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CANNES 2024 Quinzaine des Cinéastes

Patricia Mazuy • Réalisatrice de La prisonnière de Bordeaux

"Un monde où elles sont ensemble et en même temps seules"

par 

- CANNES 2024 : La cinéaste française explique les ressorts d’un film explorant les sentiments se nouant entre une grande bourgeoise et une prolétaire dont les maris sont en prison

Patricia Mazuy • Réalisatrice de La prisonnière de Bordeaux
(© Alexandre Ean)

Découvert à la Quinzaine des Cinéastes du 77e Festival de Cannes, La prisonnière de Bordeaux [+lire aussi :
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est le 6e long de fiction cinématographique de Patricia Mazuy.

Cineuropa : Quand on vous a proposé le scénario, qu’est-ce qui vous a attirée ?
Patricia Mazuy : Les circonstances de départ des deux femmes étaient fortes. On ne connaît pas le monde des maisons d’accueil (ndr. qui organisent des parloirs entre les détenus et leurs familles), un monde où elles sont ensemble et en même temps seules. Cela explorait aussi deux clichés de lutte des classes qui se voient immédiatement à l’image, donc ce n’était pas nécessaire d’avoir des scènes de dialogues sur ce sujet car cela allait se voir dans la maison d’Alma (Isabelle Huppert). Mais je voulais qu’il se passe une action dans la relation entre ces deux femmes, une action qui a un petit côté Donald Westlake et dont je préfère ne pas parler pour ne pas "spoiler" tout le film.

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Les hommes sont en prison, leurs femmes dehors mais en réalité c’est aussi une prison pour elles.
On sent qu’elles sont en prison parce qu’elles sont assujetties à ces visites de parloir. Je trouvais ça intéressant de montrer cette prison en étant dehors mais qu’en même temps les hommes sont comme dans une boîte. Cinématographiquement parlant, c’est une métaphore forte. Ce qui a pris du temps à être affiné, c’est de particulariser chacune des deux femmes pour en faire des personnages sur lesquels les actrices puissent se dire qu’elles avaient des choses à jouer, que ce n’était pas juste des figures. Par exemple dans Bonne mère [+lire aussi :
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de Hafsia Herzi, il y avait des scènes de parloirs, donc elle connaît bien, comme elle connaît les cités. Mais elle me disait qu’en fait les hommes dans les parloirs, c’est souvent horrible, ils obligent les femmes à venir. Donc, je me suis dit que je voulais qu’elle soit une héroïne et je trouvais ça beau qu’elle soit amoureuse, ce qui n’est pas du tout commun car les parloirs sont usants. Donc cette usure de l’amour, je l’ai mise sur Isabelle Huppert dont le personnage est d’une complexité incroyable : elle est gentille, elle flotte dans sa vie, et je voulais que la précision du jeu soit dans la lignée d‘une vitalité italienne à la Marco Ferreri car l’histoire est si triste quand même que cela aurait pu être mortifère. J’ai vu aussi des films de Stéphane Mercurio quand je n’avais pas les autorisations pour aller dans les maisons d’accueil et les prisons, et la résilience de vie, je la trouvais forte pour la mettre en cinéma. Le personnage d’Isabelle est fragile au début mais au fur et à mesure elle donne des pans d’informations car c’est comme si elle se forçait à tenir par l’humour alors qu’en réalité, elle ne sait plus où elle est. Elle aime son mari, mais comme si c’était devenu une idée. Je trouvais cela tragique et beau à montrer, mais il fallait l’adjoindre au fait que c’est le personnage d’Hafsia qui conduit d’une certaine manière l’action alors que celui d’Isabelle conduit la métaphysique du film.

Quid de la relation entre les deux femmes ?
Je savais qu’il fallait que leur amitié soit forte. C’était posé dans le scénario : Mina défend Alma quand les femmes de la maison d’accueil veulent la faire taire, Alma invite Mina chez elle. Mais ces actes ne donnent pas l’intime de l’amitié que nous avons travaillé au tournage et au montage avec un équilibre, un balancement entre les deux. Mais c’est sur un fil car quand on est avec une, on a envie de voir l’autre et inversement.

C’est inédit pour vous, un tel film au féminin, avec beaucoup de douceur ?
C’est un film d’amour car les hommes sont enfermés et en même temps, les deux femmes sont ensemble dans une relation qui va les marquer à vie. Ce temps qu’elles vivent ensemble, je l’ai circonscrit à moins d’un mois car sinon, le récit aurait été trop dilué. Il fallait que cela reste tendu parce qu’il ne se passe quand même pas beaucoup d’événements, surtout pour moi qui aime d’habitude les films de bagarre. Mais on a le hors-champ de la vie de Mina quand elle voit Yassine et son mari, et celui de la vie d’Alma par petites bribes qu’elle délivre peu à peu. Il ne fallait pas évacuer le temps réel, mais bien être dans le présent de chaque scène et que chacune ait un mouvement. Et qu’il y ait de la comédie pour que cela reste vivant et que le film ne soit pas didactique car il n’y a rien de plus ennuyeux.

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