email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2024 Quinzaine des Cinéastes

Thierry de Peretti • Réalisateur de À son image

"Un objet qui bouge en fonction de qui le regarde"

par 

- CANNES 2024 : Le cinéaste français décrypte son passionnant portait d’une femme et d’un groupe d’amis pris dans le tourbillon du mouvement nationaliste corse

Thierry de Peretti • Réalisateur de À son image

Dévoilé à la Quinzaine des Cinéastes du 77e Festival de Cannes, À son image [+lire aussi :
critique
interview : Thierry de Peretti
fiche film
]
est le 4e long du cinéaste français Thierry de Peretti.

Cineuropa : Vous aviez déjà abordé le sujet du nationalisme Corse dans Une vie violente [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
. Pourquoi vous y replonger avec À son image ?
Thierry de Peretti
: Déjà, j’aime bien les histoires qui ne se terminent pas : on approfondit et les films y gagnent. Mais c’est surtout la lecture du roman de Jérôme Ferrari qui m’a frappé. D’abord, j’avais envie de travailler sur son écriture car c’est mon contemporain et la Corse est aussi pour lui un centre, l’un des sujets autour desquels il tourne. Ensuite, il y avait dans le roman beaucoup de motifs en commun avec Une vie violente, notamment la période. Enfin et surtout, le personnage d’Antonia, était un personnage que j’attendais, l’exact contrepoint féminin de celui d’Une vie violente. Par ailleurs, la période que le roman et le film couvrent correspond à l’époque de mes souvenirs d’enfant, d’adolescent et de jeune homme, c’est-à-dire les années 80 et 90. Et j’aime bien me demander (ce qui implique des questions de mise en scène), de quoi je me rappelle de cela : qu’est-ce ce qui m’a fait peur ? Qu’est-ce ce qui m’a exalté ? Qu’est-ce que je pensais à cette époque ? Qu’est-ce que je ressentais ? Et qu’est-ce que je pense aujourd’hui ? Tout cela me passionne parce que cela me questionne : cela remet à jour mes représentations de ces moments là et donc d’aujourd’hui. Je considèrerais pas les conflits de la même manière si je n’étais pas corse et si je n’avais pas vécu les événements politiques de ces années là, des événements à la fois tragiques mais aussi porteurs de l’histoire d’une lutte d’émancipation très forte. La Corse me permet de regarder mes contemporains et mon époque car le film, même s’il évoque les années 80 et 90, est un film de 2023 avec des jeunes gens de 2023. Ce qui m’intéressais, c’était de dialoguer à l’écriture (avec ma co-scénariste Jeanne Aptekman) avec le roman et avec la réflexion de Jérôme Ferrari sur les questions de représentations, d’image, et sur les questions politiques relatives à la Corse.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Comment avez-vous géré le rythme du film, dont l’intrigue s’étale sur près de 20 ans, avec votre style qui privilégie les plans-séquences ?
Dans le roman, cela se passe sur 30 ans. Là, c’est un peu plus contracté. C’est paradoxal car ce n’est pas un film sur le temps qui passe, mais j’ai fait en sorte qu’on puisse le ressentir dans les corps, dans les yeux des actrices et des acteurs, car on les voit traverser et être percutés par des événements. C’est vrai que pour moi qui travaille beaucoup avec des plans-séquences afin que le spectateur soit relié au présent, à la même temporalité que celui de personnages, cela crée une friction. Avec le plan-séquence, on est quasiment en temps réel, mais d’une scène à l’autre, on peut faire des bonds temporels et des bonds dans la psyché du personnage d’Antonia qu’on retrouve dans des états et de situations complètement différentes.

Vous mélangez aussi beaucoup de sources visuelles : le film en lui-même, les photographies d’Antonia, des archives télévisées, etc. Pourquoi ?
Cela fait partie de la réflexion sur l’image que mène le roman : la question des représentations. Les changements de format d’images sont souvent liés aux moments historiques. Je me posais la question : utiliser des archives ? Les faire raconter par la voix-off du narrateur ? Les reconstituer ? En filmant ? En photo ? Le film ne tranche pas une fois pour toutes. J’aime bien utiliser des sources et de matières différentes. C’est un cinéma de fiction, qui va sortir en salles, donc on ne peut pas trop aller dans l’expérimental, mais j’aimerais le faire un peu plus. Donc c’est une façon d’être expérimental sans que cela soit trop aride ni trop rebutant pour un spectateur qui ne soit pas familier de l’expérimental, mais aussi une manière de le sensibiliser : qu’il y ait une profusion plastique intéressante jusqu’aux images arrêtées puisqu’il y a même des séquences qui ont été tournées en photos. Le roman est populaire, généreux, très direct : si tu es très connecté avec l’histoire politique de la Corse, tu entres, mais si tu n’y connais rien, ce n’est pas grave. C’est un objet qui bouge en fonction de qui le regarde et pour moi, c’est une idée de cinéma très importante.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy