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BERLINALE 2024 Generation

Aslı Özarslan • Réalisatrice de Elbow

“La jeune génération cherche des réponses et veut qu'on lui rende le contrôle : j'ai bon espoir pour eux”

par 

- BERLINALE 2024 : Dans ce film, tiré du roman de Fatma Aydemir, un jeune fugueur apprend des vérités pas faciles à entendre, et se libère

Aslı Özarslan • Réalisatrice de Elbow

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interview : Aslı Özarslan
fiche film
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, tiré d'un roman de Fatma Aydemir, nous présente Hazal (Melia Kara). Elle n'arrive pas à trouver un emploi, et on ne la laisse jamais tranquille : elle ne devrait pas trop rêver, lui répète-t-on. Le soir de son 18e anniversaire, un videur refuse de la laisser entrer en boîte avec ses amies. C'est le rejet de trop qui la fait basculer. Très vite, Hazal se retrouve à fuir Berlin pour rallier Istanbul. Voilà ce que raconte le film d'Aslı Özarslan, présenté à Berlin dans la section Generation 14plus.

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Cineuropa : Vous n'hésitez pas à être un peu dure, mais après tout, c’est ça, la réalité de cette fille. Est-ce que c'était déjà dans le roman ?
Aslı Özarslan : Le plus important était de la montrer telle quelle, sans compromis, même si ça met mal à l’aise. Elle peut être agaçante parfois. Je voulais qu’elle soit elle-même, c'est tout, car à Berlin, elle n'y est pas autorisée. Dès qu’elle fuit pour Istanbul, tout change.

Le roman a de nombreux niveaux de lecture, mais je voulais me concentrer sur les questions suivantes : qui est-elle ? Qui pourrait-elle être ?. Elle a du potentiel, ce qui m’a fait ressentir de l'empathie pour elle : dans notre société, il y a des tas de jeunes gens qui ont du potentiel, mais qu'il s'exprime ou reste lettre morte dépend souvent de la situation financière familiale, par exemple. Ça me rend triste. Il y a de la colère en elle ; il fallait que tous les autres ressentent cela aussi.

Cette question sur l’identité est cruciale, parce qu’elle n'est à sa place nulle part. Elle est étrangère en Allemagne comme en Turquie, mais elle essaie de comprendre quel endroit à plus à lui offrir.
C’est dur de constater que la division entre riches et pauvres demeure, parce que ce fossé continue de s’élargir, ou de continuer de subir le racisme, d'autant que les idées de droite ont de plus en plus de poids. Les jeunes d'aujourd’hui ont des tonnes de problèmes à gérer. Elle sait que quelque chose ne va pas, mais elle ne sait pas encore ce que c’est. Elle essaie de trouver sa voie et de se frayer un chemin dans cette jungle. Ce que j’ai vraiment aimé dans le roman, c'est ce glissement soudain : une fille apparemment impuissante reprend le contrôle de sa vie.

C’est vrai, mais c’est lié à quelque chose de mal, sans conteste, ce qui donne au film un côté plus sombre.
C’est le sentiment que je voulais, et je voulais avoir ce débat. Hazal n’est pas "l'immigrée parfaite" que la société aime voir, mais elle n’est pas la victime parfaite non plus. Elle n’a jamais voulu que les choses tournent ainsi, elle ne l’a pas fait exprès. Tourner la page ne va pas être facile, mais il faut qu’elle trouve son chemin.

Toutes ces émotions vont forcément exploser, à un moment. Je pense qu’on reste néanmoins plus habitués à voir ce genre d’explosion de la part d'hommes. Quand avez-vous décidé de montrer de la violence chez des jeunes filles, et comment avez-vous voulu aborder cela ?
Cette tragédie lui donne une excuse pour laisser tomber toutes les limites et contraintes dans lesquelles elle vivait. Sans cet accident, elle ne serait jamais allée en Turquie. La violence est principalement connectée aux hommes, mais cette fille ne veut plus être une victime. Elle atteint un point où elle dit : "Non, ça suffit. Qu'est-ce qui vous fait penser que vous pouvez nous malmener ?".

Pas étonnant : il y a tellement de déceptions dans sa vie (émotionnelle, sexuelle…). Elle est jeune et elle devrait être insouciante, mais ce sentiment est vraiment absent.
Elle se sent seule. Elle a des amies et elle les adore, mais elle sait que chacune va prendre sa propre voie. C’est dur, quand on n'arrive pas à voir un futur pour soi-même, et qu’on ne se sent pas soutenu par sa famille, ses amis ou la société. Ça la rend triste. Quand vos parents viennent d’une réalité différente, et que ce système est la seule chose qu’ils connaissent, c’est dur pour eux d'imaginer que leurs enfants puissent réussir autrement. Hazal sait déjà qu'il ne s'agit pas d’être la meilleure ou de travailler dur : parfois, on ne peut tout simplement pas franchir la porte parce qu'elle est trop bien gardée. Ceci étant dit, je voulais que le film contienne aussi de l'espoir, parce que cette jeune génération existe qui cherche des réponses et veut reprendre les rênes de leurs vies. J’ai de l’espoir pour ces jeunes gens.

Il est vrai qu’elle apprend, lentement, mais elle apprend. On le comprend quand elle dit : "Je voulais juste qu’il dise pardon".
Ce n’est pas comme si elle ne regrettait pas ce qui est arrivé. Peut-être que si sa tante lui parlait différemment… La tante représente la société : elle la juge aussi. Il y a quelque chose de décevant dans cette interaction. Le film n’est pas le "récit d’apprentissage" typique. Hazal apprend beaucoup, mais elle apprend aussi à s'accepter elle-même, avec sa colère.

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(Traduit de l'anglais)

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