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CANNES 2024 Séances Spéciales

Yolande Zauberman • Réalisatrice de La Belle de Gaza

"Trouver la lumière dans la nuit"

par 

- CANNES 2024 : La cinéaste française parle de son nouveau documentaire qui boucle, après Would You Have Sex with an Arab? et M sa trilogie dans la nuit israélienne

Yolande Zauberman • Réalisatrice de La Belle de Gaza
(© Philippe Quaisse/Unifrance)

De retour sur la Croisette où elle avait présenté en 1989 le documentaire Une caste criminelle et en 1993 son premier long de fiction (Moi Ivan, toi Abraham), la cinéaste française Yolande Zauberman nous parle de son nouveau documentaire, La Belle de Gaza [+lire aussi :
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interview : Yolande Zauberman
fiche film
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, qui sera dévoilé en séance spéciale au 77e Festival de Cannes.

Cineuropa : Après Would You Have Sex with an Arab? [+lire aussi :
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(Venise Orizzonti 2011) et M [+lire aussi :
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(prix spécial du jury à Locarno en 2018 et César du meilleur documentaire 2020), La Belle de Gaza est le
3e volet d’une trilogie dans la nuit israélienne. Comment est né le projet ?
Yolande Zauberman : Dans M (ndr : qui traite des enfants violés en milieu hassidique), comme Menachem était très attiré par les femmes trans, j’ai organisé une scène où il échangeait sur sa sexualité avec Talleen Abu Hanna qui était Miss Trans Israël. Cette scène s’est révélée très importante pour le film car elle amenait non seulement du rêve, mais aussi l’idée qu’on pouvait se reconstruire à partir d’une blessure et qu’on pouvait se réinventer. À un autre moment du tournage, alors que je filmais Menachem, nous avons vu une très belle femme trans passer, mais le temps pour Menahem de sortir de la voiture, elle s‘était enfuie. Menachem m’a dit "C’est terrible, mes parents ne m’aiment pas, mes enfants ne m’aiment pas, et même les femmes trans ne m’aiment pas". Donc, je suis allée dans la rue Hatnufa, à Tel-Aviv, pour filmer une jeune femme trans qui s’enfuirait comme ça, de dos. Et là, j’ai filmé trois jeunes femmes arabes avec qui mon compagnon, qui parle arabe, a discuté. En revenant à Paris, il m’a dit : "tu sais, l’une d’elles est venue à pied de Gaza". Cette idée ne m’a plus quittée et j’ai décidé de chercher cette femme.

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Étiez-vous certaine que cela aboutirait à un film ?
Je dis toujours aux producteurs que je crois que je tiens un film, mais que je ne peux pas l’affirmer avant de commencer. Ensemble, on prend le risque. On est dans quelque chose qui doit devenir évident et qui doit devenir aussi le désir, pas uniquement le mien, mais aussi des gens que je filme. Je suis donc allée dans la rue à Tel-Aviv, j’ai cherché La Belle et je filmais la recherche, donc cela s’est passé sur longtemps. Mais je me suis dit assez vite qu’il y avait un film quand j’ai vu comment les filles jouaient avec moi et comment je pouvais jouer avec elles.

Comment avez-vous réussi à entrer dans l’intimité de ces femmes ?
C’est depuis toujours comme cela : les gens viennent me raconter leurs histoires. Il y a quelque chose de très proche et parfois je m’enfuis parce que je ne peux pas porter toutes les histoires. Je crois aussi beaucoup au double rythme : quelque chose d’ancien qui se mélange à quelque chose de nouveau, quelque chose qui existe depuis longtemps et quelque chose qui se dit spontanément. Je trouve que c’est cela, la modernité. Et ces filles, je les avais filmées au moment de M, donc cela faisait longtemps que l’on était dans la vie les unes des autres. Et c’est pareil pour Talleen. L’intimité était beaucoup plus profonde, nous avons eu le temps de la confiance.

Ces femmes ont des parcours de vie très durs, mais vous réussissez à capter leur lumière. Est-ce que votre film est une sorte de thérapie pour elles ?
Je n’ai jamais voulu filmer les gens comme des victimes. Dans les anciens temps, les femmes trans étaient des déesses et j’avais envie de leur redonner cette place. Toute la lumière qu’elles portaient, je voulais qu’elle soit là. En fait, si je filme la nuit, c’est parce que j’ai envie de trouver la lumière dans la nuit et parce que la nuit, on prend le temps. Je trouve que les nuits documentaires sont les plus belles du cinéma car on est obligé de prendre le risque de la nuit et le risque d’être au bord de la disparition et de l’apparition. Pour ces femmes, je pense que cela a été un parcours très important : l’une est devenue religieuse et s‘est mise à porte le hijab pendant le tournage du film, une autre a quitté la rue pour devenir maquilleuse-coiffeuse, Nadine qui a arrêté la rue et la drogue est retournée vivre dans sa famille. Ces filles ont un potentiel génial, mais il y a peu de place offerte aux femmes trans. Et c’est pour cela que l’histoire de Talleen est fantastique car elle a tout retrouvé en devenant un personnage connu en Israël et une espèce d’icone dans le monde arabe. Cela veut dire qu’il y a quelque chose de possible, de l’espoir. Le Moyen-Orient est un endroit où l’on ne sait jamais où vous allez atterrir quand vous frappez à une porte : cela peut être plein d’humanité ou plein d’inhumanité.

Quid de la complexité de la société israélienne avec toutes ses strates, ses religions, etc. ?
C’est le fond du tableau. Je fais des films miroir, de films qui nous regardent, des films qui nous apprennent des choses sur nous, sur la liberté, sur qu’est-ce que c’est que devenir soi-même, à quel point ces chemins difficiles ont fait que ces femmes ont un regard extraordinaire sur la vie, sur le monde, sur ce qui les entoure.

Votre film arrive au moment où Gaza est au centre de toutes les attentions.
Cela n’a rien à voir, mais cela a à voir aussi.

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