Kurdwin Ayub • Réalisatrice de Moon
“On peut se trouver une sœur dans un autre pays, trouver des terrain d’entente et s’aider l’une l’autre, d’où qu’on vienne”
par Teresa Vena
- Dans son nouveau film, tourné en Jordanie, la réalisatrice autrichienne raconte une histoire transfrontalière sur la solidarité féminine

Après son premier long-métrage, Sonne [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kurdwin Ayub
fiche film], Kurdwin Ayub présente Moon [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kurdwin Ayub
fiche film], dans le cadre de la compétition du Festival de Locarno. De nouveau, les femmes et leur résilience sont au centre de l’histoire. Nous avons interrogé la réalisatrice sur le tournage du film en Jordanie et sur ses idées par rapport à l'aspect visuel du film.
Cineuropa : Qu’est-ce qui vous intéressait en particulier dans les arts martiaux mixtes (MMA) ?
Kurdwin Ayub : Je voulais avoir comme personnage une lutteuse, une combattante qui n’est pas vraiment une combattante, si on y regarde de plus près. Les autres femmes, si : ce sont de vraies combattantes. Le MMA est un des arts martiaux les plus difficiles. Ça se passe dans une cage, et on attend des femmes qu’elles soient attirantes, ce qui diffère de ce qu'on a dans les autres arts martiaux. Les tournois des divisions les plus importantes en MMA passent à la télévision, et c’est un sport très populaire aux États-Unis ainsi que dans les pays arabes et asiatiques.
Est-ce que l’actrice qui joue Sarah, Florentina Holzinger, fait vraiment du MMA ?
C’est une chorégraphe et artiste de performance très réputée. Je la connais depuis longtemps, et j’aime sa personnalité. Elle est cool et très dure, mais elle a aussi un bon sens de l’humour. Je savais que je voulais travailler avec elle. Elle n’avait jamais joué dans un film avant. Nous avons répété très longtemps. Je suis convaincue que beaucoup de gens peuvent jouer, si on est vraiment disposé à faire l’effort avec eux.
Le film se concentre sur des sœurs. Qu'est-ce qui comptait le plus pour vous, en développant leur relation ?
Eh bien j’ai une sœur. Pour moi, avoir une sœur est la meilleure chose au monde. Je pense que si quelque chose devait arriver à ma sœur, je ferais n’importe quoi pour elle. Je voulais faire un film sur des soeurs, mais aussi sur des sœurs qui n'ont pas forcément des liens de sang. On peut se trouver une soeur dans un autre pays, trouver un terrain commun et s'entraider, d'où qu'on vienne. L'idée était que le film parlerait de solidarité entre femmes.
Y a-t-il une raison particulière au fait que vous ayez situé le film en Jordanie ?
À vrai dire, je voulais tourner le film en Irak, mais c’était trop délicat pour moi de ramener la troupe et l’équipe là-bas. Ensuite, j’ai enquêté sur la partie kurde de la Jordanie, à côté, et je me suis rendu compte que c’était similaire à l’Irak. C’est plus libéral et ouvert, mais il y a encore beaucoup de sexisme, comme dans tous les autres pays arabes. Quand on parle de sexisme en Europe, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi dans d’autres pays. Ce problème m'accompagne depuis le début de ma carrière. En Jordanie, il y a aussi eu l'affaire d'une femme appartenant à la famille royale qui a fui le pays. La deuxième femme du roi de Dubaï a également fui le pays. Ce genre d'histoires est très populaire dans la région. On les relate comme des histoires de feuilleton télévisé, comme une des telenovelas que les sœurs regardent dans le film.
Comment étaient les conditions de tournage en Jordanie ?
La Jordanie, c’est formidable. Beaucoup de films hollywoodiens sont tournés là-bas. En gros, tous ceux qui parlent de terrorisme ou de guerre ou qui se passent dans le désert sont tournés en Jordanie. Et comme beaucoup de productions hollywoodiennes vont là, les prix sont très élevés. Comme nous ne tournions pas pour Hollywood, bien sûr, mais dans un style naturaliste et documentaire, il a été plus difficile de trouver des acteurs. Je voulais des actrices locales, qui parleraient de manière similaire et seraient crédibles comme sœurs. D'abord, nous avons dû créé des liens de confiance. Il nous a fallu du temps pour trouver Andria Tayeh, qui est une star en Jordanie. Dès qu’elle nous a rejoint, il a été plus facile de convaincre les autres comédiens.
Où avez-vous tourné exactement ?
Nous avons tourné dans une vraie villa. C'est, pour tout vous dire, un lieu fait pour accueillir des mariages, mais il avait été un peu négligé quand nous l'avons trouvé. Nous en avons rénové certaines parties pour le tournage.
Les téléphones portables étaient déjà un motif important dans votre film précédent. Qu’est-ce qui vous fascine à ce point dans cet appareil ?
Nous l’avons toujours avec nous, il fait partie de nous. Parfois, on a l’impression que c’est la chose la plus importante au monde. Le portable m'intéresse comme élément du dispositif narratif. J’aime aussi l’esthétique des vidéos sur portable et j’aime bien les utiliser.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche esthétique pour ce film ?
Par rapport à Sonne, cette fois, je voulais créer des images plus calmes et composées. J’ai aussi utilisé les vidéos de portable plus discrètement. Les vidéos qui apparaissent dans le film devaient avoir un look différent selon le personnage qui les réalise. En même temps, les vidéos se réfèrent aussi à cette princesse qui a fui son pays, et qui a également communiqué à travers des vidéos enregistrées sur téléphone portable.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.