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BERLINALE 2024 Panorama

Myriam El Hajj • Réalisatrice de Diaries from Lebanon

“J'étais au coeur des événements, je les vivais avec mes personnages”

par 

- BERLINALE 2024 : La réalisatrice nous en dit plus sur le tableau qu'elle propose des épreuves qu'a traversées la société libanaise ces dernières années

Myriam El Hajj • Réalisatrice de Diaries from Lebanon
(© Dario Caruso/Cineuropa)

À l'occasion du 74e Festival de Berlin, Cineuropa s'est entretenu avec la réalisatrice libanaise Myriam El Hajj, qui a passé des années à filmer son pays pour constituer un tableau des épreuves traversées par cette société. Diaries from Lebanon [+lire aussi :
critique
interview : Myriam El Hajj
fiche film
]
a été projeté dans la section Panorama.

Cineuropa : Aviez-vous décidé dès le départ de donner à votre film la forme d'un journal intime narré par vous en voix off ?
Myriam El Hajj :
Au début, je ne savais pas que je serais dans le film. Les personnages étaient pour moi tellement présents (et d'une manière très belle, aussi) que je n'avais pas ma place dans le film. Et puis j'ai commencé le montage, et 300 heures de rushes qu'on a réduit à quatre ou cinq heures de film. Je me suis demandé : "Comment couper ça ? Comment créer une ellipse ?”. Et c'est là que j'ai eu l'idée de la voix off. J'avais aussi le sentiment d'avoir plus à dire dans ce film que ce que je dis à travers les personnages.

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Quand vous parlez, on a le sentiment que vous décrivez avant tout ce que c'est que de vivre constamment sous pression, dans le stress. Ça fait des années que la situation au Liban est difficile : il ne s'agit pas d'un seul événement qui serait maintenant terminé.
J'ai trouvé ce sujet profondément émouvant : comme vivre une vie quotidienne normale dans ces circonstances ? Et c'est comme ça que le titre est venu. Je ne voulais pas écrire une voix off juste pour donner des informations au public : je voulais ajouter mon point de vue sur les événements. Au moment de la révolution, j'étais tellement heureuse. Ça a été le meilleur moment de ma vie. Certaines des choses que je dis dans le film viennent du futur : la Myriam qui parle en sait un peu plus que la Myriam qui a pris part aux événements.

Beaucoup de choses ont changé au Liban depuis le début du tournage de ce film. Votre appréhension des choses a-t-elle évolué avec le passage du temps ?
Au début, je ne savais pas que le pays était en train de s'écrouler. Je ne l'ai compris que plus tard. Ce que je savais, c'est que j'étais en train de faire un film sur trois personnages dont au moins deux (les femmes) se battent pour survivre, pour changer les choses, et elles continuent de rêver à ce changement. C'est ça, la force du film. J'ai compris ça très vite, mais je n'avais pas un point de vue qui me soit propre sur tout cela, parce que j'étais au coeur des événements et les vivais avec mes personnages.

Il y a trois personnages principaux : la jeune artiste Perla, la femme politique Joumana et George, un vieil homme qui a participé à la guerre civile. Diriez-vous qu'ensemble, ils représentent l'identité collective libanaise ?
Pour moi, oui, mais je n'ai pas choisi ces personnages pour ça : je ne me suis jamais dit que je voulais quelqu'un de libéral et quelqu'un qui ait connu la guerre civile. C'est plus le film qui a "choisi" ses personnages. Par exemple, pendant les élections, je filmais de nombreuses personnes du même parti, pas seulement Joumana. Elle est devenue un personnage central parce que c'est la seule qui a gagné les élections et s'est fait éjecter le lendemain. Mais bien sûr, elle incarne aussi une génération qui ne veut plus de la politique sectaire et qui est féministe. De l'autre côté du spectre, Perla représente la jeune génération qui ne comprend rien de la guerre. Ses parents ne lui ont pas expliqué ce qui s'est passé. Quand elle est née, le personnel politique au pouvoir était le même. Elle ne comprend pas pourquoi ces gens sont encore là, à nous gâcher la vie.

Vous discutez de ce qui s'est passé pendant la guerre civile avec George, notamment du massacre du bus qui a tout déclenché. À présent, ces événements sont enveloppés de silence.
Les seigneurs de la guerre d'alors sont encore au pouvoir et ils ne veulent pas parler du passé, donc c'est un tabou. La guerre civile n'est pas mentionnée dans les livres d'histoire parce qu'au Liban, ceux-ci s'arrêtent au moment où elle commence. Ainsi, nous n'en parlons jamais publiquement et quand nous le faisons, c'est parce que nos parents y ont pris part et qu'ils nous ont livré des bribes d'informations sur la question. Mais la révolution a été un tournant et la génération de Perla, née après la guerre, s'est mise à poser des questions du type : "Pourquoi élisons-nous les mêmes personnes ? Nous savons que ces gens ont du sang sur les mains, alors pourquoi sont-ils toujours au pouvoir ?". Et ce que je voulais aussi dire dans le film, à travers George, c'est que le passé n'est pas raconté correctement. Au Liban, personne ne le connaît ni ne connaît la part de responsabilité qu'il a eue dans l'incident du bus. Et je ne suis pas sûre que ce qu'il dise est vrai, parce que le passé est vraiment flou.

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(Traduit de l'anglais)

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