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CANNES 2024 Un Certain Regard

Halfdan Ullmann Tøndel • Réalisateur d'Armand

“Apparemment, je sais mettre les gens mal à l'aise”

par 

- CANNES 2024 : Nous avons rencontré le premier Norvégien à jamais remporter la Caméra d’or pour causer langage corporel et sensation d'inconfort, et évoquer d'autres aspects encore de son film

Halfdan Ullmann Tøndel • Réalisateur d'Armand
(© Fabrizio de Gennaro/Cineuropa)

Dans Armand [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Halfdan Ullmann Tøndel
fiche film
]
, le film qui a décroché cette année la Caméra d’or de Cannes (lire l’article) après sa sélection dans la section Un Certain Regard, Halfdan Ullmann Tøndel suit Elisabeth (Renate Reinsve) alors qu’elle se rend à une réunion de parent d'élève impromptue. Son fils est accusé de quelque chose de grave, mais elle ne sait pas de quoi il s’agit. Une chose est certaine : tout le monde est très, très mal à l’aise, et prêt à désigner des coupables.

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Cineuropa : Quand le film était encore en cours de production, vous en avez montré des scènes au Festival de Goteborg, notamment la scène de danse avec Elisabeth. Le langage corporel est très important dans ce film.
Halfdan Ullmann Tøndel : J’adore voir de la danse dans les films, et je voulais avoir ce moment. C’est vraiment beau, quand la caméra et les acteurs sont en phase comme ça. Cette danse en particulier était censée être plus courte, et puis le chorégraphe me l'a montrée, deux jours avant le tournage, et je l’ai adorée. Kubrick disait que le cinéma devrait, comme la musique, rendre une progression d’humeurs et de sentiments. Je ne voulais pas juste suivre une intrigue. Je suppose que certaines personnes sont surprises par ça, et qu’elles ont besoin d’une explication logique – peut-être qu'Elisabeth se prépare pour une pièce ? Peut-être que c’est pour cela qu’elle danse ? De mon côté, je ne trouve pas très intéressant de tout expliquer. J’aime bien quand je regarde quelque chose et que je me demande pourquoi les gens font ce qu’ils font.

Les adultes sont confrontés à quelque chose d’extrêmement inconfortable ici : la sexualité des enfants. Et ce n'est pas tout : ils doivent par-dessus le marché en parler.
À vingt ans et quelques, je travaillais dans une école primaire, et maintenant, j’ai un jeune enfant. Les gens sont très mal à l’aise quand ils doivent avoir ce genre de conversation. J’ai réfléchi à ce moment, quand un enseignant dit aux parents ce qui s’est passé entre ces deux garçons. La première chose qu'on se demande, c'est : où est-ce qu’ils ont appris ça ? C’est étrange, parce qu'une chose qui pourrait paraître naturelle en maternelle ne semble plus naturelle à l’école, mais les enfants ne le savent pas ! Ils ne savent pas qu'il y a une limite entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, et c’était très intéressant de travailler à partir de cette idée.

Vous ne montrez pas les enfants, et vous ne les laissez pas parler. Pourquoi ?
L'intention n'a jamais été de parler des enfants, mais des parents, de la manière dont les enfants copient leurs comportements, et du fait qu'ils se reconnaissent en leurs enfants. Ça me paraissait un choix plus fort, de ne jamais révéler qui est Armand, ou son ami. On ne peut que l’imaginer à partir de ce que disent leurs parents.

Les gens préfèrent accuser les parents au lieu des enfants, mais est-ce que c’est juste ?
C’est compliqué, je suis d’accord, c’est comme si on retirait à l’enfant son autonomie. C’est troublant, mais je sais aussi combien ces premières années sont symbiotiques : l'enfant et son parent s'affectent l'un l'autre de toutes les manières possibles et imaginables. Les recherches montrent que ce qui se passe à la maison compte beaucoup. Quand il y a des problèmes dans le foyer, il faut réagir. Les enfants n’ont pas un langage pour tout, mais ils imitent ce qu’ils voient.

En tout cas, vous les regardez, et vous la regardez elle. Elisabeth est belle et connue, alors les autres veulent la voir échouer à quelque chose.
Les célébrités, les acteurs : voici  les gens sur lesquels on a le plus d’opinions. Même si en fait, on ne sait rien [les grands-parents du réalisateur sont Liv Ullmann et Ingmar Bergman, ndlr.] ! Ce film parle de prendre le peu d’information qu’on peut avoir, et de fabriquer toute une histoire à partir de ça. Ça avait du sens, qu'elle soit une personnalité publique.

Quand elle craque, c'est sans fin. Vouliez-vous mettre les gens mal à l’aise de nouveau ?
Je voulais faire ressentir des choses aux gens, et les faire se sentir mal à l’aise est, apparemment, une chose que je sais faire. Ça fait psychotique, dit comme ça [rires]. C’est intrigant, parce que les spectateurs réagissent de différentes manières. Certains rient, d'autres pleurent, d'autres veulent juste sortir. Pour ma part, je me conduis toujours affreusement aux enterrements. Je me mets à rire, et je déteste ça. Pour que cette scène fonctionne, j’ai senti qu’il fallait qu’elle dure longtemps. Je déteste regarder les films avec le public, mais ça a rendu la chose plaisante. Je pouvais entendre le rire se répandre dans cette grande salle. Je pouvais entendre le parcours émotionnel que les spectateurs ont fait. Je pense que c’était plus fort vécu comme une expérience collective.

Vos personnages sont coincés à l’école, mais on a parfois l’impression que ça sort tout droit d’un film d’horreur. Ça fait peur, et il n’y a pas d’échappatoire.
Je voulais que le film soit étouffant et terrifiant. Quand j'avais dix ans, mon école a organisé une soirée pyjama, et ce souvenir est resté avec moi. Il n’y avait aucun adulte, et ce vieux bâtiment, tellement plein de vie et de bruit pendant la journée, était tranquille et vide. Ce contraste, ce sentiment, toute cette histoire et toutes les vies qui sont passées par là… Je voulais que ce soit présent.

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(Traduit de l'anglais)

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