Mascha Halberstad • Réalisatrice de Renard et Lapine sauvent la forêt
“Il faut prendre les enfants au sérieux”
par Marta Bałaga
- BERLINALE 2024 : La réalisatrice nous parle de son nouveau film, un titre riche en rebondissements où les références à Apocalypse Now courent dans tous les sens

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fiche film], très apprécié du public, montre dans Renard et Lapine sauvent la forêt [+lire aussi :
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fiche film] ce qui se passe quand un renard et un lièvre sauvent la forêt, comme l'indique le titre. Dans ce titre, présenté à Berlin dans la section Generation Kplus, ils doivent toutefois se dépêcher, parce que le méchant Castor est en train de construire un barrage géant qui fait monter rapidement le niveau de l'eau. Heureusement, en pleine pagaille, il reste encore un peu de temps pour faire la fête.
Cineuropa : Ce film est assez différent de Oink, principalement à cause des images de synthèse, qui gardent néanmoins quelque chose de "physique".
Mascha Halberstad : Oui, on dirait un peu du stop motion avec des figurines. Ce projet-ci est très différent, c'est sûr. Oink partait de ma propre initiative alors que cette fois, on m'a demandé ce film, comme j'ai fait une série à partir des mêmes albums. En discutant avec mon co-réalisateur sur la série, j'ai voté pour la faire en 3D, car je me disais que la 2D serait trop semblable aux illustrations des livres. Nous avons fait ce film en adoptant exactement le même style.
Je ne connais pas les livres, mais dans le film, tous les personnages ont leurs petites singularités. La chouette est obsédée par son joujou, Tusk porte des sous-vêtements scandaleux.
Je pense que j'ai grossi ces traits distinctifs. Pour Tusk, j'ai dit à l'acteur qui fait la voix [Rob Rackstraw] : “On dirait un peaussier allemand". Il lui a donné l'accent qu'il a maintenant, et ça m'a fait marrer. La même chose s'est produite avec plein de personnages. Je voulais que Castor soit quelque part entre Donald Trump et Owen Wilson [rires]. La moitié des trouvailles sont venues de l'improvisation, de petites plaisanteries. Quand les voix sont géniales, l'animation n'en est que plus drôle et tout le film en bénéficie.
“Donald Trump rencontre Owen Wilson” : c'est désopilant, mais en réalité, on comprend bien ce que vous entendez par là. Les problèmes et faiblesses de ces créatures donnent souvent l'impression qu'elles appartiennent au monde des adultes.
Je suis tout simplement incapable de faire des films qui ne s'adressent qu'aux enfants. Je n'y arrive pas ! La série a commencé comme une émission pour petits de maternelle mais évidemment, dès que j'ai rallié le projet, cette idée est tombée à l'eau. Il faut qu'on représente des problèmes d'adultes là-dedans. Mon fils a 18 ans maintenant, mais par le passé, je n'allais voir avec lui que des Pixar, en sachant que j'allais bien m'amuser. Je sais ce que ça fait, d'être un parent assis au cinéma qui se dit : "Oula, mon dieu !".
Sentez-vous une pression par rapport aux messages écologistes qu'il faudrait formuler ? Oink traitait aussi de problèmes très actuels.
Et après, tout le monde pensait que j'étais une cinéaste végane, alors que ce n'est pas le cas : je mange encore des saucisses. Je ne disais à personne d'arrêter de manger de la viande dans le film ; je montrais juste d'où elle vient. C'est pareil ici. Le film fait très actuel parce qu'aux Pays-Bas, le niveau de l'eau a monté dangereusement, cet hiver. Ça va être un gros problème, et le film en rend compte. Ce n'est pas moi qui ai choisi cette histoire, mais je pense que les producteurs l'ont fait précisément pour cette raison. Dans trente ans, à moins qu'on ne réagisse, la moitié du pays pourrait bien se retrouver sous l'eau. Donc oui, ce message est là, mais j'espère qu'il n'est pas trop évident. J'aime bien les revirements d'intrigue bizarres qui vous amènent au dénouement heureux. Nous savons tous comment ça marche, dans ces films, il faut bien qu'ils donnent quelques leçons, mais je ne peux pas le faire de manière "normale", je ne saurais pas vous dire pourquoi. C'est peut-être parce que je n'aime pas les règles : si on me dit de faire comme ci ou comme ça, je cherche toujours une autre manière de procéder.
Aviez-vous des références vintage ? La chanson fait un peu années 1980, et le méchant pourrait être un méchant à la James Bond.
C'est vrai ! Quoique dans une autre version du scénario, il était plus comme Marlon Brando dans Apocalypse Now.
En voilà une autre référence géniale pour un film pour enfants !
Je l'ai gardée, à vrai dire : quand Castor sort de l'eau, ça évoque cette scène iconique, avec Martin Sheen, mais j'ai toujours vu son antre comme un lieu à la Bond qui semble tout droit tiré de Goldfinger. Ou bien prenez les rats qui l'aident : pour eux, j'ai pensé à Peaky Blinders.
Au scénario, pendant très longtemps, le castor faisait un peu monolithique. Je voulais ajouter quelque chose à ce personnage et puis j'ai eu l'idée d'ajouter, au moment où il fait enfin visiter sa tanière aux animaux, une chanson. Il est tellement narcissique qu'il fallait quelque chose de plus, quelque chose d'exagéré. Mon compositeur, André Dziezuk, a développé le reste de la musique autour de ça. J'aime bien quand la musique fait un peu adulte, quand elle apporte quelque chose de plus à l'histoire et peut être prise au sérieux. Les enfants aussi, il faut les prendre au sérieux.
(Traduit de l'anglais)
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