Sara Fgaier • Réalisatrice de Sulla terra leggeri
"La possibilité de changer radicalement sa vie après un deuil est liée à la mémoire"
par Savina Petkova
- La monteuse et productrice nous parle de son premier long-métrage en tant que réalisatrice et de la connexion entre souvenirs et cinéma
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interview : Sara Fgaier
fiche film], qui vient de faire sa première mondiale en compétition à Locarno, est le premier long-métrage de la réalisatrice, monteuse et productrice Sara Fgaier. Dans le film, elle imagine ce qui se passe si on oublie l’amour de sa vie. En l'espèce, c’est Gian (Andrea Renzi) qui a perdu la mémoire. Sa fille lui remet un journal intime qu’il écrivait dans sa vingtaine, plein de descriptions poétiques et de traces d’une histoire d’amour. Interrogée par Cineuropa, Fgaier décrit pour nous le parcours qui l'a amenée à mettre en scène cette histoire en particulier. Nous parlons aussi du rôle des images d’archives et de la relation entre le souvenir et la mort.
Cineuropa : Comment Sulla terra leggeri est-il devenu votre premier long-métrage ?
Sara Fgaier : C’est un film que j’avais en tête depuis très, très longtemps, assez inconsciemment. Mon idée originelle comprenait une voix off et des fragments et traces d’histoires que j’avais collectées au fil des ans, ainsi que les images d’archives que vous voyez maintenant. Au départ, j’allais faire un film sur l’idée de voler, sur un vol. J’ai travaillé comme monteuse et productrice sur Belle e perduta [+lire aussi :
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fiche film] de Pietro Marcello, après quoi j'ai fait un court-métrage intitulé The Years, inspiré du livre d'Annie Ernaux Les années, mais Sulla terra leggeri n’a pas commencé comme un film préconçu. J’avais déjà tout ce matériel d’archives et je savais que ça n’allait pas devenir un documentaire.
À quel moment le projet a-t-il pris une direction différente ?
Ce dont j’étais sûre, c’est qu’il y allait avoir des scènes du carnaval sarde. C’était très important pour moi. Ensuite, je me suis rendu compte que c'était un projet beaucoup plus gros et beaucoup plus ambitieux que je ne le pensais. Sulla terra leggeri est devenu un film de voyage tourné dans plusieurs pays, dans plusieurs régions d’Italie, et nous avons traversé la Méditerranée. Nous avons même volé dans un petit avion. Nous avons une troupe internationale, différentes langues, et plusieurs âges. Il y a un gamin de quatre ans, un chat indomptable... Tout s’est assemblé assez spontanément et l'ensemble s'est mis à avoir une portée qu'on n'avait pas prévue.
Pouvez-vous parler de la relation entre souvenirs et cinéma, et comment avez-vous utilisé ce dernier pour transmettre les premiers de manière aussi tactile ?
Travailler avec des images d’archives donne la possibilité de construire de nouveaux mondes en attachant différentes significations aux images à travers le montage, en reconstruisant les événements différemment. Je comparerais cela au fait de voyager : d'emprunter différents chemins, parcours, trajectoires, ce qui se rapporte aussi à la connexion spéciale que je ressens avec les fantômes et la mort. Le premier livre que j’ai lu quand j’avais douze ans est l'Anthologie Spoon River [d'Edgar Lee Masters]. La mort reste assez tabou, et c’est une autre raison qui explique ma fascination pour le carnaval sarde, qui est un rituel très particulier.
Donc le souvenir et le cinéma se rencontrent au niveau du tabou de la mort ?
Oui. La possibilité de changer radicalement de vie après un deuil a à voir avec la mémoire. D'où l’idée de raconter l’histoire d’un homme qui perd son passé et le voit réapparaître dans une fantasmagorie d’images qui peuplent son esprit, qu'il ait vraiment vécu ces choses ou pas.
Ma dernière question est justement à propos de lui. Je suis toujours fascinée par les personnages principaux qui ne sont pas le personnage principal de leur propre histoire.
Moi aussi ! Je trouve ce changement de perspective fascinant. C’est quelque chose que je connais du travail d’Arnaud Desplechin…
Ah oui, son film Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) de 1996. Je l’ai vu récemment !
Exactement ! Si ce film-ci fonctionne bien, mon rêve est de réaliser une suite racontée du point de vue de la femme. Comme il n’est pas au courant de sa propre amnésie, elle est la seule qui est encore capable de raconter son histoire.
(Traduit de l'anglais)
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