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IFFR 2024 Compétition Tiger

Julia De Simone • Réalisatrice de Formosa Beach

“Ce film est vraiment venu du coeur”

par 

- Dans ce deuxième volet de la trilogie de la réalisatrice brésilienne, le passé est le présent, et vice versa

Julia De Simone • Réalisatrice de Formosa Beach

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, deuxième partie de sa trilogie, projeté à Rotterdam dans la compétition Tiger, Julia De Simone s'intéresse de nouveau à la zone portuaire de Rio de Janeiro, où les nouvelles constructions ne peuvent pas complètement effacer les fantômes du passé, y compris celui de Muanza (Lucília Raimundo), une victime de trafic humain arrivée au Brésil au XIXe siècle qui se réveille soudain dans le présent.

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Cineuropa : Vous flottez ici entre différentes périodes, en opérant un certain brouillage. Un personnage du passé rencontre quelqu’un qui porte un T-shirt contemporain, par exemple. C'est très fluide.
Julia De Simone : C’était probablement la chose la plus dure à obtenir. Notre idée était d’écrire un scénario inspiré par cette vision cyclique du temps, avec ses méandres et rebondissements. Quand je regarde ce lieu de Rio, j'y vois une foule de strates temporelles qui coexistent là, toutes en même temps. Le passé influe sur le présent, et probablement aussi sur l’avenir. Passé, présent et futur se modifient constamment entre eux.

Vous avez déjà parlé de ce port dans votre travail. Vous souvenez-vous pourquoi il a happé votre attention ? Ils sont intéressants, ces endroits toujours en mouvement. Les gens vont et viennent.
Ça fait dix ans déjà que je tourne là-bas. J’ai commencé en 2012, je crois, quand l'endroit était en pleine transformation. L'idée, à l’époque, était de rendre Rio "international" et d'être prêts pour tous les grands événements qui allaient s'y tenir, et plus généralement de s’ouvrir, mais bien sûr, dès que nous nous sommes mis à y regarder de plus près, nous avons vu quelque chose de complètement différent. Le passé du lieu n'avait pas disparu.

D’abord, j’ai fait un court-métrage intitulé The Harbour qui a aussi été présenté à Rotterdam, et puis j’ai continué de tourner. Mes recherches m’ont aidée à comprendre que la raison, derrière toutes ces constructions, c’était une volonté de tenter d'effacer une part de l'histoire du lieu. Ce port a été un repère important pour le commerce des esclaves : c’est par-là que passaient beaucoup de gens venus d’Afrique. Nous nous sommes alors demandé comment nous allions pouvoir raconter une histoire qui n'est pas dans les livres officiels.

Pourquoi cherchait-on à l'effacer, selon vous ? Parce que ça met les gens mal à l’aise ?
Nous ne sommes pas prêts à assumer cet héritage esclavagiste, ni son souvenir, ni les nombreuses manières dont il continue d’affecter qui nous sommes maintenant. Il est plus facile de s'accrocher à l’idée de "progrès" et d’essayer de construire quelque chose qui soit tourné vers le futur. C'est ce qu'on fait, au lieu de prendre le temps de comprendre qui nous sommes et de quoi nous sommes faits.

C’est un lourd héritage, mais vous ne victimisez pas vos personnages : elles sont fortes, et forment même des alliances.
La partie violente de cette histoire, on la connaît déjà. Ce que nous ne connaissons pas, ce sont les histoires de résistance, d’affection et de soutien mutuel, mais si nous sommes ici aujourd’hui, c'est parce que des gens ont pu résister et parce qu’ils ont pu créer des liens. Je ne voulais pas raconter une histoire douloureuse de plus. Ce que je voulais, c'était plutôt prouver qu’ensemble, nous pouvons bâtir quelque chose de différent. L’histoire de ces femmes et de leur sororité nous montre ça. Elles résistent, depuis longtemps, et à un moment, elles arrivent à tourner la page : elles peuvent tout recommencer, apprendre à se connaître de nouveau les unes les autres de manière complètement différente. C’est une histoire de deuxième chance.

Est-ce que ces femmes sont inspirées de personnes réelles ou sont-elles des composites créés à partir de vos recherches ?
Nous les avons inventées, mais bien sûr, nous nous sommes inspirés de tout ce qu'on a appris et des recherches qu'on a faites. Le film est une combinaison d'éléments fictionnels et de choses relativement bien documentées. Nous avons parlé à des gens de cette zone. Ce n’est pas une histoire entièrement vraie, mais il y a quelque chose de vrai dedans. Et puis ce qui nous intéressait surtout, c'était ce qu'on pourrait exprimer, ressentir. Ça va au-delà de ce qu'on peut comprendre rationnellement.

Beaucoup de scènes sont confinées dans des petites pièces, mais plus tard, leur univers s'élargit.
Leur combat était caché aux yeux monde, donc pas évident à montrer – comme je l’ai dit, il ne fait pas partie de l’histoire officielle. Il avait lieu dans les foyers. Nous ne sommes pas habitués à penser à l’époque coloniale dans ces termes, mais très souvent, c'était ça : une sororité qui se développait entre quatre murs. Il fallait que ça fasse intime dans le film.

En effet, vous aimez montrer vos personnages en gros plan. On dirait que vous cherchez des signes de leur humanité.
Le film est vraiment venu du cœur, et je pense qu'on peut le voir dans les petits détails, les petits gestes. Ça permet de comprendre ce qu’elles ressentent. Quand quelqu’un tresse vos cheveux, ça n’a rien de spécial a priori, mais dans ce cas précis, c’est une référence à leur culture et à leur héritage. C’est comme cela qu’elles s'échappent de leur situation.

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(Traduit de l'anglais)

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