LOCARNO 2024 Cineasti del Presente
Willy Hans • Réalisateur de Skill Issue
“J'aime travailler avec les acteurs de cette tranche d'âge, parce que leur approche est très intuitive”
par Teresa Vena Interview: Willy Hans - Director of Skill Issue
- Nous avons rencontré le réalisateur allemand, dont le film suit un groupe de jeunes qui se laisse dériver, le temps d'une chaude journée d'été

Willy Hans a présenté son premier long-métrage dans le cadre de la compétition Cineasti del Presente du Festival de Locarno. Skill Issue [+lire aussi :
critique
interview : Willy Hans
fiche film] suit un jeune homme tandis qu'il erre le long d’une rivière, et observe et réagit à ses amis. Nous avons interrogé le réalisateur allemand sur l’approche qu’il a choisie pour montrer ses jeunes personnages, sur la manière dont il a développé les dialogues du film et sur sa bande originale.
Cineuropa : Y a-t-il une image ou une scène particulière que vous décririez comme le point de départ du film ?
Willy Hans : Le point de départ était un personnage dont le premier élan est de s'enfuir. J’ai été inspiré par le motif de l’errance qu'on trouve souvent dans la littérature romantique. J’ai imaginé un personnage qui se lance vers l’inconnu et se laisse dériver. Deux romans en particulier me sont venus à l’esprit : Scènes de la vie d'un propre à rien de Joseph von Eichendorff et L’attrape-cœurs de J. D. Salinger, où un garçon s’échappe de son internat pour aller errer dans la grande ville.
Comment avez-vous développé le personnage principal à partir de cela ?
Je voulais un personnage qui n'ait aucune aspiration, aucun but. Dans mes courts-métrages, il y a aussi des personnages qui ont surtout tendance à réagir, plutôt qu'à être eux-mêmes actifs. Dans Skill Issue, il y a un élan actif initial, à savoir la décision de quitter l’école. Après ça, l'idée est de "se laisser dériver". C’est ce qu’il m’attire dans l'idée de regarder ce personnage évoluer. Dans mon esprit, il a résolument un désir de contact et de connexion, pas nécessairement avec d’autres gens, mais avec le monde, résolument.
Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur cette tranche d'âge en particulier ?
C’est l’âge classique pour les histoires qui parlent de grandir. Et puis je me sens encore assez proche de cette âge. Je trouve difficile d’écrire sur des choses qui ne sont pas assez proches de moi. Cela ne signifie pas qu'il me faut une matière autobiographique, juste des sujets auxquels je peux me rapporter. J’aime travailler avec des acteurs de cet âge, parce que leur approche est très intuitive. Ils n’ont pas encore été formés à l’art dramatique.
Comment avez-vous réuni votre troupe de comédiens ?
Nous n’avons pas choisi les acteurs par rapport à leur apparence, pas spécifiquement, mais pour le personnage principal, je voulais quelqu’un qui puisse incarner la sensibilité, d’un côté, et de l'autre le fait d’être dans sa bulle. Leo Kuhn m'a conquis parce qu’il avait quelque chose de désinhibé pendant l’audition. La constellation particulière que forment les autres rôles devait être juste et équilibrée. Nous cherchions des gens qui avaient quelque chose d’un peu insolite et original. Tous étaient des acteurs professionnels avec de l’expérience, plus ou moins.
Quand on ne sait pas quoi dire, on tend à parler de la pluie et du beau temps. Comment avez-vous développé les dialogues du film ?
Je suis un grand fan des jacasseries, des phrases vides. Je pense que c’est la meilleure manière de révéler le propos sous-jacent d’un film. Je préfère quand l’intrigue d’un film n’est pas transmise uniquement à travers les mots qui y sont dits. Le film doit aussi exprimer quelque chose qui se lit entre les lignes. Ça permet d'avoir une approche humoristique, et j’ai aussi essayé d'amener cela vers des niveaux absurdes et extrêmes. Par exemple, il y a dans le film un monologue, prononcé par un personnage, qui n’a aucun sens pour le public. Ou alors des choses sont dites qui semblent incroyablement philosophiques, mais qui sont en fait assez banales. En plus des bavardages, je voulais aussi laisser de l’espace, pour que le spectateur puisse tout simplement regarder des gens.
À un moment, on voit des plans expérimentaux sur la nature. Comment l’idée vous en est-elle venue ?
Nous avons tourné le film en 16 mm. Ces images sont le résultat d’un accident au labo : la bobine s'est rompue. Au lieu de détruire les images, je les ai gardées.
Pouvez-vous nous dire quelque chose sur la bande originale du film ?
Il était très important pour l’ambiance de créer un son estival riche, un son qui gagne parfois en volume, et redevient parfois tranquille. J'avais besoin qu'il ait une sorte de composante mystique, avec le bruit de l’eau, les criquets, le bruissement des feuilles. Et puis tout doit devenir silencieux d'un coup. La musique apporte un contraste dans la scène de danse, par exemple, qui est censée nous rappeler les fêtes techno dans le village et qui est plus expérimentale à certains moments, créant ainsi une distance par rapport à l’atmosphère naturelle.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.