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LOCARNO 2024 Compétition

Pia Marais • Réalisatrice de Transamazonia

“J'aime les personnages féminins qui, un peu comme ceux de Hitchcock, cachent quelque chose sous la surface”

par 

- La réalisatrice d'origine sud-africaine nous raconte comment elle s'est débattue avec les paradoxes de la forêt amazonienne et nous parle de son amour pour les personnages féminins ambigus

Pia Marais • Réalisatrice de Transamazonia
(© Locarno Film Festival/Ti-Press)

Après At Ellen’s Age [+lire aussi :
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, projeté en compétition à Locarno en 2010, Pia Marais est de nouveau en lice pour le Léopard d’or avec Transamazonia [+lire aussi :
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interview : Pia Marais
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. Le film décrit une relation père-fille complexe, ancrée dans les paysages imposants et majestueux de la forêt amazonienne. Cineuropa a interrogé la réalisatrice sur la manière dont elle a conçu ses personnages et sa relation avec l’Amazonie.

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Cineuropa : Quelle est votre relation avec l’Amazonie ? Pourquoi avez-vous décidé d'y tourner un film ?
Pia Marais : Je ne viens pas de là-bas. La première fois que j’y suis allée, c’était en 2015, dans le cadre d'un très long voyage. L’idée de tourner un film dans la forêt amazonienne est vraiment liée à la déforestation. Je me souviens encore qu'en dehors de la forêt, il faisait là-bas une chaleur insoutenable et que partout où j’allais, je voyais des églises. Ça m'a paru fou, car même les villages les plus minuscules avaient des églises. Tout cela m’a fait ressentir le besoin urgent de raconter cette histoire. Je ne suis pas quelqu’un de politisé, mais il fallait que j'en parle. J'avais vu ces choses, c’était trop tard. C’est le moteur qui m’a donné envie de creuser davantage ce qui se passait dans la forêt amazonienne. J’étais également intéressée par la question de l'identité, par le schéma que vous héritez de votre famille et de votre milieu. En vieillissant, on perçoit un schéma dans les comportements, ou dans la manière dont chacun réagit dans la vie. Ce motif est intimement lié à la relation père-fille que je voulais explorer. Évidemment, nous avons tous des discours imposés, et c’est particulièrement vrai quand on pense à l’amour. Que se passe-t-il quand quelqu’un, comme mon héroïne, a l’impression que pour être aimé, il faut remplir certaines conditions, par exemple jouer ce personnage de guérisseuse ? En même temps, selon la perspective de son père, la vie n'a de sens qu'a travers elle et son don.

Dans le film, plusieurs discours différents coexistent. Pour vous, qu’est-ce qui les réunit ? Quel est le vrai pivot autour duquel l'histoire se déploie ?
Dans le film, il y a plusieurs histoires mais pour moi, elles sont toutes connectées, pas séparées. À partir de mes observations sur la réalité de l’évangélisme, le fait que les discours soient multiples a du sens. C’est un univers, surtout en Amérique du Sud et plus précisément au Brésil, où les miracles et les enfants guérisseurs coexistent avec la vie quotidienne. Sur le plan de la structure, ça n’a pas été facile de tout réunir dans le personnage principal mais pour moi, tout est connecté grâce à la forêt.

En parlant du personnage principal, Rebecca : elle ne parle pas beaucoup, mais communique à travers son regard et son langage corporel.
Je voulais qu’elle soit une projection. Si elle avait été trop humaine, la projection n'aurait pas fonctionné de la même manière. Trouver une jeune actrice qui puisse incarner Rebecca a été vraiment difficile. J’aime beaucoup l’interprétation que propose Helena Zengel du personnage, parce qu’elle ne va pas dans la direction évangélique typique : elle joue le personnage avec beaucoup plus de sincérité. Quand j’ai reçu des démos pour le casting, j’ai vu une foule de jeunes actrices qui étaient, bien sûr, très intenses, comme le sont les évangélistes, mais Helena était à l'opposé et je me suis dit : "Waouh, ça c’est intéressant !". Sa manière de jouer Rebecca m’a rendu curieuse. Je pense que si ce personnage avait été joué de manière plus cathartique, avec trop de psychologie derrière, je n’y aurais pas cru : elle aurait été trop humaine. J’aime bien les personnages féminins qui, un peu comme ceux d'Hitchcock, cachent quelque chose sous la surface. Catherine Deneuve en fait partie, particulièrement dans Répulsion.

Le père de Rebecca est assez ambigu. On comprend mal quelles sont ses vraies raisons.
J’aime l’ambiguïté, ça me plaît. Le "milieu" est une zone intéressante, on peut y jouer. À vrai dire, j’avais plus peur de ne pas être assez ambiguë que l'inverse. Après avoir passé du temps dans ce monde, dans la forêt amazonienne, la dernière chose que je voulais faire était juger. Qui sommes-nous pour juger ? La situation, là-bas, est très complexe, et présente énormément de perspectives différentes. Selon celle qu’on adopte, on perçoit la situation autrement. C’est curieux que les gens aient toujours besoin de catégoriser. Au bout du compte, on parle d’êtres humains. Il y a des choses qu’on cache et d’autres qu'on montre. Le père de Rebecca se ment clairement à lui-même : il n'arrive même pas à se sauver lui. Il échoue à tout ce qu’il fait parce qu’il est sur la mauvaise voie et embarque tous les autres dans sa chute au nom du Christ, mais il a tort. Il est victime d’un discours qu’on lui a imposé.

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(Traduit de l'anglais)

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