Gianluca Jodice • Réalisateur du Déluge
“Tout montrer sans tomber dans le sentimentalisme était un risque dont j'étais très conscient"
par Savina Petkova
- Le réalisateur napolitain se penche sur les derniers mois de Marie-Antoinette et Louis XVI, pendant la Révolution française
Cette année, le Festival de Locarno s’est ouvert sur la projection d’un drame historique atypique, Le Déluge [+lire aussi :
critique
interview : Gianluca Jodice
fiche film] de Gianluca Jodice, dans lequel les icônes françaises Mélanie Laurent et Guillaume Canet incarnent les figures non moins iconiques que sont Marie-Antoinette et le roi Louis XVI à partir du moment où ils sont enfermés au Temple en attendant leur procès par le peuple français. Après la projection du film, Jodice en a dit plus à Cineuropa sur cette "apocalypse personnelle" en forme de film en costumes.
Cineuropa : Bravo pour avoir fait l’ouverture du Festival de Locarno hier soir. Qu'avez-vous ressenti à cette projection très particulière, avec ce film en particulier ?
Gianluca Jodice : Bien sûr, faire l'ouverture de Locarno est quelque chose d'important, et j’étais très excité. Quand on réalise des films, on est habitué à avoir des avant-premières impressionnantes, mais jamais sur une place aussi grande avec un public aussi vaste. Ça signifie aussi que la projection devait être techniquement parfaite pour fonctionner avec un grand écran en extérieur et non dans une salle de cinéma. Ce fut un évènement unique, je ne pense pas qu’il se répétera – à moins que je ne sois de nouveau invité à faire l’ouverture de Locarno avec un autre film, évidemment.
Vous décrivez le film comme une "apocalypse personnelle". Pouvez-vous parler de cet aspect, de la grande et la petite histoire dans le film ?
Il y a une apocalypse publique, parce que l'Histoire avec un grand h est en train de se faire. Comme tous les grands tournants dans l’histoire de l’humanité, celui-là est traumatisant. Les grands changements vont de pair avec la violence, hélas, mais j’enquête aussi sur une apocalypse plus privée, au sein d’un couple et d’une famille, à un moment où les masques sont en train de tomber. Louis XVI et Marie-Antoinette ne sont plus roi et reine. Tout ce qu’ils étaient avant n'existe plus, donc ils se retrouvent totalement nus.
Nous sommes tous contents que la Révolution française ait eu lieu, mais il y a de l’empathie, dans votre film, pour la famille royale. Comment avez-vous veillé à bien contrebalancer cette empathie ?
Ça a été le plus dur. J’ai fait attention à ne pas être trop empathique, parce que cela aurait abouti à un film monarchiste et nostalgique, ce qui aurait été trop. Il s’agissait de conserver une juste distance par rapport aux événements. S'agissant des sentiments aussi, je ne voulais pas insister trop lourdement sur le chagrin et la souffrance, alors qu’ils étaient bel et bien présents. Il y a eu beaucoup de violence, on a utilisé la guillotine. Tout montrer sans tomber dans le sentimentalisme signifiait prendre un gros risque dont j'étais tout à fait conscient.
Mélanie Laurent et Guillaume Canet ont interprété différents aspects de l’amour romantique dans beaucoup de leurs films. Comment s'est passé votre travail avec eux pour incarner ce couple en particulier ?
Toutes les relations qu’on voit à l’écran sont dans le scénario, et j’ai eu beaucoup de chance que tous les deux l'aiment beaucoup. J’ai séparé les lectures avec chacun d'eux, et nous avons parlé longuement de l’intrigue. Pour être honnête, j’étais un peu préoccupé parce que le début du film montre Marie-Antoinette comme une personne franchement horrible, or Mélanie est très gentille. Elle a néanmoins su fait ressortir ce côté négatif de son personnage dès le départ. La même chose vaut pour Guillaume : le roi devait être un homme très fermé, avant tout parce que c’était un roi, deuxièmement parce qu’il était sur le spectre de l'autisme ou avait le syndrome d’Asperger, ce qui l’empêchait d’être empathique au sens classique du terme. Sans devenir non plus un homme adorable ou aimant, il fait un petit pas en direction de sa femme pour la toute première fois. Évidemment, cela se produit juste avant la fin du film.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la transformation, littérale et métaphorique, des acteurs dans le contexte de ce film historique, où les costumes et les maquillages sont très importants ?
Au-delà des costumes et des perruques, il y avait un autre aspect qui était probablement le plus dur à supporter : le corps physique du roi. Guillaume [Canet] a dû se réveiller à 4h tous les matins et se soumettre à une séance de maquillage de quatre heures tous les jours pendant six semaines, vous imaginez ? C’était vraiment fatigant pour lui. Nous avons fait beaucoup de tests pour son maquillage, parce que nous craignions qu'une couche aussi épaisse de maquillage ne cache ses expressions faciales et les sentiments exprimés. À vrai dire, nous aurions voulu qu’il porte encore plus de maquillage, mais nous avons décidé d’en mettre moins pour cette raison précise. Ça a probablement été la partie la plus difficile de l'élément "en costumes" du film.
(Traduit de l'anglais)
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