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LES ARCS 2023

Frédéric Boyer • Directeur artistique, Les Arcs Film Festival

"On ne veut pas voir de films formatés"

par 

- Le sélectionneur du festival alpin décrypte le Work in Progress qui se déroulera le 17 décembre et donne son point de vue sur la conjoncture pour le cinéma d’auteur

Frédéric Boyer  • Directeur artistique, Les Arcs Film Festival

À trois jours du démarrage du 15e Les Arcs Film Festival (lire l’article) et de son Industry Village qui inclut notamment le toujours très attendu Work in Progress (WiP) avec cette année 13 films au menu (news), rencontre avec le directeur artistique du festival, Frédéric Boyer (également en poste à Tribeca et à Reykjavik).

Cineuropa : 181 films ont candidaté cette année au Work in Progress des Arcs. Que vous inspire ce record ?
Frédéric Boyer :
C’est même un peu plus qu’un nombre record car jusqu’à ces deux ou trois dernières années, énormément de documentaires étaient candidats à notre Work in Progress, ce qui n’est plus le cas : les producteurs ont compris qu’on ne sélectionnait pas plus d’un documentaire, que leurs chances étaient beaucoup plus limitées. Donc nous recevons moins de documentaires et plus de fictions. Parmi ces dernières, il y a néanmoins beaucoup de films qui se ressemblent dont, comme les années précédentes, un grand nombre de premiers longs sur le thème du "coming of age". C’est presque devenu une convention ! Il y a eu aussi cette année un peu moins de films candidats issus du Sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Bulgarie, Géorgie, etc.) : c’est étonnant mais peut-être qu’il y a quand même des films de qualité dans ces pays qui ont simplement déjà un vendeur international. En revanche, le cinéma scandinave semble cette année en net regain de forme.

Que peut-on attendre des 13 films du Work in Progress de cette année ?
Les Arcs est le dernier festival européen de l’année, donc les professionnels viennent pour découvrir des films visant les festivals de catégorie A de l’année suivante : Cannes, Karlovy Vary, Locarno, Venise ou Sundance comme c’est le cas pour Veni Vidi Vici de Daniel Hoesl que nous avions présenté l’an dernier au Work in Progress et qui vient d’être sélectionné dans la compétition World Cinema Dramatic.

Nous essayons d’écouter à la fois les sociétés de ventes et les programmateurs des festivals. La sélection de cette année est sans doute un peu plus ouverte au public, il n’y a pas uniquement des films "arthouse". En ce moment, il y a comme un retour de balancier : les vendeurs cherchent des films qu’ils sont quasiment sûrs de pouvoir vendre. Ils prennent beaucoup moins de risques, ils ne veulent plus s’occuper de 12 films dans l’année, ils préfèrent en avoir de 4 à 6 et très bien les travailler. Certes, il existe encore quelques vendeurs avec de très gros line-up, mais ce n’est pas la tendance.

Pour notre sélection, nous essayons de diversifier les styles, les histoires, les imaginaires, mais aussi d’avoir des films bien produits, qui ont de l’allure. Et nous donnons évidemment la priorité aux films réellement "in progress" car nous avons aussi reçu de films de qualité mais qui avaient été finis en juin. Or, si on nous les montre en septembre, cela signifie qu’ils ont déjà été montrés ailleurs... Nous essayons d’avoir de films qui sont en train ou qui finissent de tourner, et aussi des jeunes talents avec de nombreux premiers films. Mais nous avons aussi quelques auteurs déjà très bien identifiés comme Marie Losier ou Jeppe Rønde. Nous avons eu un bel éventail de choix car beaucoup de cinéastes et de producteurs attendent Les Arcs en espérant être sélectionné au Work in Progress. Cela leur permet d’ouvrir une brèche quand ils sont issus de "petits" pays et on constate aussi que ce n’est pas facile pour certains de boucler le financement afin de finaliser les films car l’économie du cinéma d’auteur est globalement plus difficile.

Le cinéma d’auteur peut-il encore trouver son public ?
Les cinéastes les plus valorisés ce deux dernières années, Yorgos Lanthimos et Ruben Östlund, sont de purs produits du cinéma d’auteur et aussi des cinéastes qui prennent des risques. On ne veut pas voir de films formatés et si on ne parie pas sur un film, on parie sur un cinéaste. Ce qui est super, c’est le succès d’Aftersun [+lire aussi :
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, un tout petit budget, l’histoire d’un père et de sa fille : on pouvait se demander qui cela allait intéresser, or cela a intéressé le monde entier. La période est difficile mais il y a donc quand même de l’espoir : beaucoup de gens attendent ces films là.

Le "crossover" est-il une clé d’avenir pour les films d’auteur ?
C’est avant tout ce que cherchent les vendeurs : des films un peu thriller mais qui soit en même temps de très beaux portraits de personnages, des films qui multiplient le pistes et qui ne soient pas uniquement des films de genre bien que les genres soient aussi très appréciés.

Quid du débat plateformes versus salles ?
À l’intérieur [+lire aussi :
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bande-annonce
interview : Vasilis Katsoupis
fiche film
]
de Vasilis Katsoupis, qui est passé par le Panorama de la Berlinale, figure actuellement les films les plus visionnés sur Netflix aux États-Unis. Pour un film d’auteur grec, c’est énorme, même s‘il y a Willem Dafoe au casting ! Pour les vendeurs, les plateformes sont une vraie opportunité car c’est plus difficile du côté des distributeurs salles qui sont limités pour ce genre de films, même si avec le bon festival et des prix, tout est toujours possible.

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