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LOCARNO 2024 Compétition

Ben Rivers • Réalisateur de Bogancloch

"Souvent, on voit du cinéma et tout est question de contenu, ou de forme, mais je veux que ces deux choses travaillent ensemble afin de créer un univers"

par 

- Le réalisateur britannique nous parle de son intérêt pour la répétition, bien en évidence dans son nouveau film, et du montage

Ben Rivers • Réalisateur de Bogancloch
(© Locarno Film Festival)

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interview : Ben Rivers
fiche film
]
, sélectionné en compétition à Locarno, le prolifique réalisateur britannique Ben Rivers fait son retour à l’événement suisse et rend de nouveau visite à Jake Williams, qui était déjà le sujet de son court-métrage This Is My Land (2007) et celui de son premier long, Two Years at Sea, sélectionné à Venise en 2011. Après la première de ce nouveau film, Cineuropa a rencontré Rivers pour discuter de la signification du retour et des moyens formels qui correspondaient le plus naturellement à cette rencontre.

Cineuropa : Pourrait-on avant toute chose discuter de l’acte de revenir sur ses pas, de l'itération et des répétitions. Ces concepts ont-ils une ambivalence pour vous, dans votre travail ?
Ben Rivers : À vrai dire, pas du tout. J’aime vraiment l’idée de la répétition et des gestes qu'on refait souvent. Je suis un grand fan de Samuel Beckett et même s'il use très différemment de la répétition, cela informe ma pensée. Au-delà de ça, j'aime l’idée d’être en mesure de retourner quelque part et de tourner des plans similaires en cherchant ce qui a changé.

La répétition serait donc une mesure du changement ?
Oui, dans le cas de petits changements subtils. Il y a indéniablement quelque chose d’excitant là-dedans – pas dans le sens spectaculaire du terme : je parle de l'excitation calme qu'on sent à voir des changements subtils, dans un espace ou une vie. Avec Jake, j'ai la chance incroyable qu'il soit très tellement ouvert à moi comme réalisateur et me laisse revenir. J'ai l'impression que la vie de la plupart des gens change assez rapidement, alors avoir l'occasion de passer du temps avec quelqu’un qui est peut-être un peu plus... enfin moins attaché à ces changements constants, à l'accélération du temps... Je suis d'ores et déjà certain que je vais vouloir retourner le voir dans, je ne sais pas, dix ans environ.

En lien avec ça, je réfléchissais aussi à l’observation : la caméra regarde ; nous, en tant que spectateurs, regardons, et on remarque des choses. Y avait-t-il un aspect introspectif, pour vous comme réalisateur ?
C’est encore trop neuf, et trop tôt pour vraiment le savoir, et puis ce n'est pas une chose que je veux aborder de manière totalement frontale. Évidemment, j'ai changé, le monde a changé mais dans le film, je voulais scruter de l'intérieur, d’une certaine manière… Je ne sais pas quel est le mot qui convient, mais je voulais arriver à un point où on n'est pas seulement en train d’observer sa vie de l’extérieur, mais où on essaie d'y entrer pour arriver à un autre niveau, un autre domaine du réel.

Bogancloch comprend beaucoup de plans larges qui font qu'on perçoit la distance visuellement alors qu'au niveau du son, on est toujours beaucoup plus près de Jake
Oui, le design sonore est vraiment fondamental et nous y avons passé beaucoup de temps. J’aime avoir toujours deux dispositifs d’enregistrement du son en place, donc on a le micro cravate sur lui et plus loin la perche, ce qui permet de choisir. La plupart du temps, on reste proche ; ça permet de maintenir le spectateur dans son univers. C'est pour ça que je me garde beaucoup de temps pour vraiment bien me consacrer au son. Par ailleurs, dans ce film en particulier, il y a aussi beaucoup de fumée. J’utilise ces éléments pour évoquer une autre sorte de réalité. Encore une fois, ce n’est pas juste de l’observation, j'essaie de rendre les choses comme un peu irréelles.

Généralement, vous faites ça à travers des moyens formels, quoique pas exclusivement, bien sûr. Que pensez-vous de cette étiquette de formaliste
On m’a beaucoup interrogé sur la forme, au fil des ans, mais en réalité, j’ai toujours cru en un cinéma de la forme et du contenu. Souvent, on regarde des films et on ne voit que du contenu, ou de la forme, mais je veux qu’ils fonctionnent ensemble, afin de créer un univers. Le cinéma, c'est aussi des gens, voyez-vous, et je n'emploie aucune formule pour arriver à cela. L'idée est de tâtonner, plutôt qu'avoir une idée très claire de la manière dont on veut obtenir ceci ou cela.

Par rapport à l'élément intuitif de votre travail, comment s’est passé le montage de Bogancloch
Ça a été vraiment intéressant, parce qu’on pouvait aller dans une foule de directions différentes. J’ai une manière très bizarre de m'y prendre. D’abord, je m’attaque aux images brutalement, pendant une semaine environ : je me débarrasse de tout ce qui ne me paraît pas si bon que ça, je claque des trucs ensemble, et puis j'oublie tout ça pendant une quinzaine de jours. À partir de là, tout se passe plus graduellement, avec des périodes intenses à travailler tard la nuit, et d'autres à ignorer le matériel pendant un temps, après quoi ça se calme. Comme je monte moi-même, j'ai la liberté d’organiser mon temps comme je le veux, un peu comme Jacob organise son temps, qui n'est en fait pas organisé du tout.

(Traduit de l'anglais)

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