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BLACK NIGHTS 2023 Compétition films baltes

Triin Ruumet • Réalisatrice de Dark Paradise

“Les choses négatives peuvent être amusantes”

par 

- La réalisatrice estonienne défend l'idée d'affronter ses peurs à travers l'histoire d'une soeur et d'un frère qui gèrent leur deuil de manière peu habituelle

Triin Ruumet • Réalisatrice de Dark Paradise

Dans Dark Paradise [+lire aussi :
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, son deuxième long-métrage après The Days That Confused [+lire aussi :
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interview : Triin Ruumet
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, la réalisatrice estonienne Triin Ruumet se penche sur le cas de Karmen (Rea Lest) et son demi-frère Victor (Jörgen Liik), qui accusent tous deux le coup de la mort de leur père de manières assez inhabituelles. Ils se tournent vers le sexe, la violence et des gens qui n’ont pas franchement leurs intérêts à cœur, mais après tout, qui a dit qu’il n’y avait qu’une manière de faire son deuil ? Ruumet nous en dit plus sur son film, projeté dans le cadre de la Compétition balte du Festival Black Nights de Tallinn.

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Cineuropa : Vous n’y allez pas de main morte dans ce film. D'un coup, le deuil conduit à la zizanie, à des rituels étranges et à une quête d'intimité dans des lieux peu communs.
Triin Ruumet : C’est un peu dérangeant, donc je suppose que pour certaines personnes, Dark Paradise peut être dur à digérer. Cela dit, les expériences dérangeantes peuvent servir de portail vers quelque chose de nouveau. On peut découvrir quelque chose sur soi qu'on avait cherché à ignorer avant. Tout le monde vit forcément des périodes sombres dans sa vie : je ne pense pas qu’on puisse trouver ne serait-ce qu’une personne qui serait parvenue à complètement l’éviter. C’est dur, évidemment, mais avec un peu de chance, traverser cela peut nous enseigner quelque chose d’intéressant.

Pour moi, le film parle de la quête de quelque chose, au moins dans le cas de Karmen. Elle veut sentir quelque chose, n’importe quoi.
Il y a ce désir de se trouver soi-même, en fait, de se remettre en contact avec son soi profond, même quand ce n’est pas facile. Pendant un temps, elle est vraiment perdue. Il y a tellement de choses que nous ne voulons pas voir ; c’est intéressant de voir ce qui se produit quand nous sommes soudain obligés de nous y confronter. Le frère de Karmen, Victor, symbolise cette lutte. Ces problèmes reviennent, encore et encore, jusqu’à ce qu’on apprenne à reconnaître qu'ils existent. C’est assez simple : il faut faire face à ses peurs, parce que ce n’est qu'alors qu'on a une petite chance qu'elles disparaissent enfin.

Je qualifierais ce que vous faites de cinéma "baroque" : vous ne vous limitez pas en essayant de rendre les choses subtiles. Est-ce que ça a été libérateur, d’une manière ou d’une autre ?
Je suppose que "baroque" est un des mots-clés ici, à moi aussi ça m'est venu à l'esprit. Si je devais décrire mon monde intérieur à quelqu’un, c’est aussi comme cela que je l'appellerais. Ce genre de style me vient naturellement, tout simplement, bien que je ne sache pas si mon prochain film sera également comme ça. Peut-être qu'il ira dans une autre direction. Peut-être que je vais y aller à fond et faire un Malevitch [Kasimir Malevitch est un artiste d'avant-garde].

Vos acteurs espéraient-ils montrer aussi les aspects plus tendres de leurs personnages, ou est-ce qu’ils ont compris que ça ne leur aurait pas ressemblé et qu'ils n'avaient pas à être aimables ?
Nous parlions beaucoup de la mentalité de Karmen et Victor et de leur psychologie, mais nous ne nous sommes jamais souciés de les rendre plus aimables. Pour certains spectateurs, ça pourrait être un problème (il est difficile d’avoir de l’empathie pour Karmen, par exemple, car elle peut faire l’effet d’être passive-agressive). Elle est en dépression et porte tout cela en elle depuis très longtemps. Je crois qu’on peut faire des films sans penser de cette manière. Après tout, il y a des moments dans la vie où on ne s'aime même pas soi-même !

Ces moments de comédie grincante devaient être là parce que sinon, ç’aurait été trop tragique, mais je n’ai jamais senti de pression m'engageant à créer des moments de détente juste pour alléger un peu la douleur. Ça s’est produit tout seul, dès l’écriture  [Ruumet a écrit le film avec Andris Feldmanis et Livia Ulman], et à ce stade, j'ai appris à me fier à mon instinct.

En chemin, les deux personnages croisent beaucoup de figures singulières. A-t-il été difficile de vous assurer que toutes ces rencontres s'inscrivent dans le même univers ?
Tous ces personnages avaient des histoires de fond assez complexes, quoique les acteurs et moi soyons les seuls à les connaître. Nous en savions beaucoup plus que ce nous montrons à l’écran dans le film fini. Ça fait partie, ça aussi, de cette manière "baroque" de penser que j'ai : ces figures restent inexpliquées. J’aime quand les choses ne sont pas claires d'emblée. J’aime le mystère, chez les gens aussi. Il y a une vérité là-dedans, parce qu’on ne connaît jamais totalement n'importe qui d'autre. J’irais même plus loin : beaucoup de gens ne savent pas qui ils sont.

Le film est sombre sur le plan visuel également. Je ne pense pas qu'on y voie de couleurs vives ou de lumière directe du soleil.
Je voulais que les couleurs soit passées mais opulentes tout de même, comme dans le cas des teintes de bordeau bien profond. Je voulais que l'ensemble fasse l’effet d'un univers fermé, un peu isolé…

Et un peu séduisant aussi ?
Avant de faire quelque chose de mal, généralement, on sait déjà que ce n’est pas bien, mais on veut quand même le faire. Pourquoi ? Parce que les choses qui ne sont pas bien peuvent être amusantes.

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(Traduit de l'anglais)

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