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VISIONS DU RÉEL 2024 VdR-Industry

Mehran Tamadon • Réalisateur de Derniers jours de l’hôpital

"Je fais partie de ceux qui pensent que le cinéma peut changer les choses"

par 

- Nous avons rencontré le réalisateur franco-iranien pour discuter de son nouveau projet, lauréat du Prix Eurimages au développement de la coproduction à Visions du Réel

Mehran Tamadon • Réalisateur de Derniers jours de l’hôpital

Bien que dans ses films précédents Bassidji, Iranien [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
et Mon pire ennemi [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Mehran Tamadon
fiche film
]
Mehran Tamadon ait filmé sans tabous la société iranienne, pour son nouveau projet Derniers jours de l’hôpital, lauréat du Prix Eurimages au développement de la coproduction à Visions du Réel, dont le tournage devrait commencer en septembre, il a décidé de déplacer son regard vers la France et plus en particulier vers un service psychiatrique de Val de Marne qui concentre tous les problèmes propres au système hospitalier dans son ensemble. Cineuropa a discuté avec lui de sa vision pointue du cinéma, à la fois expérimentale et militante.

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Cineuropa : Après avoir filmé longtemps la société iranienne, cette fois ci vous pointez votre caméra vers la France, pourquoi ce choix ?
Mehran Tamadon : Dans mes films précédents je me suis beaucoup questionné sur comment rentrer en relation avec des gens très différents de moi. En Iran il s’agissait de gens qui avaient le pouvoir, de gens que je craignais. Cette question dépasse pourtant le cadre de l’Iran, elle est pertinente partout, même en France. Comment rentrer en relation avec des gens à un rassemblement national d’extrême droite, par exemple, des gens qui défendent un pouvoir que nous critiquons ou que nous ne voulons pas. Mais aussi, dans le cas de mon prochain film, comment rentrer en contact avec des gens qui ont des problèmes psychiatriques, même si, bien évidemment, je ne veux pas du tout faire l’amalgame en les comparant à des mollahs ou des bassidji. Ma démarche artistique a interpelé le directeur de l’hôpital psychiatrique de val de Marne, où mon film sera tourné, qui m’a proposé de mettre en place des ateliers créatifs dans son service. Au début, c’était assez compliqué parce que je ne connaissais pas du tout le fonctionnement des institutions psychiatriques. Je ne savais pas trop comment travailler avec ces gens et j’ai mis des années avant d’arriver à trouver mes marques, à être proche de tout le monde : des patients, des soignants, des infirmiers et de médecins.

Qu’avez-vous appris de ces ateliers créatifs ? Comment pensez-vous utiliser cette expérience dans votre film ?
J’ai appris des choses progressivement. Je donne des ateliers créatifs tous les lundis et je passe huit heures avec les patients. Tout peut changer d’une semaine à l’autre, il y en a certains qui peuvent avoir fait une crise, d’autre qui ont été sédatés ou qui ont eu une dispute avec leur famille. Chaque semaine Il faut réfléchir à comment s’y prendre pour renouer le lien, pour recréer un groupe pendant les ateliers. C’est une gymnastique assez compliquée et tous les lundis je me demande si je vais réussir à construire quelque chose avec eux. Se poser ce genre de questions permet de rester humbles, d’être toujours vifs, de trouver des solutions de dernière minute et de se remettre constamment en question.

Quel dispositif pensez-vous mettre en place pour le tournage de votre film ? Allez-vous privilégier l’improvisation ou pensez-vous vous appuyer sur un scénario prédéfini ?
Ce sera forcément sous forme d’ateliers. Nous allons créer un groupe de travail composé de médecins, d’infirmiers, de patients et de psychologues. Ensemble, nous allons réfléchir à comment favoriser la relation thérapeutique dans le service, comment modifier aussi un peu les habitudes. Il s’agit d’un service "exceptionnel", qui tente beaucoup de choses. Il n’y a pas dans tous les services psychiatriques des intervenants artistiques, des réalisateurs ou des musiciens. La réalité est que le service est en sous-effectif, qu’il tourne en partie grâce aux intérimaires et ceci complique inévitablement le travail clinique. Un système basé sur les intérimaires est très fragile et instable.

Croyez-vous encore au pouvoir révolutionnaire du cinéma ? Est-ce qu’un cinéma politique et militant est encore possible ?
C’est ce que j’essaye de faire en tout cas. Je filme la réalité mais au même temps je la modifie en la filmant. En modifiant la réalité à travers le cinéma je montre qu’un autre horizon est possible. Je montre cette "autre" réalité, cet horizon des possibles, à travers le réel. Je fais partie de ceux qui pensent que le cinéma peut changer les choses, ou, en tous cas, qu’il peut participer à ce changement. Je trouve que la société devient de plus en plus violente, intolérante et les personnalités politiques de moins en moins responsables. Les médias de droite et d’extrême droite, en tout cas en France, prennent de plus en plus le pouvoir en mentant au public et c’est à nous, les réalisateurs, d’utiliser la caméra non pas uniquement dans un but poétique et esthétique mais aussi politique et militant.

En quoi le Prix Eurimages vous aidera-t-il dans la réalisation de votre film ?
Ça va en tout cas nous permettre de démarrer le tournage, le temps d’avoir d’autres financements. Normalement, on commencera les trois mois de tournage en septembre. Mes films sont toujours un peu des expériences et, dans ce cas précis, pour que l’expérience soit réelle et fructueuse il faut que ça dure même au-delà du tournage, il faut un suivi plus large.

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