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CANNES 2024 Cannes Première

Emmanuel Courcol • Réalisateur de En fanfare

“Mon souci principal était de m’assurer que le public ne quitte pas le cinéma plein de désespoir”

par 

- CANNES 2024 : Le réalisateur français auquel on doit Un triomphe prouve que la musique rassemble vraiment les gens, y compris des frères qui ont grandi séparément

Emmanuel Courcol • Réalisateur de En fanfare
(© Fabrizio de Gennaro/Cineuropa)

Thibaut (Benjamin Lavernhe) est un célèbre chef d’orchestre. En cherchant un donneur de moelle osseuse, il découvre par accident qu’il a été adopté : il a un frère cadet qu’il n’a jamais rencontré. Ils ont très peu de choses en commun, semble-t-il, mais Jimmy (Pierre Lottin) lui aussi adore la musique, et joue du trombone dans une fanfare locale. Le réalisateur Emmanuel Courcol détaille pour nous son nouveau film, En fanfare [+lire aussi :
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bande-annonce
interview : Emmanuel Courcol
fiche film
]
, qui joue à Cannes dans la section Première.

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Cineuropa : Votre film, quoiqu'il ait des côtés sombres, reste plaisant pour le public. Était-ce un effort conscient, d'essayer de faire passer le public d’abord ?
Emmanuel Courcol : Je pensais aux spectateurs dès l'écriture du scénario, avec Irène Muscari. Nous en avons aussi parlé avec mon producteur. Je fais toujours ça. Je ne crois pas non plus que j'essayais de penser au marché. Ce n’est pas ce que j’avais à l’esprit. Mon souci principal était de m’assurer que le public ne quitte pas la salle désespéré. Il y a tellement de films tristes, ces temps-ci, que ça rend pessimiste sur toute la condition humaine. Si on ajoute ça à ça ce qui se passe déjà dans le monde et tout ce qu’on voit à la télévision, ça fait beaucoup. Je préfère faire en sorte que mes prochains se sentent un petit peu mieux quand les lumières se rallument.

Est-ce difficile de donner un tel rôle à la musique dans une histoire ? Ces deux hommes, qui sont très différents, apprennent grosso modo à communiquer à travers elle. C’est comme ça qu’ils se trouvent l'un l'autre.
Nous avons beaucoup réfléchi à cet équilibre, avec Irène et notre compositeur, Michel Petrossian, parce qu'il s'agissait de créer un paysage musical très nuancé et varié. La musique classique était notre point de départ, et ensuite nous sommes allés vers des choses plus populaires, pour que les deux puissent se croiser après. Mais le véritable point de rencontre pour ces deux frères devait être le jazz, bien sûr.

Tout le monde répète sans cesse qu’on peut toujours faire mieux et avoir des objectifs plus élevés. Ici, quand Thibaut dit à Jimmy qu'il "peut faire mieux", du moins mieux que la vie qu’il mène, ça devient un piège.
Thibaut vient d’un monde d’excellence : dans la musique, la culture et l'éducation. Son milieu n’est accessible qu’à de rares heureux élus, mais il est parvenu à le conquérir et à y trouver la gloire. Afin de réussir, il a dû avoir le sens de la compétition. Ça lui vient naturellement, mais quand il se met à dire à Jimmy qu’il devrait faire mieux lui aussi, en utilisant les mêmes mots que ceux qu’il s'entendait dire enfant, c'est plus lié à son sentiment de culpabilité. On pourrait dire que Thibaut a eu une meilleure donne dans la vie. Quand son frère essaie de le rattraper et de suivre les règles établies par lui, forcément que ça tourne mal. Thibaut a des bonnes intentions, mais Jimmy n'est tout simplement pas prêt.

La famille, c'est spécial, et ça peut désigner plusieurs choses : des gens avec qui on a grandi, des gens avec qui on a des liens de sang ou des gens qu’on choisit. Ça doit faire bizarre de se découvrir un frère dont on ignorait l’existence, quelqu’un qui est si similaire, et pourtant si différent ?
Une partie de l’histoire vient de mon histoire personnelle. Je suis issu d’une famille qui n’a rien à voir avec ce que je fais. Aucun de mes frères et sœurs ne sont des artistes. Ils sont restés proches de nos racines bourgeoises catholiques, alors que je suis allé ailleurs. Ça arrive, on prend des chemins différents. Aussi, comme vous l’avez mentionné, tout au long de nos vies, nous tendons à avoir plusieurs familles : celle dans laquelle on est né et, du moins dans mon cas, la famille artistique que je suis parvenu à construire en chemin, une fois que j’ai décidé de faire des films. Irène, qui vient d’Italie, a aussi décidé de quitter son lieu d'origine et de forger son propre destin. Nous venons d’environnements complètement différents. Pour moi, c’est un sujet intéressant.

En quoi cela vous intéressait d'avoir un personnage qui a autant de difficultés, qui est très malade et auquel arrivent soudain toutes ces nouvelles choses ?
Je me suis rendu compte que mes films ont souvent à voir avec les aspects cruels de la vie. Ou l’injustice, comme c'était le cas de mon premier film, Cessez-le-feu [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
. Ça parlait de deux frères aussi : celui qui reste et celui qui part. Ça traitait d'un autre sujet important pour moi : l’héritage et la possibilité de laisser quelque chose aux autres.

Ici, je voulais trouver une manière de faire se rencontrer ces frères : une greffe de moelle osseuse semblait un bon prétexte. Ça m’a permis de développer un scénario plein de thèmes et de réflexions différentes sur la vie. Thibaut rencontre Jimmy et se met à penser à l’existence qui aurait pu être la sienne. Il le voit et se demande : et si ç'avait été l'inverse ? Il y a un sentiment d’urgence, du fait de sa situation, mais le sujet du film n'a jamais été la maladie elle-même. Ce qu'on raconte ici, c'est sa trajectoire.

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(Traduit de l'anglais)

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