibene Oñederra. Qu'ajoutent au film leur présence et leur travail ?
Tous sont là pour des raisons émotionnelles. Je suis assidûment Mary Beard. J’ai lu son texte sur les femmes et le pouvoir, et il m'a semblé qu'il devait être dans le film. Paul B. Preciado a donné une conférence à Donosti qui parlait des utopies, et ses mots m'ont aidé à approfondir le sens paradoxal de l’utopie féministe qu'a proposé Rokeya Hossain. Un autre personnage important est le père d'Inès, Roberto Bessi, un des producteurs de la série italienne mythique Sandokan, réalisée dans l’Inde des années 1970. Roberto est un rêveur de première catégorie, alors il fallait qu’il figure dans ce film qui parle de l’importance des rêves. Bego et Izibene sont des artistes qui m'inspirent dans mon travail, ainsi que des amies et des personnes que j’admire et que j’aime profondément. Je voulais qu’elles soient avec moi dans cette aventure.
(Traduit de l'espagnol)
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